La Cinquième République, à l'instar de toutes les démocraties occidentales, est devenue une sorte de système oligarchique par le truchement du cumul des mandats, de la professionnalisation de la vie politique, de la nature pyramidale de toutes les organisations partisanes, du bipartisme.
UN SIMULACRE DE DÉMOCRATIE
Comme dans toute démocratie qui se respecte, l'alternance de majorités politiques est possible et réelle...
Cette alternance politique marque la volonté de la majorité des citoyen-ne-s d'une part de sanctionner par le vote une politique et sa majorité et d'autre part de souhaiter l'application d'une politique différente de la précédente.
Or depuis 30 ans, l’alternance politique ne se caractérise pas par le changement d'orientation politique mais par la continuité des politiques de régression sociale. Autrement dit, les têtes changent tous les 5 ans à l’Élysée et au Parlement, mais pas la politique.
Ce phénomène est dû au bipartisme - voulu par les constituants et confirmé par leurs successeurs - qui privilégie deux partis majoritaires, en l'espèce le PS et l'UMP, qui se partagent alternativement les places et le pouvoir, et qui surtout ont en commun la même foi dans l’économie de marché, le libre-échange, l’union européenne et la mondialisation.
De fait, le bipartisme induit aussi des habitudes (mauvaises), la connivence (l'entre-soi), la domination des élus cumulards dans les groupes parlementaires des partis majoritaires, une certaine docilité idéologique, un conformisme intellectuel, un goût prononcé pour la communication, et l'appartenance desdits élus à la classe dominante. Tous ces éléments favorisent le délitement de l'intérêt général au profit d'une minorité de privilégiés.
Cette élite de privilégiés et/ou de cumulards des deux partis majoritaires fait systématiquement des choix politiques de classe.
En d'autres termes, cette caste d'oligarques élus impose la régression sociale au peuple afin de préserver les intérêts de l'oligarchie (niches fiscales, complaisance pour les exilés fiscaux, baisses des cotisations patronales). J'en déduis que les politiques néolibérales de régression sociale ont été facilitées par les institutions de la Cinquième République.
Non seulement, le bipartisme se traduit par une démocratie bloquée sans réelle alternance politique, mais également par la mise à l'écart du peuple et la négation de ses intérêts.
LE PEUPLE N'EST PAS REPRÉSENTÉ DANS LES INSTITUTIONS DE LA CINQUIÈME RÉPUBLIQUE.
Moins de 3 % des parlementaires sont ouvriers ou employés alors qu’ils représentent plus de 50 % de la population. [1]
Si l'actuel Parlement était l'exacte photographie du pays, la France active serait exclusivement composée de hauts fonctionnaires, de professions libérales et de cadres supérieurs du secteur privé, à l'exception d'une infime minorité de classes populaires et moyennes ! Et aux trois-quarts masculine !
Dans ce contexte si représentatif et si démocratique, il n'est pas surprenant que les majorités PS ou UMP - composées d'élus appartenant aux classes privilégiées - dégradent les conditions de vie des classes populaires et moyennes pour préserver les intérêts de l'oligarchie. Et soient si peu sensibles à la condition des femmes.
Les oligarques élus défendent les intérêts de l'oligarchie : ça donne 20 milliards d'euros pour les entreprises du CAC40 sans aucune contrepartie, ça impose les franchises médicales, ça vote le TSCG et l'ANI, ça vote le 1er plan "d'aide" à la Grèce, ça vote 360 milliards d'euros pour les banques françaises sans aucune contrepartie, ça vote une niche fiscale en outre-mer , ça va voter une taxe carbone soi-disante écolo qui amputera le pouvoir d'achat des classes populaires qui n'ont pas les moyens d'isoler leur logement et de changer de bagnole...
Et si quelques voix manquent pour adopter la réforme des retraites initiée par la triplette Hollande-Ayrault-Sapin, l'UMP viendra à la rescousse, même si elle la juge trop timorée. Entre oligarques libéraux - socio et néo - les convergences ne manquent pas pour faire bosser les "petites gens" jusqu'à la mort ou leur préparer une retraite de misère avec la force de feu de la propagande des médias dominants à la solde de l'oligarchie.
Cette parodie de démocratie représentative et cette confiscation de la politique par une élite politique, socialement proche de l'oligarchie, produit immanquablement d'une part des politiques de régression sociale et d'autre part le désintérêt du peuple pour la chose politique.
Il FAUT CHANGER DE RÉPUBLIQUE...
MAIS PAS SEULEMENT...
Évidemment, il ne sert à rien de rafistoler une énième fois la Constitution du 4 octobre 1958. Il faut changer de République. Je suis favorable au non cumul intégral des mandats, à la proportionnelle, à la révocation des élus en cours de mandat, à l’interdiction du financement privé des partis politiques, etc. [2]
Mais, ces mesures, si importantes soient-elles, ne permettront pas pour autant au peuple d’être mieux représenté dans toutes ses composantes sociales au Parlement.
Les partis politiques, dans une moindre mesure au Front de gauche, reproduisent les travers de la Cinquième République. D'une part, ils comptent dans leurs rangs aussi peu de cadres et d’élus ouvriers et employés, ou non diplômés de l'enseignement supérieur que le Parlement. Malgré les formations internes, il est plus difficile de grimper dans la structure pyramidale de l’organisation ou d’en avoir l’ambition lorsqu’on ne détient pas l’expérience de l’encadrement dans sa vie professionnelle ou des connaissances validées par des diplômes universitaires. D'autre part, on constate aussi à l'intérieur des partis un cumul des fonctions dans le temps qui empêche tout roulement. Sans parler d'une tendance au népotisme.
Je ne nie pas que les partis politiques sont essentiels à la démocratie, mais je constate que nos concitoyen-ne-s sont trop peu nombreux à adhérer à des structures pyramidales très hiérarchisées, à se confronter à des règles de fonctionnement parfois non démocratiques, voire à subir parfois des personnes à l'ambition débordante ou opportunistes.
En l'espèce, même les partis de l'autre gauche comptent peu de responsables des classes populaires, ce qui se répercute dans le choix de leurs candidat-e-s aux élections et, in fine, au Parlement.
Par conséquent, au lieu de compter sur un miracle (par exemple un parti de masse très représentatif avec moult adhérent-e-s) pour en finir avec la sous-représentation des ouvriers et des employés au Parlement, je suis favorable à l’introduction du tirage au sort pour désigner une partie des parlementaires.
Au moins le tiers de l’assemblée parlementaire pourrait être désigné par tirage au sort afin que le nombre de ces parlementaires soit significatif. [3]
Le fait pour tout-e citoyen-ne d’être susceptible de devenir parlementaire grâce au tirage au sort contribuera à l’intéresser davantage à la vie de la cité, voire à s’impliquer.
De plus, la présence de citoyens lambda en qualité de parlementaires évitera probablement l’esprit de caste, la solidarité de corps, et le quant à soi... Le tirage au sort abolira ce qui ressemble à un privilège quasiment réservé à une élite sociale ou intellectuelle : n'importe quel-le citoyen-ne pourra être parlementaire.
Certains opposants au tirage au sort avancent l’argument de la compétence, ce qui ne semble guère recevable. Un parlementaire n’a a priori pas besoin plus de compétences que les autres citoyen-nes éduqué-e-s. On peut imaginer une formation pour les nouveaux parlementaires, non ? Le parlementaire défend une ligne politique, des idées, des principes, et il fait des choix en conscience. Aux techniciens et aux juristes de l’aider à rédiger sa proposition de loi.
En outre, je ne vois pas en quoi le balayeur que je croise chaque matin en allant au boulot serait moins compétent que les parlementaires élus... Pourquoi la caissière de mon supermarché ne serait pas moins digne qu'un Balkany ou un Huchon, pour quelles raisons le guichetier de La Poste serait moins légitime qu'un Woerth ou Désir ? Parce qu'ils ne seraient pas des parlementaires élus au suffrage universel ? Parce qu'ils ne seraient pas passés par le filtre des partis politiques ? Permettez-moi d'en douter...
Par ailleurs, certains assimilent le tirage au sort à la Grèce antique et à l'esclavage. Une critique un peu courte qui relève de la même mauvaise foi que celle disqualifiant le régime parlementaire et le droit de vote en évoquant la décision de l'Assemblée nationale du 10 juillet 1940 donnant les pleins pouvoirs à Pétain...
Pour conclure, je ne considère pas le tirage au sort comme La solution mais un moyen parmi d'autres, et c'est la raison pour laquelle je ne revendique pas le tirage au sort intégral. Néanmoins, je ne vois pas par quel autre truchement qu'une bonne dose de tirage au sort, un système politique permettra une meilleure représentation du peuple au Parlement, à moins de réinventer les Soviets...
Cette position est a priori minoritaire au Front de gauche, mais j'ouvre le débat.
Notes
[1] Le Monde _ Surprise ! Les députés ne sont pas représentatifs de la population
[2] cf. Moi constituant de la VIème République...
[3] J'en profite pour signaler, au passage, que je n’ai aucune sympathie pour Etienne Chouard dont certaines déclarations sur la Shoah et fréquentations de personnalités proches de l'extrême droite ne peuvent pas être taxées de coïncidence fâcheuse, de naïveté ou d'ignorance.