Dorothée Volut publie à
la surface aux éditions Eric Pesty.
La plupart du temps la peau n’a pas de couleur. L’observation des autres est
uniquement cutanée. Toi, c’est dans le filet de toi-même que tu avais pris des
poissons. Plus je conserve le rythme de mes doigts glissant sur le clavier,
plus je m’enfonce. Le rythme porte la partie de toi qui ne sait pas s’entendre
avec elle-même. La musique alors est une nécessité. Poser des clés ou des légumes
sur une table est un point rassurant. Je dépose et le support reçoit sans s’effondrer.
L’effondrement est humain, la table non, semble-t-il.
Si au moins une casserole ou à l’identique une piscine de quartier. Cela devait
paraître anodin l’espérance autrefois. On prenait son sac qu’on n’avait pas en
plastique, et on attrapait un train de banlieue. Des chaussettes on en avait à
peine et des bas encore moins. C’était nu que toute expérience se faisait. On
était comme né il y a pas longtemps et rudement poli. Aucune mèche ne dépassait,
pas plus que l’enthousiasme qu’on avait bien brossé. Les inondations n’étaient
guère à la mode.
[...]
J’ai posé sur la table les visages, mais la fonction est calcinée. Je reste
assise devant les taches, inanimée comme elles – inanimée, c’est toi de
couleurs différentes. On lit des poèmes à voix haute en se réunissant pour
écouter. Les titres sont nombreux, les hypothèses. On tend l’oreille comme on l’a
toujours fait (en présence des petits gâteaux personne ne s’aperçoit de rien).
Une scène de genre pour notre époque.
[...]
Je continue pour justifier le manque. J’aligne des flopées d’inerties. Je reste
là, brisée en petites phrases. Des évènements ont eu lieu, j’ai dû dériver
entre-temps. Mais vous – comment vivez-vous le phénomène de la déportation ?
Dorothée Volut, extraits de « Voix 4, Marseille, le 24 avril 2005 »,
in à la surface, Eric Pesty éditeur,
2013, pp. 31, 32 et 33.
Bio-bibliographie
de Dorothée Volut