Syrie : les politiques savent-ils ce qu'ils font ?

Publié le 30 août 2013 par Copeau @Contrepoints

Les gouvernements occidentaux n'ont qu'une crédibilité limitée pour lancer leurs pays dans un conflit en Syrie dont nul ne sait ce qu'il peut sortir.

Par Richard North, depuis le Royaume-Uni.

Le navire de guerre américain USS Ramage

Des petits garçons avec de gros joujoux : l'image est celle de l'USS Ramage, un destroyer de classe Arleigh Burke, disposant de missiles guidés, l'un des quatre destroyers de la marine américaine actuellement déployée en mer méditerranéenne. Ils peuvent être équipés de 90 missiles Tomahowk BGM-109 tirés verticalement, armes qui pourraient potentiellement être utilisées pour bombarder la Syrie.

Avec la Grande-Bretagne, qui tient un sous-marin de classe Trafalgar prêt à rejoindre les bateaux de guerre américains, la théorie est que ces missiles pourraient être utilisés pour détruire le poste de contrôle principal du Président Assad, ainsi que les centres de fournitures d'armements, les bases de renseignement et les camps d'entraînement militaires. Tout ceci pour le "punir" d'avoir semble-t-il utilisé des gaz toxiques contre son propre peuple -- ce qu'il nie farouchement et n'a pas encore été prouvé.

Mais lancer ces joujoux est la partie facile. En gérer les conséquences sera moins facile, et peu de gens savent dire ce qu'elles seront – comment la Russie va réagir, comment l'Iran va réagir, et même comment la Syrie elle-même va réagir. Mais bon, il a toujours été plus facile de commencer les guerres que les terminer.

En ce qui concerne la Grande-Bretagne, je n'ai pas encore parlé avec quelqu'un qui penserait que David Cameron a raison de s'impliquer aussi directement. Il va y avoir un débat au Parlement ce jeudi [NdT : article écrit mercredi 28 août], mais le vote n'engage en rien, même si M. Cameron déclare "qu'il est clair que le gouvernement respectera la position du Parlement."

Mais le gouvernement n'a aucun mandat du peuple pour aller en guerre. En fait, en tant que gouvernement de coalition qui n'existait même pas avant les élections, et pour lequel personne n'aurait pu, en conséquence, voter, il n'a de mandat pour rien du tout. Et partir en guerre est une décision extraordinaire, et aux grandes conséquences surtout si cela entraîne une situation incontrôlable dans laquelle des gens vont mourir.

Dès lors, quelle que soit la décision, même si le Parlement donne son accord, cela ne sera une décision démocratique dans aucun des sens du terme. Le peuple n'a pas été consulté, il n'a pris part à aucune décision et n'est même pas représenté par le gouvernement en cours.

On se rappelle qu'en juilllet 1940, le professeur A. Berriedale Keith (un constitutionnaliste célèbre à l'époque) écrivit sur l'utilité des sondages d'opinion (alors très novateurs) nous expliquant  que "... nous avons abandonné l'idée qu'une élection puisse conférer un pouvoir illimité à un individu que nous élisons".

"C'est le travail d'un député de rester en contact avec l'opinion publique, et de ne pas se plier humblement à chaque coup de fouet" expliqua-t-il, préconisant ensuite des sondages d'opinion officiels pour connaître la position du peuple afin d'ensuite guider l'action du gouvernement.

Une telle option aiderait sans doute à donner un peu de légitimité à la décision d'attaquer la Syrie, mais un référendum ferait encore mieux l'affaire. Avec les technologies modernes, il est relativement aisé de mettre en place un tel système dans lequel on pourrait voter de façon électronique, à un prix modique, afin d'obtenir l'accord officiel du peuple, et légitimer toute action. Par exemple, avec un régime placé sous l'Agenda Harrogate, si suffisamment de personnes demandent un référendum, il devient obligatoire et son résultat fait alors force de loi.

Il n'y a, cependant, aucune demande pour un tel système, et notamment parce qu'il y a de bonnes chances que le peuple dise "non". En conséquence, on ne demande pas son avis au peuple qui pourrait donner la mauvaise réponse. Et le peuple se plaint alors que l'Union Européenne est non-démocratique...

En sous-jacent à tout ce système réside le parti-pris que nos représentants élus sont, d'une certaine façon, plus intelligents, mieux informés ou plus qualifiés que nous pour prendre ces décisions à notre place. Mais si l'on regarde les arguments développés par William Hague, il devient difficile d'être d'accord avec ce parti-pris.

Il y a par exemple des questions qui méritent d'être posées, comme celles de Your Freedom and Ours , qui ne l'ont pas été, et ont encore moins trouvé réponse.

Dès lors, pour employer cette phrase galvaudée, si le gouvernement part en guerre, avec ou sans l'accord du parlement, il ira, mais sans que ce soit "en mon nom". La dernière chose dont le Royaume-Uni ou les États-Unis ou l'OTAN avons besoin, est un nouveau conflit militaire sans fin, sans but clair, dans un pays dont la politique intérieure est mal comprise par l'Occident, comme le rappelle Helen Szamuely. Vœu auquel on pourrait ajouter "Ainsi soit-il".

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