Résumé de l’épisode précédent (L’Irlande, de Dublin à Galway – cliquez ici) :
En août 2012, je suis parti en Irlande rendre visite à mon ami Aaron. Les trois premiers jours nous ont vu visiter les vertigineuses Cliffs of Moher puis de traverses les landes du Connemara. J’avais terminé le récit sur un mail m’annonçant l’annulation de la réservation de mon véhicule pour le lendemain matin. Entamons donc un milieu de semaine placé sous le signe de Murphy (qui est aussi une stout brassée à Cork).
The Dark Hedges en Irlande du Nord
Jour 4 – Athlon, 7a.m. – Départ pour Belfast
C’est anxieux que je me suis réveillé ce matin-là, avec en tête ce message de l’agence de location de véhicules m’annonçant l’annulation de ma réservation. Pour en avoir le coeur net, Aaron m’emmène à l’agence à 8h comme il était prévu initialement. Le bureau de location de voitures Entreprise est situé dans un quartier délabré un peu en dehors de la ville. L’hôtesse m’accueille au comptoir miteux et prend mon numéro de réservation puis après vérification me demande si j’ai reçu un message. Je répond que oui, et que je suis étonné par l’annulation de ma réservation.
- On a plus de voiture disponible, qu’elle me dit.
- Comment ça, je réserve 3 jours en avance et c’est la veille qu’on me prévient ?
- C’est qu’on a essayé de vous téléphoner, mais on a pas réussi à vous joindre, alors on vous a envoyé un mail..
- Bravo, et je fais comment maintenant ?
- Ben, on est navré, mais si vous attendez jusqu’à 9h – 9h30, peut-être que si un client ne se présente pas vous pourrez avoir son véhicule..
Aaron s’était déjà mis en retard pour m’amener à l’agence, alors on a laissé mon numéro, le sien et on est sorti pour réfléchir.
- Quelles sont les chances d’avoir une voiture maintenant ? 20%, 25% ? Je lui demande
- Je sais pas, mais si tu veux il y a un bus pour Dublin aéroport dans 15 minutes.
Décision rationnelle, Aaron m’a posé à l’arrêt de bus et a filé à son boulot. Une fois en route, j’ai coupé mon téléphone (pas envie d’avoir affaire avec les autres blaireaux) et j’ai essayé de me connecter au wifi, mais en vain (je vous ai dit que les bus ont le wifi en Irlande ?). Arrivé à l’aérogare, j’avais le choix entre les grandes compagnies de location habituelles.
Je vais à un comptoir de libre où un Irlandais qui se donnait des airs de petit chef prend note de ma requête pour une petite voiture de tourisme et me renvoie vers son larbin.
- Une petite voiture vous dites ? C’est haute saison, vous savez, ce sera donc 76€, par jour, plus la taxe d’aéroport, plus l’assurance obligatoire à 13€/j. Ah et il vous faut le GPS aussi ? Et je vous facture aussi le plein en avance, pour un total de 531€ et des brouettes.
J’ai bien tiqué un peu en lui tendant ma MasterCard : j’avais une réservation pour 86€ à Athlone et là c’est 6x plus cher ! Je cogite. Est-ce que j’ai loupé une étape ? Est-ce que c’était peut-être aussi 86€ par jour, ai-je loupé une condition ou dupent-ils les clients d’une façon ou une autre ?
De toute façon je n’avais pas le choix, alors je fais contre mauvaise fortune bon coeur (qu’il est con ce Régis) et je ressors avec une Toyota Yaris flambant neuve. Ah oui, c’était la compagnie Budget…
Sur la route de Belfast, pas de problème à me réhabituer à la conduite à gauche (j’avais quand même conduit 20’000km en Australie l’année d’avant) et l’autoroute taille droit au Nord. Voulant manger un truc au bout de 2h de route, je prends une sortie au hasard. C’est curieux, la route est droite, fluide, hors centre urbain mais c’est limité à 40… Je regarde le GPS : 64km/h. Bienvenue en Irlande du Nord : fini le système métrique et God save the Queen.
Bienvenue en Irlande du Nord
Je vous épargne l’étape Belfast : j’y suis resté que 3h. J’avais pour projet d’y passer la nuit, mais un festival se déroulait en ville. Imaginez les Black Keys et les Foo Fighters dans un pays où il ne se passe pas grand chose : plus de logement vacant dans la capitale.
Alors j’ai repris la route : la Causeway Coastal Route, une des routes côtières les belles du monde.
Sur la carte, la plus grande ville à proximité s’appelait Larne. En y arrivant, vers 7h du soir, c’était une ville fantôme : volets tirés, devantures rabattues, rues désertes, sans véhicule ni piéton. Tout ce qu’il y a d’ouvert, c’est un bottle shop (pour distraire les adultes) et une marchande de glaces (pour occuper les enfants). Dans le premier, on me signale qu’il n’y a pas de gîte d’aucun genre mais qu’il faut aller à Ballygalley tandis que la clientèle de la glacière (pas froide pour autant) m’indique le pub où je pourrais trouver une chambre. Alors je me rendis au Dan Cambell’s.
Dedans, le serveur, un jeune rouquin, et un vieux dégarni sirotait sa Guinness devant un écran diffusant un match de football. J’ai commandé une Guinness d’un air las puis j’ai demandé le prix d’une chambre. 30£, me dit le rouquin. 30£ ? J’avais une vague idée du taux de change £/CHF et je trouvais que ça faisait beaucoup, surtout après m’être fait entubé pour la location de la Yaris. Je commençais à être fatigué et oscillait entre l’envie d’un bon lit et ménager ma Mastercard. Alors que j’essayais de négocier le prix de la chambre, le patron/gérant arriva. Il commença à me parler mais je ne compris rien-du-tout. C’était toujours pas du gaélique (enfin, je crois pas) mais c’était tout autant incompréhensible. En 5 minutes de conversation, pardon, de monologue, j’ai juste compris qu’il s’occuperait bien de moi et qu’est-ce-que je voulais pour le breakfast. Une fois parti, je demanda au rouquin : « C’est bon, il m’a fait une réduc ? » – « Non, c’est toujours 30£ la chambre » répliqua-t-il du même ton je-m’en-foutiste. Je fini ma Guiness et lui dit « Ok, je vais chercher la voiture ».
Une pinte de Guinness, un Irish Pub
En chemin, je me dis qu’il faut quand même que je cherche le Guest House de BallyBallo-MachinChose indiqué par le bottleshop.. 30£, merde..
Je l’ai pas trouvé. Mais à ce moment-là je m’étais déjà résigné à coucher dans la voiture.
Alors j’ai fait route pour la campagne avec un pauvre sandwich acheté dans une station-service et je me parque sur le bas côté pour y passer la nuit. Fin du 4ème jour.
Jour 5 – Sur le siège passager de la Toyota Yaris, 5a.m.
C’est ankylosé sur le siège passager que je me réveille d’une nuit agitée. J’ai essayé le siège passager, puis la banquette arrière pour finalement retourner sur le siège passager. C’est vraiment pas grand ces Yaris.
Il est 5h30 du mat et l’aube pointe dans la campagne irlandaise. Super, je vais pouvoir bénéficier de la Causeway Coastal Route avec la lumière de l’aurore et sans une armada de camping-car.
La route dévoile le paysage irlandais composé d’une côte où les vagues viennent lécher de gros cailloux noirs polis par les marées, quand de temps à autre, un détour permet de s’enfoncer dans les terres parsemés de collines. Les moutons y paissent l’herbe rase. Parfois un panneau indique une curiosité comme une cascade, un château ou une vielle ruine à découvrir. La lumière est très belle lorsqu’elle perce les nuages.
La colline aux moutons
La matinée passe ainsi à sinuer entre les falaises et les collines. Sur le coup des midis j’arrive à Ballycastle où je décide de trouver un logis pour la nuit. Après être passé par Armoy et Ballymoney, je trouve un YHA sympa à Bushmills qui en plus est très proche des Giant’s Causeway, ma destination photographique du soir. Un sandwich plus tard, je repars faire la route entre Bushmills et Ballintoy qui est franchement la plus belle partie de la Causway Coastal Route. Le paysage y est très découpé, dramatique tandis que le soleil plonge dans la mer.
Soleil couchant sur les falaises
Absorbé par le spectacle, je me rends compte que je vais louper le couché de soleil à la Chaussée des Géants. Sur la photo précédente je croyais avoir le temps mais j’avais encore 15min de marche puis 15 min de voiture avant d’arriver au parking du lieu le plus touristique de l’Irlande du Nord. Le piège est qu’il me fallu encore 10 autres minutes de courses avec 8kg de matos avant d’arriver au pied de ces cailloux hexagonaux issus de l’ancestrale activité volcanique de l’ile.
Le soleil avait déjà plongé dans la mer mais la lumière du crépuscule restait belle alors que la lune pointait entre deux promontoires rocheux.
La Chaussée des Géants au crépuscule
Il restait une demi-douzaine de personnes sur le site et j’aime m’imprégner des lieux sans avoir l’impression d’être le 15’000ème touriste de la journée. Une fois la nuit tombée, j’ai sorti mon arsenal de lightpainter et je me décida de créer une photo différente que la banale vue du dessus. Je vous invite à voir le résultat qui a été sélectionné par Canon France.
Quand je finis, il ne restait plus que deux grosses dames qui fumaient dans leur voiture. Elles acceptèrent de me repousser au parking.
Mais la nuit n’était pas finie : un autre lieu emblématique m’attendait. On les appèle les Dark Hedges. Il parait que c’est un lieu de tournage de Game of Thrones. Pour tout vous dire, j’ai lu les livres de la série il y a quelques années. Deux fois. Alors quand j’ai regardé le premier épisode, j’ai été déçu par un univers cinématographique qui ne collait pas à mon imaginaire. Bref, à l’époque, loin de savoir que la série était en tournage dans les environs, j’ai simplement sorti mon deuxième lightpainting de la soirée.
Les Hombres : The Dark Hedges
A ce moment-là je pouvais déjà considérer mon voyage comme une réussite.
Jour 6 – Au YHA de Bushmills
Aujourd’hui programme libre. Je n’avais rien de prévu avant de faire du Couch Surfing le soir. Alors je me suis promené à LondonDerry qui est une ville fortifiée dont les remparts font tout le tour puis je me suis gentiment dirigé vers Gortin. Gortin est un petit village de 600 habitants paumé dans la campagne. J’avais rendez-vous au pub avec Andy, mon hôte pour la nuit. Le Couch Surfing est un réseau mettant en relation un voyageur avec un autochtone qui accepte de prêter son canapé à un étranger. La pratique s’étend dans le monde entier et outre l’aspect économique (l’hôte ne demandant généralement pas d’argent), l’avantage est d’entrer en contact avec des locaux et avoir des tuyaux sur les lieux, s’imprégner de la culture et partager un moment de convivialité.
C’est ainsi qu’Andy, un grand et sympathique gaillard d’à peu près mon âge, m’a rencontré au pub pour notre première Guinness. Après la seconde, il m’a invité à rentrer chez lui, à une quinzaine de minutes de route.
Et là j’ai eu ma plus forte expérience culturelle du séjour : il vit dans un pub ! A la clôture de celui-ci quelques années auparavant, il a décidé de reprendre les lieux pour y habiter. C’était un tout petit pub mais il subsiste tout de l’Irish pub : le bar avec les verres et les tireuses à pression, les tabourets et tables d’angle, la décoration au mur et la caisse enregistreuse.
Dans l’Irish Pub d’Andy, le chercheur d’or
Andy fut vraiment convivial. Pour preuve il a été me chercher directement après son boulot de chercheur d’or, boulot duquel il s’est rendu directement après le festival de deux jours à Belfast qui m’avait empêché d’y rester. Après m’avoir offert le souper, on est redescendu au pub boire des bières et du cidre et jouer au billard. A l’époque, il y avait 8 bars dans le village pour ses 600 âmes. Quand on voit la météo et les Irlandaises, on a peut-être un début d’explication. Je dis ça, je dis rien..
Toujours est-il que j’ai passé une excellente soirée et peut affirmer avoir passé une nuit entière dans un Irish pub !
Jour 7 – Après une nuit dans un Irish Pub
Dernier jour de voyage avant de retrouver Aaron à Athlone. Andy m’a suggéré de me rendre sur Boa Island où se trouvent des tombes particulières.
Mais avant ça je suis allé prendre le petit déj dans une bourgade nommée Omagh. En revenant à la voiture, j’ai eu le bonheur de découvrir une amende de 90£ pour stationnement. A ma décharge, c’était très mal indiqué et j’avoue n’avoir toujours rien payé. Ceci n’est pas une incitation aux contraventions, mais il n’existe pas d’accord entre la Suisse et l’Irlande concernant la loi sur la circulation. J’ai bien reçu l’amende jusqu’en Suisse, mais ce n’était qu’une tentative de bluff.
J’ai alors continué ma route pour découvrir ces pierres tombales. Personne ne connait l’histoire de ces sépultures mais un visage orne les deux côtés de la pierre, loin de ressembler à aucun standard celtique ou chrétien. On dirait des mini-statues de l’île de Pâques.
Les curieuses sépultures de l’île Boa
Le soir, j’ai retrouvé Aaron chez lui avant de rentrer le lendemain en avion.
Ah oui, rappelez-vous, Aaron avait aussi donné son numéro à l’agence de location. Une demi-heure après que je sois parti en bus, ils l’avaient appelé pour lui dire qu’ils avaient trouvé une voiture pour moi…
Quoi ? T’aurais pu avoir une voiture pour 86€ pour finir ?
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