Les turbulences dans les marchés vont continuer, selon le gourou de l’investissement. L’Inde devrait prendre des mesures douloureuses pour soutenir sa monnaie.
Après plusieurs jours de turbulences, certaines places asiatiques étaient encore dans le rouge mercredi. Si l’Indonésie, parmi les plus affectées lors de ces dernières séances, a gagné 1% hier, la Thaïlande et l’Inde perdaient respectivement 1,2% et 1,8%.
«Les investisseurs ont été beaucoup trop optimistes, notamment à propos de la Thaïlande, des Philippines et de l’Indonésie, affirme Marc Faber. Ils se rendent désormais compte que la croissance ralentit.» D’où les ventes d’actions ces derniers jours et les pressions sur les devises de ces pays.
«Un changement fondamental s’est produit dans ces pays au cours des deux dernières années: ils ont commencé à afficher des déficits des comptes courants», explique le gourou de l’investissement, connu pour sa lettre financière mensuelle intitulée The Gloom, Boom & Doom Report. Il estime que ces économies ont été stimulées de manière artificielle par la croissance du crédit. «Il y a eu des excès, mais ce n’est pas comparable avec la crise de 1997», poursuit-il. Plusieurs monnaies, dont le baht thaïlandais, avaient alors perdu la moitié de leur valeur. «Aujourd’hui, la chute d’une devise n’est pas un problème en soi. C’est le symptôme d’un problème de déséquilibre des comptes courants et d’une consommation excessive, qui crée de l’inflation, qui, elle, provoque ensuite la dépréciation de la monnaie», explique Marc Faber. En outre, elles dépendent beaucoup de la santé de la Chine pour leurs exportations de matières premières. Or, celle-ci ralentit dans des proportions bien plus importantes que ne le révèlent les chiffres officiels, juge ce Suisse établi en Thaïlande. Il doute également des prévisions des grandes banques étrangères présentes dans le pays, «car elles recherchent des contrats avec le gouvernement et n’ont donc aucun intérêt à dire la vérité sur l’état de l’économie chinoise». C’est visible, selon lui, dans l’évolution du commerce extérieur avec les principaux partenaires de Pékin. Les statistiques d’exportations divergent par rapport à ce que certains pays, comme la Corée du Sud, affirment importer de Chine. «A qui faites-vous le plus confiance pour révéler des chiffres fiables? A la Corée du Sud ou à la Chine?» demande Marc Faber.
Egalement prise dans la tourmente des marchés, l’Inde a vu hier sa monnaie se stabiliser quelques heures avant de poursuivre sa chute et de marquer un nouveau record de faiblesse à 64,55 roupies pour un dollar. La banque centrale a annoncé, dans la nuit de mardi à mercredi, vouloir racheter pour 80 milliards de roupies (environ 1,15 milliard de francs) d’obligations d’Etat. «Ce type de soutien est généralement voué à l’échec, considère Marc Faber. Si l’Inde veut vraiment défendre sa monnaie, elle devra relever fortement ses taux d’intérêt, aux alentour de 12 ou 13%, mais cela risque d’être douloureux et de freiner davantage la croissance.»
Dans le contexte actuel, il ne conseille pas d’investir dans les marchés d’actions asiatiques. La bourse des Philippines est à un niveau trois à quatre fois plus élevé que son point bas de 2009, précise-t-il. «Il faut donc s’attendre à une poursuite de la baisse de ces marchés.» Même s’il souligne qu’à moyen terme, les perspectives de croissance sont meilleures qu’en Europe ou aux Etats-Unis. «Si on me pointe un pistolet sur la tempe et qu’on me demande de choisir entre investir en Inde ou aux Etats-Unis, je choisirai le premier pays, dont la bourse a déjà beaucoup perdu de terrain, alors que Wall Street a affiché une performance de 50% plus élevée que dans la plupart des marchés émergents.»
(Mathilde Farine - LeTemps.ch - 22/08/13)