BIP! BIP! BIP!
Je suis encore loin, très loin, mais ce son strident, répétitif, presque douloureux m’extirpe de mon sommeil. Ce son qui est censé m’être familier, je l’avais pourtant déjà oublié.
Après 3 semaines de vacances, à me réveiller quand mon corps n’a plus besoin de dormir. On s’habitue vite aux bonnes choses.
Mais là le réveil sonne, et il ne s’arrêtera pas tant que je n’aurai pas bougé.
Il est 6h45. J’ai mal au crâne, dès le matin, c’est un signe qui ne trompe pas. C’est la rentrée.
Et ce BIP BIP incessant.
D’un simple mouvement de bras qui me demande pourtant une énergie folle, j’arrête cette machine du diable. Le BIP BIP cesse, enfin.
Mais je ne peux pas replonger dans mon sommeil, je dois me préparer.
Non sans mal, je glisse hors des couvertures. Il fait froid, il fait encore nuit dehors. J’avance à tâtons, tentant de m’habituer à l’obscurité. Mes yeux étant encore tout collés, ça ne sert à rien, je n’y vois rien.
Le choc violent de mon orteil sur le coin du lit me fait plus d’effet que le BIP BIP de mon réveil. J’ai mal, j’ai envie de hurler, mais je contiens ma douleur, il ne faudrait pas que je réveil le reste de la maisonnée dont la rentrée n’est que demain.
Je boite jusqu’à la salle de bain, j’allume la lumière. Cette clarté soudaine me brule les yeux. Il me faut bien 3 minutes pour m’y habituer, et là je m’aperçois dans le miroir. Quelle sale gueule. Les yeux collés, les cernes, pas rasé, les cheveux en vrac. C’est dur de croire que je viens de passer 3 semaines au soleil. A croire que le simple fait de retourner bosser aujourd’hui me donne la tête d’un travailleur lambda. Gris, terne, triste, laid.
Je me rase, non sans me couper au niveau du menton. Le tricostérile viendra parfaire mon déguisement du parfait petit cadre dynamique.
La douche enfin, salvatrice. On ne peut pas dire que je me sente bien, mais au moins je suis réveillé.
Bien entendu, je n’ai rien préparé hier, je n’ai pas une chemise de repassée.
La première chemise que je repasse s’avère avoir une magnifique tâche dans le dos. En étouffant un nouveau juron j’attrape une deuxième chemise que je repasse. Elle est moche et ne va pas avec mon pantalon, mais elle fera l’affaire. Je vais au boulot, pas à un défilé de mode.
Je contemple le café couler goutte à goutte dans la cafetière, drôle de spectacle, hypnotisant. L’espace d’un instant je suis de nouveau en vacances.
Déjà 7h30, je pense que je me suis endormi devant la cafetière.
Je me verse une tasse, et bois rapidement une première gorgée. Bien trop chaude. Cette fois ci je n’étouffe plus rien du tout et je gueule :
« la putain de ta mère, c’est chaud »
J’ai la langue brulée, mais je me sens mieux.
J’attrape une première tranche de pain que je tartine de miel.
Grossière erreur le miel sur une tranche de pain.
Ce con de miel coule au travers des trous dans la mie et vient me faire une magnifique tâche collante sur ma belle chemise.
J’emmerde le peuple et je choisi de mettre ma chemise tâchée dans le dos, je serai de toute façon bien assez beau pour aller poser mon cul sur un fauteuil inconfortable pendant 8 heures.
Avec le retard accumulé, si je ne me dépêche pas un peu je vais rater mon train. Pas le temps de me brosser les dents, ma mauvaise haleine sera dans le ton de ma mauvaise humeur.
Je cours jusqu’à la gare, putain ce que ça fait mal au pied des chaussures fermées.
Je monte dans le train in extremis en bousculant au passage un mec qui n’avait rien à faire là.
Finalement il ne fait pas si froid que ça quand on court. Je suis trempé.
Vu le monde qu’il y a dans ce train, j’en arrive à croire que je ne suis pas le seul pour qui c’est la rentrée aujourd’hui.
Le contact permanent avec les autres voyageurs m’est vite insupportable. 3 semaines loin de la foule c’est peut être ça le bonheur. Le souffle rauque au niveau de la nuque de mon voisin direct me pousse à bout. Je me retourne non sans lui mettre un coup de coude au niveau des côtes. C’est gratuit, inutile car j’ai maintenant son râle de douleur directement dans le nez, mais le savoir souffrant me fait du bien.
Pour ne pas perdre la main, j’insulte un mec venu nous jouer du Dalida à l’accordéon.
Mon mal de crâne n’est pas parti alors que j’approche de l’entrée de mon travail.
Et là, ce qui devait arriver arriva, je tombe sur mon chef. Je ne pouvais pas tomber sur sa secrétaire plutôt, ou sur les étudiantes de l’école de commerce. Non, il faut que je tombe sur mon chef.
Même pas un mot sur mon retour de vacances, comme si je n’étais jamais parti, qu’il m’agresse déjà. Mais je te chie dessus!
Je me fous de savoir l’état de la production, les anomalies applicatives, ce qui s’est passé pendant mes congés, que j’ai plein de boulot qui m’attend, plein de super challenges. Il n’y a pas 2 jours j’étais en maillot de bain au bord de la plage au soleil, alors les problèmes de livraison je m’en bas les noix.
Mais le pire reste à venir, je sais déjà que je vais affronter mes autres collègues, devoir dépiler mes mails, et me rendre compte que rien n’a changé.
Saleté de journée.
Pourtant on le sait tous, les retours de vacances sont à chaque fois identiques.
Ils nous font l’effet d’une gueule de bois. La descente aux enfers après un bonheur artificiel.
Mais on ne peut pas s’en empêcher. A peine revenu on pense déjà aux prochaines vacances, sachant d’avance qu’on le regrettera à notre retour.
Promis, demain j’arrête.
A non, pas demain, demain c’est la rentrée des classes, j’ai posé ma journée, je ne bosse pas. Je sens que je vais encore le regretter mercredi.