Il y a un débat en ce moment sur Boulevard Voltaire au sujet de l'éventuel abaissement de l'âge légal du vote à 16 ans. Ce débat fait écho à un autre, parlementaire celui-là, au Royaume-Uni , inspiré par l'exemple de l'Autriche, qui a adopté cette mesure. Un débat qui rate à mon sens le problème principal.
Joris Karl, dont j'ai déjà traité de l'hystérie anti-européenne (il reprochait au Catalan Manuel Valls de soutenir le FC Barcelone plutôt que le PSG, cette équipe qui sent bon le terroir français), campe la position du pétro-dollar , un raisonnement caricatural sur l'abaissement de l'âge du vote qui mènerait vieux con de droite à merveille, à tel point qu'il convient de se demander si ce n'est pas de la comédie. " Joris Karl " sonne un peu nom d'emprunt, et il semble que le rôle de ce personnage soit de donner une tribune aux nostalgiques du Maréchal sur Boulevard Voltaire. " mécaniquement " à celui de la majorité sexuelle (dont il reconnaît pourtant lui-même qu'elle est fixée à 15 ans) et de la retraite. Joris Karl se plaint d'un risque de " ringardisation " des opposants à cette mesure, mais il n'y a aucun risque dans son cas : il est ringard. C'est le réac typique : il geint et est incapable de proposer autre chose que le .
La tribune de Julien Langella , porte-parole de Génération Identitaire, est plus intéressante en ce qu'elle est non pas réactionnaire mais révolutionnaire . Langella prend Joris Karl au mot sur l'Autriche et lui rappelle que la moitié des suffrages des 16-18 ans s'est portée sur les partis populistes FPÖ et BZÖ.
Ainsi, le jeunisme de la gauche pourrait bien se retourner contre elle (de la même manière qu'en d'autres temps et contrées, le suffrage féminin avait donné de mauvaises surprises à ceux qui l'avaient promu et appliqué). Surtout, Langella reprend ce qui fit le succès de la vidéo " Déclaration de guerre " de Génération Identitaire en s'attaquant à la génération des baby-boomers , qui est responsable de la situation actuelle de l'Europe. Joris Karl, faisant partie de cette génération, au moins dans son état d'esprit, ne risque pas de se réjouir de ce que que le vote jeune pousse cette génération vers la sortie.
Souvent, le vieux geignard de droite réduit tous les problèmes à " Mai 68 " comme si ceux qui s'y étaient opposés à l'époque n'étaient pas également responsables de la " décadence " dont il se lamente.
Dans un billet de Stag (un " étranger " pour Joris Karl, sans doute) intitulé " Panique chez les jeunes rentiers des "Trente Glorieuses" " , l'Helvète écrivait : " Moyen Père avait eu le culot extrême de foutre un merdier épouvantable en 68, de lancer des pavés pleins de crachats dans la soupe qu'il allait touiller comme un seul homme un quart de siècle plus tard. Le dernier pavé à peine lancé, il savait déjà que ce serait bientôt les liasses de mille qui se mettraient à pleuvoir. Une jeunesse irresponsable, hystérique, réfractaire jusqu'à l'absurde, n'avait pas reçu ses factures naturelles : désocialisation, sous-jobs, accoutumances plus ou moins destructrices. " Cette réflexion mérite d'être étendue à les baby-boomers , et pas limitée à ceux qui ont " fait Mai 68 ". L'Europe de Boule & Bill et ses banlieues pavillonnaires toutes identiques, avec dans chaque maison en placoplâtre un père castré ramenant un salaire excessif par rapport au " travail " effectif qu'il accomplit, une mère au foyer gavée de télé, un gosse imbécile et un chien souillant les trottoirs, cette Europe mérite-t-elle les regrets dont nous font part les réactionnaires pour lesquels " l'ORTF c'était quand même mieux qu'TF1 [prout] ?
N'était-il pas logique que cette société bâtie sur le néant finisse rapidement par retourner au néant ?
Il est temps que les icônes de la génération du soient brisées, et je tenterai de trancher ce nœud gordien chez mes potes ricains en octobre dans un discours intitulé " Children of Œdipus ".
Cela étant posé, le vote jeune permettrait-il à la jeunesse de reprendre le pouvoir aux vieux ? Pour que cela arrive, il faudrait déjà qu'il y ait du pouvoir au bout du bulletin de vote. Et c'est bien le problème. Comme je l'avais (en 2011, époque où j'étais encore libéral, mais le raisonnement tient toujours) :
regrette Roman Bernard. Il ne votera pas pour Nicolas Sarkozy en 2012 [j'ai Roman Bernard a voté pour Nicolas Sarkozy , s'empresse-t-il tout de même d'ajouter. Comme beaucoup de Français, " j'ai été déçu. Mais j'ai compris que je n'avais pas à être déçu " " Sarkozy n'a pas fait les réformes que j'attendais parce qu'il ne pouvait pas les faire. Ce n'est pas le gouvernement qui a le pouvoir en France (ni le Parlement, réduit au rôle de chambre d'enregistrement) continue-t-il. Ce que je reproche à Sarkozy, c'est d'avoir fait croire qu'il avait le pouvoir " " S'il avait voulu être un grand homme d'État, il aurait joué le peuple contre la haute administration et les syndicats dans un référendum, mais Sarkozy est un communiquant, pas un homme d'État. Il préfère jouer au volontariste plutôt que de reprendre le pouvoir " tenu parole ], " ni pour personne, d'ailleurs " " ce ne sont ni les parlementaires, ni le gouvernement, ni le président qui dirigent qui ne souhaite pas " les élections ne servent à rien " " abstentionniste militant " . Et de citer comme celui de la Belgique " continuer à légitimer un système qui dupe l'électeur " s'interroge-t-il avant de répondre par la négative. " exemple éclairant " conclut-il, renvoyant à " qui n'a pas de gouvernement depuis plus d'un an " " est-ce que cela change quoi que ce soit ? " " Voter, c'est choisir entre une poire à lavement et un sandwich au caca "
La Révolution européenne ne sortira pas des urnes. Ce ne sera que lorsque la Révolution aura triomphé dans les têtes que le verdict des urnes produira des résultats favorables. Le vote ne provoque rien en soi, il se borne à enregistrer l'évolution de l'opinion publique. C'est donc celle-ci qu'il faut faire évoluer, et cela passera par une guerre culturelle - chose que les conservateurs ne peuvent comprendre, eux qui sont incapables de prendre la moindre initiative et de penser hors des clous que leurs maîtres ont posés pour eux.
Lire aussi " La religion du vote ", sur le Cégébé. Extrait-clef : " [E]n échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, [le politicien] te promet un tas de choses merveilleuses qu'il ne te donnera pas et qu'il n'est pas d'ailleurs, en son pouvoir de te donner ".