En réponse à la question : Comparé à il y a un siècle, le progrès technique est-il en panne ? de Frédéric Taddeï sur www.newsring.fr
Je suis d’avis que le progrès technique est en panne pour 5 raisons principales :
1 - L’éducation centralisée et unifiée : Des profils comme Laenneck, Lavoisier, Cuvier ou Edison avaient une diversité de parcours que l’éducation centralisée et unifiée traque et détruit. Il s’agit de produire au bout du processus des « mêmes » donc il en résulte une uniformisation des aspirations alors que le progrès ne surgit que des marges hors structures : Newton sous le pommier.
2 - L’inflation législative et le principe de précaution : L’un des inventeurs du parachute se tua en sautant de la tour Eiffel. On a coutume de dire dans l’industrie du médicament que si on appliquait les législations actuelles au moment de la découverte de l’aspirine, ce médicament n’aurait jamais eu l’autorisation de mise sur la marché ! Le progrès est en panne parce que nous l’avons décrété hors la loi ; il dérange trop les rentes et les situations établies.
3 - La mort de Dieu : Oui, cet argument semble hors de propos mais la mort décrétée de Dieu a eu des conséquences insoupçonnées car Dieu était la clé voûte d’un écosystème psycho-socio-créatif (oui je viens d’inventer ce mot valise). Dieu comme asymptote de la perfection, du bon, du beau, du vrai permettait aux savants de se figurer des lois cachées et une causalité à découvrir. C’était le moteur qui poussait à rechercher le verbe primordiale, l’équation originelle etc. etc. Un imaginaire qui stimulait « philantropiquement » le progrès donc en dehors de la recherche de monétisation et de la standardisation commerciale. Enfin, Dieu stimulait la méditation, la contemplation (cf. Laenneck) à tel point que Claude Bernard dans sa leçon assigne au scientifique une attitude quasi monacale : « L’esprit de l’observateur doit être passif, c’est-à-dire se taire ». On retrouve la règle du silence de nos moines médiévaux.
4 - La mort de l’autre : Oui, les athées bouffeurs de curés m’auraient opposé les progrès techniques de la troisième république et de la première moitié du 20e siècle pour dire que la mort de Dieu n’avait pas empêcher le progrès et peut être même stimulé. J’aurai alors répondu qu’il ne s’agissait que d’énergie résiduelle décroissante au fur et à mesure de la déchristianisation-laïcisation de l’espace publique. Mais cela aurait été un combat inutile de sophistes. La mort de l’autre c’est le second paradigme qui naît du monde de l’Après Shoah. L’autre cesse d’être une catégorie acceptable, il n’y a plus qu’un empire universel du même avec la ritournelle stupide du « tous humains » qui interdit de penser le différent essentiel pourtant à l’échange chimique, j’ose le mot Alchimique ! L’autre doit être inclus dans une chaîne universelle, les tabous et l’ost-racisme chassés et les tenants de la différences, criminalisés.S’il n’y a plus de différences donc de hiérarchisation, comment progresser ? Le progrès est alors caduque et cesse. L’autre cesse d’être notre enfer, mais comment penser encore le Paradis ?
5 - La fin de la marginalité : L’auto-domestication de l’homme par l’homme à travers la superstructure de l’état-providence à fait émerger une catégorie (Espèce je devrais dire) nouvelle : Le citoyen. En effet, il y a autant de différences entre le citoyen et l’animal-homme qu’entre un Garfield-chat domestique et un chat sauvage de savane. C’est dire que par la domestication, l’homme-citoyen est normé à désirer la même chose, à se révolter de la même manière (révolte vaine car prévu et incluse dans le système étatique). Le cauchemar de Tocqueville, de Constant et bien avant eux celui de La Boetie est devenu réalité. Il n’y a plus de marginaux ni d’original. Il n’y a plus d’autres donc de Hurons ou de Persans. La marge est normalisée dans un mariage pour tous. Partout l’empire du bien tyranniquement pose le signe = . Fin du progrès.
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