Port-Royal des Champs, sérénité et recueillement

Publié le 02 septembre 2013 par Mpbernet

02 septembre 2013

Nul besoin de parcourir des kilomètres pour passer une journée dans le plus complet dépaysement. Il suffit de se rendre sur la commune de  Magny-les-Hameaux, dans les Yvelines … sur le site du musée national de Port-Royal des Champs …

Alors, il faut faire appel à ses très vieux souvenirs de la classe de seconde – pour ceux et celles qui, comme moi, ont appris l’histoire dans l’ordre chronologique. Et se souvenir des flamboyantes querelles qui suivirent les Guerres de Religion, la Réforme Catholique et l’extraordinaire exécration réciproque entre Jansénistes et Jésuites. A croire que les humains n'ont rien appris ni rien oublié lorsque l'on voit les massacres actuels entre - entre autres - musulmans sunnites et chiites ou alaouites.

Port-Royal des Champs est une abbaye cistercienne fondée en 1204. Son essor vient de l’influence de don abbesse, Mère Angélique Arnauld (1591 – 1661), qui en fit l’une des premières communautés religieuses engagées dans le mouvement de réforme catholique au début du XVIIème siècle.

Transféré à Paris en 1625, le monastère entre dans la sphère d’influence de l’abbé de Saint-Cyran, et une communauté d’hommes, les Solitaires, s’installe à partir de 1639 dans le monastère pour s’y livrer à des travaux d’érudition et y créer « Les petites Ecoles », un collège de garçons où l’on enseigne à partir d’ouvrages conçus exprès pour eux et dont Jean Racine fut l’un des prestigieux pensionnaires.

Ami de Cornelius Jansen, évêque d'Ypres, Saint-Cyran (en haut à droite) est, avec Antoine Arnauld, frère de la Mère Angélique, le chef de file d'un courant théologique, retournant à la lecture des pères de l'Eglise, principalement de saint Augustin. Condamné par Rome en 1642, l'Augustinus de Jansenius devient l'objet d'âpres polémiques, dont Antoine Arnauld et les Solitaires de Port-Royal se font les portes paroles.

Principal foyer de la pensée janséniste en France, Port-Royal apparaît comme un lieu de résistance au pouvoir royal, que Louis XIV ne parvient pas à réduire, pendant tout son long règne. En 1661, il ordonne la dispersion des Solitaires et la fermeture des Petites écoles. La « Paix de l'Eglise » en 1669, marque un répit dans la politique anti-janséniste, et l'abbaye connaît un second âge d'or, sous la puissante protection de la duchesse de Longueville, cousine du roi. Après la paix de Nimègue et la mort de sa cousine en 1669, puis de 1705 à 1713, le roi vieillissant cherche à faire disparaître les jansénistes du royaume. Comme les Protestants, les Jansénistes émigreront en masse, privant la France d’une grande partie de ses intellectuels.

La controverse religieuse, qui tourne autour du thème de la grâce et de la prédestination, devient un objrt essentiellement politique. La défense de ces thèses par Blaise Pascal, à travers les Provinciales (1656) attire les foudres du pouvoir. En 1709, les dernières religieuses sont dispersées et le monastère des Champs est détruit de fond en comble par ordre du roi en 1711. Cependant, l’influence intellectuelle et spirituelle du jansénisme demeure vive en France jusqu’à la Révolution (cf. La Constitution civile du Clergé). On le comprend bien à la lecture de l'ouvrage récent de Jacques Juillard "Les Gauches françaises".

Aujourd’hui, il ne reste rien de l’abbaye à part les fondations de l’église primitive du XIIIème siècle. Un petit oratoire a été construit en 1981 sur le site. En revanche, ce vallon d’un calme absolu a été préservé comme un havre de pureté. L’esprit des femmes et des hommes de savoir et de rigueur continue de hanter ce lieu d’exception. En haut de la colline, la ferme des Granges et ses jardins multiples continuent visiblement à être exploités. On visite le musée logé dans le bâtiment construit en 1652, où on pense qu’étaient logées les petites écoles.

On peut regretter cependant que les explications fournies supposent parfaitement connues les données spirituelles et historiques de ce moment important de l’histoire des idées au XVIIème siècle. On se demande si la diffusion des thèses de ceux qui eux-même ne se définirent jamais comme "jansénistes" risquent toujours les foudres du pouvoir .... Il vaut mieux par conséquent se documenter avant de venir !

Et on a peine à imaginer les ardentes polémiques, les joutes avec la papauté qui émet bulle sur bulle, les campagnes de presse (les Provinciales), l'exploitation de miracles comme ceux attribués au contact de la pierre tombale du diacre Pâris, une effervescence politico-religieuse intense, naturellement intolérable pour un roi absolu et finalement devenu plus dévôt que le parti dévôt ...

A noter : le premier dimanche de chaque mois, l’entrée est gratuite …

Musée de Port-Royal des Champs, Route des Granges – 78114 Magny-les-Hameaux, ouvert tous les jours sauf le mardi ; accessible par le RER B (Station St Rémy les Chevreuse, puis bus 464 arrêt Buloyer)