"L'heure n'est
plus au rafistolage : nous avons la responsabilité de faire émerger un monde nouveau", indique la maire de Lille dans une tribune publiée par "Le Monde".
Très discrète depuis son départ de la tête du PS, il y a un an, Martine Aubry sort de son silence par le biais d'une tribune au Monde dans laquelle elle prodigue des conseils au gouvernement pour
rendre "l'avenir plus visible" et "plus désirable". "Si juste et efficace qu'elle soit, aucune des lois votées, aucune des mesures prises ne sera suffisante si l'avenir n'est pas rendu plus
visible et surtout plus désirable", avertit Mme Aubry dans ce texte publié mardi, à peine une semaine après le séminaire de rentrée du gouvernement, qui portait sur la France de 2025. "L'heure
n'est plus au rafistolage : nous avons la responsabilité de faire émerger un monde nouveau", ajoute-t-elle.
L'ex-patronne du PS y développe l'idée, qu'elle a esquissée samedi à l'université d'été du parti à La Rochelle, d'une "nouvelle renaissance" tous azimuts. "Renaissance industrielle", avec un
"État stratège" qui "remet la finance au service de l'économie" ; "renaissance de l'action et des services publics", "renaissance européenne" forte de la "relance" et d'une "super politique de
cohésion sociale"... "La culture", mais aussi "nos valeurs" - laïcité en tête - inspirent également cette "renaissance", explique-t-elle, mettant en avant en avant une notion qu'elle avait
développée, le "care", c'est-à-dire "l'altruisme comme une valeur sans laquelle aucune société ne tient debout durablement". Moqué à l'époque, le "Care" avait fait long feu.
"Programme de travail" et non "programme politique"
Si elle assure d'emblée être "pleinement solidaire du gouvernement qui, avec courage, s'attelle au redressement du pays", la maire de Lille, qui s'abstient depuis plusieurs mois de toute
intervention médiatique, n'en fait pas moins des remarques au gouvernement. Sur les retraites notamment : alors que les arbitrages étaient attendus dans la soirée ce mardi, et qu'une bonne partie
des débats porte sur le financement, elle met en garde : "La question de l'équilibre des régimes doit être traitée, mais elle se réglera dès lors que nous portons une réforme de société, et non
une vision comptable."
Au détour d'une phrase, elle plaide pour une "grande réforme fiscale", un des outils qui, selon elle, permettra de donner corps à la "sociale écologie de marché", un engagement de François
Hollande qui rencontre des réticences. Sur la réforme pénale, non encore arbitrée, elle souligne : "Faire respecter par chacun avec fermeté, mais aussi justice, les règles communes, voilà ce qui
doit guider" cette réforme.
Quelle interprétation donner à cette intervention ?
"Il ne s'agit pas pour elle de distribuer les bons et les mauvais points", mais plutôt de "contribuer à la réflexion collective", assure à l'AFP le député Jean-Marc Germain, son ancien directeur
de cabinet rue de Solférino. "Ce n'est pas un programme politique, mais un programme de travail pour réfléchir au monde de demain", ajoute-t-il. "Ses commentaires, elle les réserve directement à
François Hollande et Jean-Marc Ayrault", assure-t-il. "Ce n'est pas une déclaration de candidature ou quoi que ce soit", plaisante un autre de ses soutiens, le député de la Nièvre Christian
Paul.
Mme Aubry "veut participer aux grands chantiers, à moyen terme, avec ce qu'il faut de solidarité mais aussi de créativité", dit-il. "Aujourd'hui, peu de voix portent et, on l'a vu pendant l'été,
celles qui portent ne mettent pas forcément en avant l'agenda qui lui paraît à elle prioritaire", ajoute-t-il, en allusion au ministre de l'Intérieur Manuel Valls, ministre controversé, qui s'est
affiché tout l'été.
Encore très populaire si l'on en croit l'applaudimètre dimanche, à la clôture de La Rochelle, lorsque son nom a été cité, Mme Aubry peut compter au PS sur un réseau puissant et organisé qui se
réunit régulièrement le mardi à Paris et s'est retrouvé encore vendredi soir dans la cité rochelaise, après la "réunion de majorité" animée par Harlem Désir. Au sein même du groupe socialiste à
l'Assemblée, les aubrystes, plus nombreux que les hollandais, constituent un noyau dur. "Ca montre qu'elle existe, bien sûr, mais elle est plutôt dans le collectif", affirme le très "hollandais"
sénateur-maire de Dijon, François Rebsamen, qui ne voit "pas malice" à cette intervention, dans laquelle il se "reconnaît bien".
Source : Le Point