par Gérard Bozzolo, en réponse à la note de Fabrice Nicolino.
Issu du mouvement post soixante-huitard de retour à la terre avec une posture écolo pour les uns, une caricature d’écobranleurs pour les autres, ce mouvement plutôt individualiste s’est assagi, s’est naturalisé, tout en cultivant son originalité en s’appuyant sur une action syndicale souvent outrancière.
Un de ses crédo est de promouvoir une agriculture familiale, plus en accord avec des valeurs terriennes; un genre de tambouille entre les canons de la pensée agraire de Vichy et les envolées tiers-mondistes d’alors, altermondialistes d’aujourd’hui, d’un Dumont.
Evidemment, depuis les années 70, la condition paysanne a beaucoup évolué. Les agriculteurs se sont raréfiés et la majorité d’entre eux a opté pour une entrée dans la société de consommation. Leur mode de vie est désormais assez comparable à celui des urbains, l’accélération de la pénétration des médias ayant fait son œuvre d’information et d’uniformisation. Seule la définition des contours de l’exploitation familiale est restée en rade. En particulier le 2ième pilier de la politique agricole européenne se réfère toujours à une taille de 50 ha, initialement traduite en 50 UGB en France.
Définition bien sûr obsolète compte tenu de l’évolution des besoins des ménages et en raison du fait que le premier motif d’une profession est de pouvoir vivre de son métier.
D’ailleurs, Mr Bové n’a pas tardé à sortir de cet enfermement en larguant ses brebis depuis belle lurette. Il a su mettre en musique son agilité intellectuelle doublée d’un savoir faire en communication pour s’intéresser à quelque chose de plus large, quasiment de planétaire, en emboitant les traces d’un Dumont mais avec un passeport d’agriculteur de base, quelque peu galvaudé tout de même.
Quels sont les ressorts qui servent de guide à l’agriculteur sinon la carotte et le bâton ? La carotte relève de l’environnement économique et de la rentabilité de l’exploitation. On peut aussi y ajouter la satisfaction devant une belle récolte, juste retour d’un travail bien fait quand la météo le permet. Une prise de risque non négligeable. Le bâton : ce sont les pénalités ou les contraintes que la société impose pour cadrer une activité qui n’est pas exempte de nuisances diverses : santé, pollution, qualité environnementale, bien-être animal etc. . Si, à la marge, certains peuvent y adjoindre un profil humaniste ou une sensibilité environnementale, ces originalités sont rarement décisionnelles.
Quelles sont les professions qui ne seraient pas soumises à ces mêmes contrats sociétaux?
Dans leur mode de fonctionnement, les agriculteurs, comme tout un chacun, réagissent contre tout ce qui peut perturber leur activité selon la norme sociétale actuelle de l’optimisation des performances. Quoi d’anormal ? Lorsqu’un essaim de frelons vient se nicher derrière les volets clos de l’une de vos pièces, soit vous intervenez vous-même pour l’éradiquer soit vous faites appels aux pompiers en vous assoyant sur votre bréviaire d’écologie, ou en fermant les yeux.
En suivant le débat, je parviens à comprendre qu’entre environnementalistes et écologistes il y aurait comme un chiisme : l’écologisme serait donc une forme de salafisme de l’environnementalisme? Heureusement qu’il ne s’agit que de mot de clavier et que les dictateurs en herbe ne sont pas encore tout à fait prêt d’imposer la camisole ou la burka au nom de Dame Nature!
Pour en revenir aux espèces protégées comme l’Ours et le Loup, si elles le sont c’est qu’elles sont en danger d’extinction sur notre territoire national. Il ne s’agit ni de blattes ni de moustiques dont les stocks paraissent inépuisables.
Cependant, il me parait important de ne pas faire des amalgames. Par exemple les loups et les ours sont des espèces différentes avec des habitus spécifiques.
De même, il me paraît nécessaire de faire la différence entre les zones géographiques qui relèvent du régime de la propriété privée (en gros celles qui sont cadastrées) et celles qui émargent du domaine public ou de collectivités (ancienne désinence de selva et saltus).
L’Ours ne semble pas déborder de son domaine de retranchement compte tenu de sa biologie et de sa faible capacité de prolifération, au contraire du Loup.
Dans les zones de droit privé, les agriculteurs ont une certaine légitimité à défendre leurs biens et donc leurs animaux, c’est même un fondement de leur métier d’éleveur. Avec le Loup, surtout dans les régions collinaires et de plaine, d’agriculture sédentarisée, le conflit est inévitable.
Dans les autres régions, inscrites dans des espaces de cohabitation et d’agriculture intermittente, la donne est différente. Les détenteurs de bétail doivent prendre les mesures nécessaires pour réduire à minima les risques de prédation tout en ménageant les espèces protégées tant qu’elles sont placées sous ce statut. C’est non seulement une démarche responsable, mais c’est aussi la loi.
Il est évident que, dès lors que les effectifs vitaux des agresseurs sauvages seraient restaurés, il conviendrait d’envisager une nécessaire régulation pour que la cohabitation puisse perdurer. Il ne s’agit pas en effet d’espace vierge par destination, mais d’espaces anthropisés de façon souple depuis une longue tradition historique. D’ailleurs, pour les forcenés de l’autorégulation, l’espèce humaine fait partie de la biodiversité terrestre ; S’il fallait retenir ce concept et ne pas endiguer certains de ses excès, alors l’hécatombe des espèces contemporaines serait encore plus accélérée.
Nous nageons en plein anthropocentrisme! Mais qui? peut, en toute bonne foi, prétendre dans sa vie de tous les jours, ne pas en relever?
Y en auraient-ils qui ne se déplaceraient plus qu’à pieds, en toutes circonstances, pour ne pas contribuer à polluer la Terre de produits peu dégradables et de résidus d’énergie fossiles pillées, en partie vecteurs du réchauffement climatique ? Qui s’impose d’ignorer les consommables médiatique au motif que certains composants de ces machines sont nocifs et que le phrasé de clavier présente aussi une toxicité à peu de frais?
On peut gloser à l’infini sur les scènes de vie courante qui ne sont pas en conformité avec la doxa.
Le compromis est la seule alternative, sauf à considérer l’espèce Humaine comme une espèce envahissante…à réguler : une nouvelle nomenclature relevant de "l’antropophobisme".
Ce texte était à l'origine un commentaire de la note « José Bové monte encore au front », note reprise sur le blog de Fabrice Nicolino.