Stromae - Racine Carrée
Quand il y a quelques semaines Stromae a bluffé son monde avec Papaoutai et le plutôt poignant Formidable, facile de flairer l’album attendu au tournant qui allait sans doute suivre le chemin balisé suivant : surmédiatisation / succès / rejet. En gros on allait bouffer du Stromae partout et surtout là : Télérama, Inrocks, Inter. Un mois après les réseaux sociaux s’étriperaient pour canoniser ou lapider le belge, ma mère me demanderait ensuite si je connais Stromao ou Trosmate, et je saurais qu’on a atteint la fin du cycle enfin. Quand ma mère me parle d’un chanteur, même Le Journal de Mickey en a déjà parlé.
J’ai lu les articles. Ecouté l’album. Une fois, dix fois. Et rarement me suis-je senti autant en équilibre entre enthousiasme sincère et sincère perplexité. Premier constat Stromae ne renie pas son attirance pour les gros sons qui tâchent et qui m’avaient bien séduit sur Alors on danse. Parce que le garçon réunit souvent sur un même morceau une dance efficace mais pleine de grosses ficelles et des textes qui frôlent souvent le pathos sans jamais y tomber, dans un lyrisme acide, malin et désabusé. Fallait oser quand même, marier une écriture introspective, des sujets lourds (le cancer, l’absence du père, la mysoginie) avec des boucles d’Euro-Dance que n’aurait pas renié Ace of Base. Et bien souvent ça marche : deuxième constat il y a un sens de la formule et de l'interprétation chez Stromae (éclatant sur Formidable, convaincant sur Ta Fête ou Tous les Mêmes). Mais parfois ça fait le même effet que de regarder Jacques Demy sur un smartphone. On est gêné par l’un ou par l’autre.
J’en appelle cependant au cul coincé des uns et / ou à l’oreille sensible des autres : il y a des chances que Stromae vous fasse grincer des dents, peut être en rythme. Et c’est sans doute aussi là sa force, qui s’éprouve dans la variété, au sens noble du terme : Stromae vient du hip-hop, de l’electro. Il a été bercé par Papa Wemba ou Los Kjarkas et revendique Brel autant que Swedish house Mafia. D’où un sens de l’éclectisme où chaque référence s’entrechoque à l'autre souvent avec bonheur et où finalement le point de convergence est à trouver dans la personnalité même de Paul Van Haver (son vrai nom) plutôt que dans un vulgaire opportunisme putassier. Il faut croire le garçon sincère et j’espère que c’est ce qui fera la différence au moment de classer Racine Carré parmi les albums les plus attachants de 2013.
Formidable :
Papaoutai :
Et puis allez je n'ai pas pu résister :