Propager le succès #uemedef13

Publié le 29 août 2013 par Allo C'Est Fini

C’est mon troisième passage aux universités d’été du MEDEF (après les éditions 2009 et 2011). Comme chaque année, on y croise une brochettes de politiques, de chefs d’entreprise, de journalistes et de blogueurs. Et comme chaque année, les conférences et les intervenants brillent par leur intérêt. Quel dommage que ces conférences se déroulent de manière simultanée!

Cette année, le thème choisi est: « Crise: du danger à l’opportunité« . Avec une première salve sur le risque et l’argent, intitulée « Le risque et l’argent sans tabou »: transmettre et se relever, tomber et se relever, propager le succès, pas de capitalisme sans capital.

Pour Jean-Pierre Letratre, président d’EY France, il faut distinguer succès et réussite. La réussite est une accumulation de succès et d’échecs, sur le long terme. Elle nécessite une vision, et c’est ce que tente le MEDEF avec son initiative France 2020. Chez EY, une étude a été lancée il y a deux ans sur la culture de l’entrepreneuriat dans les pays du G20, et réitérée cette année. Il en ressort qu’en France:

  • 67% des emplois ont été créés par des entrepreneurs
  • l’environnement est de plus en plus favorable à la création d’entreprise: de la 19e place (sur 20), on est passé à la 9e place
  • mais on reste 15e sur 20 sur l’environnement fiscal

Jean-Luc Petithuguenin, PDG fondateur du Groupe Paprec, et lauréat du prix « Entrepreneur de l’année 2012″ organisé par EY France, s’est lancé très jeune. Agé de 55 ans, ancien de la Générale des eaux, il s’est lancé sur un sujet alors délaissé par son entreprise: le recyclage. Il dirige une entreprise de près de 5000 salariés, en France. Il est passionné par les sujets liés à la diversité. Fils d’un militaire et d’une enseignante, il est convaincu que les valeurs peuvent tout surpasser. Il est aussi passionné par son aventure, et en retire un réel bonheur. Mais le succès est fragile: aucune entreprise ne marche toute seule.

jean-Luc Petithuguenin interpelle ensuite la ministre Sylvia Pinel, sur la fiscalité des entreprises. Il rapporte que dans son domaine, ils sont trois chefs d’entreprise: deux sont partis s’installer à l’étranger (Suisse et Belgique), il est le seul à être resté en France, et ne veut pas être « l’idiot de service ». Pire, aucun cadre n’a participé, cette année, au tour de financement, en raison de la fiscalité qui pénalise la prise de risque.

Olivier Pastré, économiste, considère que l’avenir de la France, c’est de privilégier le succès, ce qu’il résume par la formule RPR = risque, propagation et réformes. Explications.

  • Le gouvernement doit inciter les français à prendre des risques. Or l’univers actuel décourage la prise de risque. Le principe de précaution est une immense connerie (sic). Deux exemples: le gaz de schiste, et les OGM: décourager la recherche sur ces deux sujets, c’est « débilissime ». De même, la fiscalité est risk-averse: le placement préféré, c’est encore le Livret A!
  • Propager le succès, c’est le répandre, le faire accepter. Pour cela, il faut de la pédagogie (et malheureusement la presse ne tient pas son rôle), et des relais. L’approche bottom-up est importante, les corps intermédiaires doivent y participer, le MEDEF a une vocation pédagogique sur ce sujet.
  • Concernant la réforme, Olivier Pastré est optimiste, en France, tout va bien (ou presque) - c’est le titre de son livre… Il y a une dizaine de réformes à faire, tout au plus.

L’avenir de la France, c’est aussi le PS = programmer et sacrifier les rentes.

Philippe Carli, directeur général des éditions Amaury, et ancien patron de Siemens France, considère que le succès n’est pas personnel, mais global, avec l’ensemble des parties prenantes. Patron d’une filiale en France d’une entreprise étrangère, ce n’est pas facile, car on n’est jamais considéré comme patron d’une société française, même si on emploie plusieurs milliers de personnes: le succès n’est pas assuré, quelle que soit la taille et la valeur de l’entreprise. En passant aux éditions Amaury, il démarre un noveau challenge, etc.

Sur le rôle de la presse et de la dévalorisation du succès, il reconnaît que les journalistes, au sens large, préfèrent parler des échecs que des succès. Il n’explique pas ce négativisme, si ce n’est par le fait que les ventes sont supérieures lorsqu’on parle de choses qui ne vont pas. Il regrette que peu d’entrepreneurs sont prêts à s’exprimer et à faire rêver dans un journal: à cause des contraintes d’un groupe coté, à cause des déformations éventuelles du discours, etc.

Alain Richemond, co-fondateur de RHésilience, considère qu’on a tous les moyens d’être résilients. Pourquoi, face à l’adversité, certains s’en sortent-ils mieux que d’autres? Deux problèmes: l’entreprise est de plus en plus déconnectée de ses talents, qui sont prêts à aller les exercer ailleurs (note: pour le second, on attendra…). Le niveau d’écoute des salariés n’a jamais été aussi bas, et on a perdu la possibilité d’un « jeu collectif ».

Selon Stanislas de Bentzmann, président de Croissance Plus et de Devoteam, pour propager le succès, il faut l’incarner. Il faut également faire attention aux startups, qui sont des « bébés » à protéger. Il se crée 300 000 entreprises chaque année, dont 2/3 auront disparu au bout de 10 ans. Le succès est jalonné d’échecs: pour Devoteam, le développement à l’étranger à été semé d’embûches, comme pour son développement en Espagne, comparés à « La vérité si je mens 2″. Le succès ne vient pas comme ça, il faut accepter l’échec, puis valoriser le succès quand il se produit. Le succès, c’est une culture qu’on doit partager. Les cours d’économie à l’école ne favorisent pas non plus l’envie d’entreprendre.

Xavier Fontanet, ancien patron d’Essilor, professeur à HEC, et auteur d’extraordinaires livres numériques, milite pour l’esprit d’entreprise. Il a créé une fondation pour faire de la pédagogie: il se présente comme prof de maths, avec une jolie petite démonstration, pour illustrer que si on dévalorise la récompense, on démotive tout le monde. Il y a deux systèmes de société: dans le premier, tout l emonde est égal. Dans le second, on prend les meilleurs, et on pousse tout le monde à faire comme les meilleurs. Les français ont beaucoup de qualités, mais un défaut énorme: ils sont facilement jaloux, envieux. Pour contrer ce travers, il faut créer un climat de confiance, en jouant sur 3 facettes:

  • la confiance en soi (chacun est un vrai génie),
  • la confiance en l’autre (qui fait grandir réciproquement),
  • la confiance dans le système (ie dans la stratégie).

Le point fondamental, c’est la récompense, qui doit être équitable. Ne pas récompenser la réussite, c’est une des plus graves injustices: on ne peut pas tenir une boîte sans cela. Il faut aussi aider les gens en situation d’échec, aider à rebondir. Le meilleur exemple de succès, c’est celui obtenu après l’échec. Encore faut-il qu’il y ait une vraie responsabilité.

Xavier Fontanet a peur de la situation actuelle, qu’il compare à la France de Louis XIV: les talents s’expatrient, et pas seulement les talents confirmés, mais les talents potentiels. Et les initiatives actuelles du gouvernement touchent à des ressorts essentiels, c’est très risqué.

Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, est la seule femme de cette table ronde. Son propos est très langue de bois, malheureusement. Très difficile à retranscrire, et qui passe très mal dans la salle. Dommage qu’à ce type de poste, on ne nomme pas des entrepreneurs, capables de faire passer leur message auprès d’autres entrepreneurs.

Sur la fiscalité, sa ligne de défense passe par une distinction sur les profils d’entreprise. Elle rappelle que l’accompagnement des jeunes entreprises innovantes a été préservé (mais à quel prix). Le CICE a été mis en place. Et le pacte de compétitivité.

Enfin, elle se défend d’avoir tué le statut d’auto-entrepreneurs.  Pour moi, la réponse est simple: il s’est agi de contrer les fraudes et les dérives sur le salariat déguisé, et uniquement de cela.

Au final, peu de participants ont approché le thème initial. Seuls Xavier Fontanet et Stanislas de Bentzmann, s’y sont frottés.