Le moral des ménages s'est dégradé en avril en France pour le 11e mois consécutif, un indicateur de mauvais augure pour la consommation même s'il montre ses signes de stabilisation. Calculé par l'Insee et publié mardi, l'indicateur résumé de l'opinion des ménages a reculé d'un point à -37 en données corrigées des variations saisonnières, un point bas sans précédent depuis que la série a commencé en janvier 1987. Ce chiffre, conforme à l'estimation moyenne de 27 économistes interrogés par Reuters, marque cependant une stabilisation depuis le mois de février puisqu'il n'a baissé que de deux points en trois mois, après une chute de 22 points sur les sept mois entre juin et janvier.
"Ce pourrait être le signe d'une certaine expectative", relève Mathieu Kaiser, économiste chez BNP Paribas, tout en notant que la statistique reste très faible. Le solde sur l'opportunité de faire des achats importants est ainsi demeuré stable à -28, au plus bas depuis mai 1997, "signe tangible que la prudence prévaut et que la consommation de biens durables devrait continuer de décélérer au cours des prochains mois", ajoute Mathieu Kaiser.
Annoncée la semaine dernière, la baisse de 1,7% des achats de biens manufacturés en mars "n'est donc sans doute pas un accident de parcours", renchérit Nicolas Bouzou, du cabinet Asterès, en notant que les Français s'inquiètent aussi pour l'inflation qui a atteint 3,2% en mars. Si les perspectives relatives à la situation financière et au niveau de vie en France se sont dégradées de respectivement 2 et 3 points, l'opinion des ménages sur les perspectives d'évolution du chômage se sont améliorées sensiblement avec un solde relatif qui s'améliore à 3 contre 11, soit son plus faible niveau depuis juillet dernier.
Mathieu Kaiser, de BNP Paribas, relativise ce progrès. "Le freinage de l'activité, dont les premiers signes tangibles ont commencé à apparaître en mars, se traduira par des créations d'emplois moins nombreuses et une stabilisation du taux de chômage", juge-t-il. "Le deuxième semestre devrait donc voir la dégradation du marché de l'emploi s'ajouter à une inflation élevée, au resserrement des conditions de crédit et au ralentissement immobilier parmi les facteurs négatifs pour la consommation, qui enregistrera alors sans doute un freinage marqué", prédit l'économiste de BNP Paribas.
"Mais le premier trimestre a été encore relativement porteur et le deuxième verra le déblocage de la participation soutenir les dépenses des ménages", ajoute-t-il en tablant sur une croissance annuelle de près de 2% de la consommation. L'enquête sur l'opinion des ménages a été réalisée du 1er au 22 avril, soit avant l'intervention télévisée du président Nicolas Sarkozy le 24 avril dont l'impact ne peut donc être mesuré. "On peut toutefois affirmer que l'écart entre le volontarisme affiché du président et la réalité économique continue de diffuser un sentiment de frustration chez les ménages", avance Nicolas Bouzou.
La publication de la statistique sur les ménages a coïncidé avec l'enquête trimestrielle de l'Insee sur la conjoncture dans l'industrie, qui montre que la demande a plutôt bien résisté pendant les trois premiers mois de 2008. Le taux d'utilisation des capacités a toutefois reculé à 85,2% dans l'industrie manufacturière contre 86,1% au dernier trimestre 2007, soit son plus bas niveau depuis octobre, et les entreprises ont fait état d'une "détérioration sensible" de leur compétitivité sur l'ensemble des marchés. L'enquête montre aussi que les industriels prévoient un "ralentissement sensible" de la demande au deuxième trimestre et les perspectives d'exportation sont aussi en baisse.