Surprenant. Voilà le terme idéal pour définir Magic Magic, le dernier film du chilien Sebastian Silva, après Les Vieux Chats et La Nana, deux chroniques domestiques un peu contenues et convenues.
Surprenant parce qu’on n’attendait pas le réalisateur dans le registre du thriller paranoïaque et mélancolique qui rappelle le Polanski période 70′s dans les paysages magiques de son Chili natal. Silva tente un pari pour le moins difficile: un film d’horreur purement psychologique et cérébral, entre chronique post-adolescente et maison hantée. Et ça marche bien, on doit avouer, tant le film est porté par les interprétations magistrales de Juno Temple et Michael Cera.
Pendant ses vacances au Chili, Alicia, une jeune américaine réservée, se retrouve embarquée par sa cousine Sara et sa bande d’amis sur une île isolée. Personne ne fait vraiment d’effort pour intégrer Alicia. Elle se replie de plus en plus sur elle-même et commence à perdre peu à peu ses facultés mentales sans que le groupe n’y prenne garde…
Les Apaches sortis la même semaine, on reste dans une thématique adolescente, pleine de violence et de rage sexuelle contenue. On sait depuis Larry Clark et Techiné que les plus beaux récits d’initiation de l’âge ingrat se passent dans la moiteur estivale, comme si les corps de ces presque-adultes réagissaient mieux à la lumière étouffante des vacances d’été. Magic Magic ne fais pas exception à ceci près que l’on ne sais jamais réellement quelle saison nous sommes dans cette île au large du Chili: à tel versant on étouffe de l’autre on gèle. Comme si les dérèglements climatiques s’accordaient aux changements d’humeur de la jeune Alicia qui perd les pédales et contact avec la réalité à mesure que le film avance. D’ailleurs pour capter la lumière particulière de cette région, Silva a fait appel au directeur de la photo de Wong Kar-wai, Christopher Doyle, dont tout le travail sera d’apporter par petites touches discrètes mais efficaces l’ambiance baroque de ces vacances qui virent peu à peu au cauchemar. On pense surtout aux plans de la mer qui rappellent le peintures de Turner ou même Rothko.
Pas de surnaturel, pas d’effets spéciaux ni d’effets de montage pourris mais une escalade vers le bizarre, une plongée dans l’esprit nevrosé d’Alicia, jeune et jolie fille à l’identité sexuelle incertaine (nue sous la douche dès le début du film, elle n’apparait ensuite plus que sous une couche de vêtements informes sauf dans une scène mémorable de cunilingus forcé avec Michael Cera). Sebastian Silva ne cherche pas à s’inscrire dans le registre du slasher ou du teen movie horrifique (ce que pouvait laisser prévoir la présence d’un Michael Cera) mais se lance avec succès dans un hommage polanskien au fantastique naturaliste. Fantastique qui apparait à deux moments clés du film: lors d’un exercice d’hypnose réellement perturbant et lors d’un final digne d’un exorcisme. Sans oublier cette scène particulièrement troublante du plongeon en haute mer qui s’éternise, s’éternise et nous fait progressivement ressentir le malaise intérieur de cette pauvre Alicia.
Alicia multiplie les hallucinations et perd la frontière entre cauchemar et réalité. Et c’est peut-être La limite de ce film, dans ce scénario qui joue trop longtemps avec l’indécision et ce réalisateur qui repousse parfois trop loin les frontières de la normalité sans jamais nous dire où il va (vers la folie ? le surnaturel ?). Certaines scènes d’hallucination baroque (comme avec le chien et les moutons) prennent parfois la forme d’un très bel exercice de style, ce qui n’enlève rien à la réussite de Magic Magic, maitrisé de bout en bout. Une entrée réussite dans un nouveau genre cinématographique pour Sebastian Silva.
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