CHILLWAVE – Jagjaguwar - label indie-rock - nous a habitué à découvrir de très bons artistes tous plus surprenants les uns que les autres. Dotés d’une large palette musicale, les opus que le label a produits ont su pour la plupart nous délecter à chaque fois d’un rock indépendant très original porté par des combos à forte identité. Cette fois, la maison remet le couvert mais dans une direction opposée et plus osée car plus électro-pop. Avec Small Black, Jagjaguwar prend en effet un chemin résolument plus pop et électronique, chillwave, comme le revendique le groupe. Second opus du combo, Limits of Desire saura-t-il ainsi séduire et s’intégrer à un catalogue déjà bien rempli et résolument rock ?
C’est ce que l’on se demande en tout cas à la première écoute de ce LIMITS OF DESIRE. Contrairement à ce qu’on a l’habitude d’entendre chez le label, ici on entre dans un monde où dominent un ou plusieurs synthétiseurs qui donnent le ton de ce que sera l’album de leur nouveau poulain. C’est qu’il faut le rappeler, la chillwave est un style qui se revendique de ce genre de procédé dont Small Black ne se prive pas bien-sûr. Plus que cela, le genre impose un croisement des tendances de l’an 2000 au travers d’un style retro définitivement 80’s. S’ajoutent à ce doux mélange des sons ambiants entrecroisés de pop moderne, d’électro et de psychédélique sans compter le côté new-wave. Les spécialistes du genre le qualifient même de « musique d’été ».
Ce qui est une évidence quand on écoute LIMITS OF DESIRE : quoiqu’on en pense, il ne peut s’agir que d’une musique estivale qui nous invite à la plage. "Free At Dawn" regroupe tous ces éléments stylistiques : le titre ouvre l’album sur une note ensoleillée au moyen d’un synthétiseur hypnotique soutenu par un rythme léger et constant de charleston. Tout de suite la voix cristalline du chanteur renforce et impose ce mode estival qui vire à la cure de sérénité. S’ajoutent aux lignes de synthé quelques filets de guitares planantes, par nappe, qui nous envole littéralement. Ce bain de lumière nous envahit plus complètement encore quand des sonorités new-wave et psychédéliques s’invitent à leur tour. Le bien être est total et le titre très réussi.
Les trois titres suivants seront du même acabit (Canoe, No Stranger, Sophie) : les synthétiseurs puissants et tripés façon années 80, la voix fragile et érotique du chanteur ou encore le mélange délicat de boîte à rythme et de batterie binaire plonge l’auditeur dans un monde solaire et aquatique grâce à une pop psyché, sensuelle et électro-rétro qu’un George Michael ne dénigrerait pas. Le groupe se fend même d’une sorte de ballade romantique (Sophie) mais toujours dans le style chillwave. On peut donc dire que ce début d’album est saisissant puisqu’il nous plonge littéralement dans un monde fort de sérénité et de lumière.
Cependant, très vite, la suite nous lasse. On souhaiterait que le groupe enrichisse ses morceaux, nous surprenne dans ses constructions et surtout, que d’autres éléments instrumentaux s’ajoutent à cet univers. Le monde solaire et candide dans lequel le groupe nous a plongé devient monotone et agaçant à la longue, trop sucré par trop de répétition ; on a toujours l’impression d’entendre la même chanson qu’au commencement avec les quatre titres suivants (Breathless, Proper Spirit, Only A Shadow et Limits Of Desire). Il faut attendre la fin de l’album pour que les espérances de l’auditeur soient comblées : "Shook Loves" et "Outskirts" nous sortent de notre engourdissement pour nous saisir par leur richesse sonore (plus d’instrumentaux) et surtout leur structure rythmique basse/batterie qui offre beaucoup plus de profondeur à un ensemble trop léger.
Au final donc, un album intéressant et très réussi techniquement, qui séduit au début, mais qui nous laisse sur la faim ensuite. Premièrement, parce qu’à trop vouloir briller et inspirer le bonheur, le combo lasse et embourbe l’auditeur dans l’ennui – quoique provisoire – par trop d’uniformité. Secondement, parce que si la formule du groupe est intéressante, ce dernier manque d’originalité dans les choix musicaux qu’il fait, cela au détriment de la large palette sonore que lui offre le genre. Ce n’est en effet qu’en toute fin d’album que Small Black se ressaisit et prend les bonnes décisions : trop tard malheureusement.
Cet album est donc surtout destiné à un public jeune qui vit en osmose avec le renouveau de la pop, des 80’s et de la new-wave. L’auditeur, plus vieux ou plus expérimenté risque fort d’être désappointé. LIMITS OF DESIRE s’adresse ainsi à la nouvelle génération, ce qui n’a pas dû échapper à Jagjaguwar qui étend par là son public cible et chercher à évoluer en adéquation avec les tendances actuelles. À voir le 25 septembre au Romandie de Lausanne pour vous en faire une meilleure opinion.