Versailles Penone

Publié le 28 août 2013 par Onarretetout

Après avoir revu l’Arbre des Voyelles, il me fallait aller à Versailles où d’autres arbres de Giuseppe Penone m’attendaient. On parle encore à propos de cet artiste d’Arte povera même s’il y met ostensiblement des couleurs dorées, voire de l’or. Peut-être alors faut-il  comprendre dans cette appellation une relation particulière avec la nature. Car, que fait cet artiste sinon installer dans la nature des éléments faisant référence à la nature même ? J’ai découvert les œuvres de Penone à Beaubourg il y a quelques années.

Il y avait, en particulier, le cèdre de Versailles abattu par la tempête de fin 1999. Je me souviens de sa forte présence dans le hall du Centre Pompidou, de la grande pièce de cuir, empreinte de l’écorce de cet arbre, exposée dans une autre salle. Je retrouve ce cèdre juste après les parterres d’eau, ou, plus précisément, l’écorce de ce cèdre, en bronze cette fois, ouverte sur le ciel et contenant entre ses parenthèses, le cœur de l’arbre, ou d’un autre, entouré d’un tissu jusqu’au faîte feuillu. Le cœur de l’arbre, Penone le met à jour depuis de nombreuses années, y cherchant peut-être trace de l’origine, ici encore voilée. Cette œuvre très grande surplombe le Bassin de Latone, déesse protégeant ses enfants. Et nul doute que, si ce bassin n’était en travaux, l’allégorie aurait fonctionné entre le grand cèdre et cette image maternelle.

 

Nous sommes au début de la Grande Perspective. Descendre quelques marches et voici ce que l’artiste intitule Anatomie, blocs de marbre où affleurent branches et veines, entre végétal et animal, encore une histoire de peau (comme l’était déjà l’écorce du cèdre) ; au milieu, un rouleau comme un épiderme décollé et roulé sur lui-même, révélant veinules et réseaux d’irrigation. L’aspect de colonne couchée me rappelle celle que j’avais vue aux Tuileries, en mars, en sortant de l’exposition d’Adrian Paci au Jeu de Paume (et que vous pourrez retrouver ici). La peau, donc, comme celle qu’on voit sur le tambourin de cette jeune musicienne dont la statue est à deux pas en allant vers le Bassin de Cérès. Un des blocs de marbre évoque une empreinte digitale, me rappelant que l’artiste, y voyant sans doute une façon d’interroger l’identité individuelle, avait déjà réalisé une autre œuvre sur ce thème, avec des tuiles et des branches (photo trouvée sur Strange Stuff And Funky Things, cliquer sur la photo de l'oeuvre, intitulée Ombre de Terre, pour atteindre ce site).

  

Marbre, pierre, bronze, végétal, cette alliance se multiplie chemin faisant, cherchant toujours le lien entre la terre et le ciel (qui parfois foudroie les arbres, l’artiste le sait bien), jusqu’au Bosquet de l’Etoile. Là, Penone pose assez frontalement la question des racines, non seulement avec son Elévation (qui me fait penser à une danseuse), mais aussi avec ces pierres, prises au sol mais aussi dans les airs, comme si l’arbre avait poussé avec elles, comme si elles avaient niché au creux de ses branches. Mon regard montant ainsi vers le ciel de ce jour-là s’interroge de surcroît sur la capacité d’équilibre de ces troncs déjouant les pièges de la pesanteur pour atteindre les nuages, « les merveilleux nuages ».

  

Je m’arrête, sur le chemin du retour, devant l’œuvre qui m’avait accueilli, l’Espace de Lumière creusé dans un tronc, disposée dans le sens de la Grande Perspective et révélant le cours de la sève, le cours de l’eau là-bas, vers le Bassin d’Apollon et le Grand Canal. Ce tronc creusé ressemble au diaphragme d’un appareil photo, saisissant de l’image la profondeur de champ (les premiers diaphragmes étaient en bois). Les jardins de Versailles deviennent ainsi un appareil photo dont le Château serait la chambre noire. 

Cliquer sur les photos pour les agrandir.