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Jeune, prends ta retraite dès maintenant

Publié le 29 août 2013 par Legraoully @LeGraoullyOff

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Sérieusement, combien d’entre vous, en mai de l’an dernier, se sont précipités pour glisser un bulletin Hollande dans l’urne, séduits par le le slogan mensonger « le changement c’est maintenant »? Je vous l’accorde, le Président actuel est un peu moins insupportable que son prédecesseur qui en tenait une couche que ni le white spirit ni l’acide chlorhydrique ne pouvaient entamer. Et ses blagues Carambar tiennent mieux la route que les vannes sarkozyennes sur l’Homme noir, sur les journalistes pédophiles, ou que l’humour auvergnat.

Mais le gars n’est pas payé pour être sympathique: il a un job relativement con qui consiste à aménager la passivité de ses administrés, et à faire passer les désirs de ses patrons banquiers pour des derniers recours avant l’apocalypse. Une poignée de naïfs l’a porté au pouvoir en croyant qu’il était de gauche. Ah les cons. Depuis qu’il est arrivé, il a quand même fait des trous dans le contrat à durée indéterminée, il a nommé un clone de Sarko à l’Intérieur, s’est engagé dans une guerre au Mali pour faire plaisir à ses amis qui exploitent de l’uranium, il a laissé bouffer le chameau qu’on lui avait offert, il a offert des océans à dégueulasser aux chercheurs de pétrole et un sursis aux nucléocrates de métropole. Les assassins kaki vont se trouver un nouveau terrain de jeu en Syrie, et avant la fin de son mandat, le Président « socialiste » (pouf,pouf) réussira sans doute là où Sarkozy avait échoué en transformant la France en chantier d’exploitation de pétrole de schiste. Pire que tout, un an à peine après son mandat, Jean-Jacques Goldman est devenu la personnalité préférée des Français et menace de sortir un nouvel album.

Et comme on le disait dans une précédente chronique, M. Hollande a sa réforme des retraites, réforme sans laquelle le ministre et le Président auraient l’impression d’avoir vécu en vain. On connaît désormais les grandes lignes de cette réforme, en même temps c’est souvent les mêmes. En résumé, si tu as la malchance d’être né après 1972, tu n’as pas de bol. Entre carrières fractionnées, années d’études qui t’auront idéalement préparé au chômage et aux jobs alimentaires dont le salaire est aussi peu élevé que l’intérêt, démembrement de la sécurité sociale qui te permettra de profiter de ta retraite à taux plein pendant au moins trois mois, on pourra dire que tu t’es gavé, petit veinard. Et comme il y a une réforme des retraites tous les quatre matins, il se pourrait même que tes héritiers bossent encore quarante trimestres parce que tu les devras à l’Assurance Vieillesse. Moi-même, quand je me suis arraché au doux confort du chômage, j’ai commencé à travailler en me disant que je ne tiendrai jamais quarante ans, j’ai déjà du mal à finir un CDD, alors tu penses…dix ans plus tard, il est fort probable que je doive encore bosser quarante ans pour avoir le droit à une pension pas trop misérable. Comme si jusqu’à présent, j’avais sacrifié la plus belle partie de ma vie derrière un bureau à faire semblant de bosser pour rien. Et si ça se trouve, Goldman sera toujours là. Chienne de vie.

Bon je ricane parce que les rides et les cheveux blancs n’ont pas encore flétri ce doux visage que Mère Nature m’a offert pour compenser de m’avoir donné des doigts trop petits pour réussir les accords de neuvième. On ricane parce que pendant les manifs contre le CPO de Chirac, quand les vieux nous disaient qu’à nos âges ils bossaient, on leur disait qu’au leur on bosserait toujours. Mais considère une deuxième fois ce vieux con qui t’avait toisé du haut de son expérience d’esclave salarié et fier de l’être, en plus. Qu’est-ce qui te dit qu’après une vie de labeur où l’ennui le dispute à la difficulté de se confronter au conformisme ambient et à la nécessité de mettre un toit au-dessus de ta tête, tu ne deviendras pas toi-même un vieux con rétrograde qui râbache incessamment  ses souvenirs de l’époque où la valeur travail représentait quelque chose? Tout ça parce que tu n’auras pas eu le temps de faire autre chose de ta vie à force de bosser ou de chercher du boulot. Réfléchis-y un petit peu avant retarder ta migration gériatrique et héliotropique vers Nice, Miami, ou un autre patelin de vieux.

On nous dit qu’il faut assouplir le marché du travail pour sauver des emplois. Résultat, des charettes de licenciements, des carrières qui ne redémarreront jamais, des salaires tirés vers le bas par la « concurrence », et tintin pour la retraite à taux plein. On nous dit qu’il faut bosser de plus en plus longtemps et dérembourser des soins, parce que l’espérance de vie augmente et qu’il faut sauver le système par répartition. Encore faux: l’espérance de vie augmente légèrement, mais l’espérance de vie en bonne santé est en baisse. Si le jour de ton pot de départ, tu dois tourner à l’eau claire parce que ton état de santé t’interdit de te saouler comme il se doit pour fêter ta libération, autant crever tout de suite. Et la France, quoiqu’on en dise, est encore un pays riche qui pourrait répartir autrement l’assiette de cotisations qui finance la Sécu pour se faire de la maille. Réfléchis encore cinq minutes, je finis rapidement mon propos et après tu pourras retourner regarder Touche pas à mon poste, Secret Story ou n’importe quelle autre connerie qui ne t’encourage pas à mordre la main qui te nourrit.

Quand tu y penses, est-ce que tu as besoin de changer de portable tous les ans, et as-tu besoin que ce portable sache faire plus de choses que tu n’as jamais essayé d’en faire, comme par exemple parler à quelqu’un de vive voix? As-tu vraiment besoin de prendre ta bagnole pour aller à la boulangerie à cent mètres de chez toi? As-tu vraiment besoin d’une bagnole, et de mille autres babioles qui prennent la poussière dans l’indifférence générale? N’es-tu pas lassé, quand tu vas faire tes courses, de constater que la merde a peu ou prou le même goût quel que soit l’emballage? Quand tu te rends sur ton lieu de travail, ne te demandes-tu jamais pourquoi tu dois respecter un supérieur hiérarchique  juste parce qu’il est au-dessus de toi sur une échelle imaginaire fondée sur n’importe quel critère sauf la compétence? Et combien de fois as-tu toi-même validé cette organisation absurde avec une servilité dont tu ne te savais pas capable?

Rassure-toi, amie lectrice, ami lecteur, j’ai des tonnes de questions du même tonneau et tu n’es obligé de répondre « oui » à aucune d’elles. Je ne suis pas naïf, je n’ai jamais cru que les socialistes étaient ne serait-ce qu’un tout petit peu de gauche, et je sais que nombre d’entre mes concitoyens aiment le béton, la tôle et le divertissement insipide. Je sais que nombre d’entre eux ont simplement été domestiqués par leur condition, et que de leur propre aveu, ils ne sauraient pas quoi faire s’ils ne bossaient pas.

Mais quand même, si un jour ça te reprend de voter à gauche, j’ai une astuce pour savoir si un candidat est vraiment de gauche. Si le mec ou la nana te proposent le plein-emploi, un SMIC à 1500 balles net, un porte-feuille bien garni et du pouvoir d’achat ou la retraite à 60 ans, c’est un candidat de droite. S’il/elle te propose la retraite tout de suite et l’abolition du salariat, c’est un candidat de gauche. Mais on n’est pas obligé d’attendre que quelqu’un le propose pour le faire.


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