La vie de Léna ressemble
à celle des femmes de marins. Comme elles, Léna connaît l’absence, les longues
périodes pendant lesquelles Vassili est à la Base. Mais Vassili n’est pas
marin. Il est aviateur au moment où l’URSS est sur le point de se défaire, ce
que personne ne prévoit encore. Léna ne maîtrise rien de son calendrier, dicté
par la hiérarchie. Il rentre quand il peut, parfois au milieu de la nuit. Elle
préfère, d’ailleurs, puisqu’il n’est pas alors accaparé par les enfants des
cohabitants, désireux d’entendre Vassili raconter ses vols.
Léna devient femme de
cosmonaute quand Vassili est choisi pour une mission de plusieurs mois sur la
station Mir. Avant le départ, le rythme devient plus régulier, ensuite, il
faudra attendre le retour pendant des mois…
La solitude d’une femme
est au cœur du premier roman de Virginie Deloffre, qui traduit ce sentiment
dans les lettres que Léna envoie à sa famille d’adoption. Elle y apparaît de
plus en plus fragile, minée par les incertitudes liées à la carrière de son
mari. De son côté, celui-ci transmet au livre la vibration d’une exaltation
venue de loin, des intuitions géniales d’un savant méconnu du dix-neuvième
siècle et prolongée dans une course à l’espace menée contre les Etats-Unis,
l’adversaire de la Guerre froide. Chaque succès est un moment de fierté
nationale, et le récit qu’en fait la romancière transcende la documentation
pour devenir le pilier central de la construction.
Ajoutons que la vie quotidienne dans le Grand
Nord sibérien est restituée avec talent. Il y a bien des raisons de découvrir
Virginie Deloffre. Les libraires ne s'y sont pas trompé: ils ont donné leur prix à ce roman.