Il y a des jours où certaines accumulations de faits indiscutables imposent une pause d’intense réflexion, voire de remise en cause, même chez les plus indécrottables optimistes, fussent-ils socialistes. Le mois de septembre est encore jeune, mais il commence avec un amoncellement de nouvelles fort inquiétantes…
Prises séparément, ces informations sont, en elles-mêmes, lourdes de signification. Assemblées les unes aux autres, elles forment un tout un peu trop cohérent et dépeignent un tableau assez sombre d’une situation qui non seulement n’est pas bonne, mais se dégrade de plus en plus vite.
Sans grande difficulté, je peux commencer par relater le cas des souffleuses de verre de Montolieu. À l’occasion d’un petit article paru récemment dans les Echos, on apprend que l’entreprise, les atelier de la Manufacture Royale de Montolieu, fondés sous Louis XV, est actuellement en graves difficultés financières.
C’est la crise, me direz-vous. Sauf que ces difficultés ne sont pas créées par une contraction sauvage de l’activité : avec trois employés à temps plein, un apprenti en formation, et un chiffre d’affaires qui atteint les 100.000€ annuels (dont 30 % à l’exportation), on peut le dire : voilà un atelier qui fonctionne. Heureusement, l’Etat intervient rapidement pour mettre le holà : fin 2012 survient un contrôle fiscal, conduit par un inspecteur zélé (7 visites sur le site en trois mois) qui se traduit par une rectification de plus de 70.000 € (soit 9 mois de chiffre d’affaires), pour les exercices 2009, 2010 et 2011, dont un tiers sur les deux sœurs cogérantes au titre de revenus personnels dissimulés. Bien fait pour leurs gueules, fallait pas tenter de faire du bénéfice et d’avoir du succès en France. Non mais et puis quoi, encore ?Le reste de l’article permet de bien comprendre le parcours que devront ensuite suivre les deux cogérantes de l’abominable affaire de verreries qui marchait trop bien, et de voir qu’il n’y aura aucune latitude, aucune marge, aucune compréhension à espérer de la part du fisc. Après tout, liquider une société multicentenaire, employant plusieurs personnes, c’est absolument normal. C’est même, littéralement, leur job puisque la survie de l’État passe par là.
Bien évidemment, j’ai choisi cet exemple car, bien documenté, il permet d’apprécier toute l’utilité pratique des services fiscaux. Et bien évidemment aussi, il faut comprendre que ce cas n’est pas une exception, mais plutôt une règle, habituelle, décontractée, répétée des centaines de fois sur tout le territoire, tout le temps.
Le nombre de chômeurs augmente toujours, on se demande pourquoi.
Rassurez-vous, l’État a tout prévu : parallèlement à sa création du Chômage Pour Tous, l’État s’emploie aussi à trouver un Emploi De Fonctionnaire Pour Tous. Et après avoir ralenti le rythme en 2012 pour faire croire à l’austérité (dans le fond : rires), les embauches de fonctionnaires sont de retour, avec vengeance puisqu’en six mois de 2013, l’Etat vient de grossir plus que sur les douze mois de l’année précédente.
Une flopée de services de l’État créent des chômeurs, qu’une autre flopée s’emploie à recaser dans ses rangs.
Merveilleux, non ?
Dans ce monde, tout ceci ne peut pas se passer sans quelques frictions : ces petits exercices du plus haut débile (surtout en période de crise) se traduisent inévitablement par des budgets dramatiquement rognés. Parmi eux, celui de la Justice, et notamment celui des prisons. On n’est donc pas surpris d’apprendre que pendant que les brochettes d’imbéciles de Bercy bousillent activement l’économie marchande française, pendant que les ribambelles de clowns accroissent l’obésité morbide de l’État, certaines prisons … sont en faillite. Ainsi, celle de Douai en est réduite à bricoler des mesures anti-gaspillage qui seraient comiques s’il ne s’agissait pas de détenus.
Oui, aucun doute, le n’importe quoi s’étend, inexorablement. L’odeur de folie furieuse qui dans ce pays flottait, naguère imprécise, à chaque remplissage kafkaïen de CERFA ridicule est maintenant omniprésente et entêtante, bien au-delà de ces contacts épisodiques et systématiquement douloureux avec les administrations.
Et à mesure que, justement, les formulaires à remplir s’accumulent, les démarches idiotes s’ajoutent aux taxations iniques et à la fiscalité vexatoire et incompréhensible, la grogne du peuple monte.
Tout le peuple ? Ah non : seulement cette partie qui tente, vaille que vaille, de joindre les deux bouts de cerfa et de déclaration standardisée. Seulement cette frange qui se lève pour aller bosser, ou espérer pouvoir le faire.
Dans ceux-là, on trouve les Pigeons ou les Moutons, dont j’ai déjà parlé dans ces colonnes. Plus récemment, j’ai évoqué les Tondus, qui font entendre de la voix, à tel point que même la presse mainstream commence à noter leur existence : c’est ainsi que Le Figaro fait mention dans un article récent de l’existence de la fronde qu’ils mettent en place pour protester contre les charges ahurissantes qui les empêchent de travailler et de créer de la richesse. La grève du paiement des prestations est en cours. De mon point de vue, je ne peux qu’encourager vivement tous et chacun des patrons à rejoindre le mouvement : la tonte unilatérale, en échange d’un non-service calamiteux, a largement assez duré.Et lorsque ce ne sont pas les Tondus qui protestent, ce sont les patrons eux-mêmes qui le font, en direct, en chair et en os, devant la minustre du Tourisme, du Commerce, de l’Artisanat et des Déclarations Frivoles, Sylvia Pinel : « Tuer les auto-entrepreneurs, c’est valoriser la réussite ? » s’offusquent ainsi certains pendant que d’autres évoquent la « spoliation fiscale » dont ils sont l’objet, ou ricanent franchement lorsque la pauvre ministrette de permanence tente de leur faire avaler que le gouvernement est attaché à ses entrepreneurs (comme la corde au pendu ?)…
Les formulaires s’entassent, et la grogne monte. La grogne monte, et le pouvoir commence à sentir la petite odeur de brûlé qui l’entoure.
En Hollandie, dans cette France Apaisée qu’il nous a vendue pendant sa campagne, tout ne se passe donc pas comme prévu. Il y a des petits accrocs. Les moutontribuables ne se laissent plus faire. Les patrons refusent de cracher au bassinet (les salauds). Les joyeuses bidouilles sociétales à base de genre à l’école, de mariage homosexuel et de prison facultative n’emportent pas l’adhésion de la masse qui attend surtout des jobs et un avenir vaguement moins sombre.
Dans sa grande lucidité et son discernement habituel, Bercy a donc décidé qu’il allait mettre la pédale douce sur les hausses diverses, notamment celle du prix du tabac. Ce n’est guère populaire et la popularité, de nos jours, ça peut aider. Surtout pour Bercy. Surtout pour le gouvernement. On a un pays à bombarder, envahir et livrer clef-en-mains aux islamistes, après tout.
Dans son immense sagesse et à l’aide de ses communicants habiles qui ont déjà prouvé à quel point ils étaient affûtés, le président François a donc, publiquement, émis l’idée-sonde d’une « pause fiscale« . Bien sûr, il s’agit de faire comprendre qu’on envisage d’arrêter de cogner sur les « riches » les plus nombreux (c’est-à-dire les foyers fiscaux imposables pauvres). Bien sûr, la pluie de taxes continuera, drue. Bien sûr, les vexations fiscales continueront, ininterrompues.Mais il faudra juste être plus discret dans le n’importe quoi. La grogne monte.