… Cézanne était condamné à peindre des compotiers vides !"
Appartenant sûrement au genre autobiographique (mais après tout, peu importe), il revient sur la relation entre un père et sa fille. Marie avait tout pour être heureuse : des parents aimants, un talent exacerbé (le graphisme) et une carrière qui semblait prometteuse. Mais Marie a fait une rencontre. Pas celle du loup, malheureusement. Celle de Dieu, pour l’infortune de ses parents !
" Dieu est très fair-play avec moi. Après tout ce que j’ai écrit sur lui, il me donne une fille religieuse. Il n’est pas rancunier."
Comme dans la plupart des textes de Fournier, l’humour est très présent. Un humour noir, intelligent, résonne et donne envie de rire plus d’une fois en tournant les pages, alors que l’auteur aborde un sujet douloureux. Il explique d’ailleurs très bien le fonctionnement "métaphysique" du rire.
"Elle est tombée dans la layette mystique. L’humour bleu ciel et rose bonbon, ça n’existe pas. L’humour, c’est noir. L’humour, c’est une parade, un baroud d’honneur devant la cruauté, la désolation, la difficulté de l’existence."
Plus Marie fréquente Monseigneur, auquel son père trouve des airs lucifériens, plus elle devient odieuse (le jeu de mots est dans le roman!).
Le père, seul depuis la mort de sa femme, attend vainement que sa fille lui revienne, qu’elle pense davantage à lui, qu’elle se manifeste autrement qu’en faisant dire pour lui des messes.
Assurément, ce livre ne plaira pas à tous, il porte un regard trop acerbe sur le monde religieux. C’est un roman anticlérical en somme car de méditer à médire, il n’y a pas loin, comme se plaît à le rappeler J.-L. Fournier.
Il faudra donc beaucoup d’humour au lecteur pour apprécier ce roman… qui est vraiment mon premier coup de coeur de la rentrée littéraire 2013 !
Au fil des pages, une petite parodie de la scène de première vue, caractéristique des rencontres amoureuses dans les romans :
" Et comme elle avait dû boire pas mal d’hydromel, elle l’a vu. Il lui souriait comme on ne lui avait jamais souri, et avec sa main et ses doigts de rose, il lui faisait signe de venir. Il était beau à se damner. Pas de doute, c’était Jésus."
Savoureux, non ?
Un autre extrait, donnant bien le ton du récit (mais évacuant à ce moment là la souffrance du personnage) :
"La statue de la Sainte Vierge, dans mon école, était si laide, qu’un jour, je l’ai mise dans les chiottes. Par respect pour la Sainte Vierge. Ca t’avait fait bien rire quand je te l’avais raconté."
Certes, tout le monde n’en rira pas, mais quel beau récit !
A conseiller aux bouffeurs de curés !
Jean-Louis Fournier, La Servante du Seigneur, Stock, 21 Août 2013