Une nouvelle crise politique mondiale s'ouvre avec les annonces d'une intervention "occidentale" en Syrie suite à l'utilisation de gaz par le pouvoir de Damas. Cette crise fait suite à de nombreux soubresauts militaires depuis la chute du Mur, qui se sont accompagnés de légions de commentaires, retournements de vestes médiatiques, crispations politiques intérieures et accusations de militarisme venant de tous bords. En France, les aléas ont variés: consultation du Parlement par Mitterand sur la première guerre d'Irak, quasi-unanimité sur l'intervention en Serbie, condamnation de l'aventure intéressés sarkozyste en Libye, stupeur devant l'intervention malienne du nouveau pouvoir socialiste... Le fait est que malgré de nombreux essais géopolitiques de très grands stratèges, diplomates et intellectuels, aucun équilibre n'a pu être trouvé depuis la fin de la Guerre Froide hormis l'alignement plus ou moins aisé sur l'impérialisme américain. De ceci ressortent plusieurs questions ayant trait à la démocratie, à l'attitude possible d'une Gauche, au réalisme de gouvernement et à la morale.
A l'heure où j'écris, le Président de la République a annoncé assumer l'implication de la France dans une campagne de bombardements afin de "punir" (sic) le régime criminel. L'ensemble de la Gauche (dont mon parti) condamne ce qui est vu comme un militarisme. La droite, fort logiquement, acquièsce en essayent de se démarquer, le FHaine conteste les preuves de gazage, le Modem demande les preuves des inspecteurs de l'ONU.
Alors que la plupart de mes camarades dénoncent un impérialisme et une aventure ingérable (ce sur quoi je les suis presque totalement sur l'analyse), je considère que l'élément moral, le devoir d'ingérance, doit être mis en avant. Il est assuré que toute guerre revêt des intérêts industriels, géostratégiques et politiques. Il est assuré que la machine américaine s'abreuve de la guerre dont elle a un besoin vital depuis le début du XX° siècle. Tout comme la manoeuvre machiavélique de François Hollande (dans les pas de François Mitterand pour le coup) sur le Mali (décision brutale, présentée comme désintéressée, qui a permis de détourner l'attention de l'ANI en début d'année) vise au moins en partie à créer un écran de fumée avant un difficile automne sur les retraites et le vote du budget. Il est certain qu'une telle aventure se terminera par une guerre civile prolongée avec intervention djihadiste longue et ingérable. Et pourtant.
Il n'est pas toujours superflu de regarder l'histoire, et notamment l'histoire très bien documentée. La seconde guerre mondiale a été étudiée sous toutes les coutures et sous toutes les opinions. Il en ressort a la fois que (comme le signale Mathieu Lepine a propos d'Howard Zinn) les Etats-Unis sont intervenus pour mettre fin au génocide, pour des raisons économiques et en raison de la lutte contre le camarade Staline. L'histoire est complexe, il n'y a ni gentils, ni méchants, ni défenseurs pacifistes vertueux et méchants militaristes de droite. Il y a des choix a faire dans certaines situations. De mauvais choix par définitions. Mais à la fin chacun se retrouve avec sa morale devant le miroire entre l'inaction revenant à fermer les yeux sur des massacres de fous sanguinaires et l'intervention armée qui peut proposer une possibilité de cesser le sang.
Dans cette situation, pour ce qui concerne notre pays, plusieurs choses peuvent être préservées: d'une part le respect démocratique par la convocation du Parlement pour un vote sur une éventuelle intervention. Le Président se grandirait de la sorte. Il s'agit là du respect du Droit démocratique quand le droit international ne peut couvrir une telle intervention du fait du blocage russe. Cela devrait s'accompagner d'une rencontre européenne afin que notre Président assume ses choix et se cale dans un droit européen et non atlantiste (et force l'ectoplasme Ashton a prendre position). In revient également d'attendre une conclusion officielle des enquêteurs de l'ONU, non pour soulever des doutes qui n'existent pas, mais pour, là encore, respecter le droit. Enfin, que le doute soit assumé et que le seul ressort d'une telle intervention française soit celui de la morale, celle qui pousse a agir pour cesser des tueries, celle qui aurait dû nous faire intervenir au Rwanda. Quoi qu'il en coûte, quoi qu'il advienne ensuite. Celle qui nous a fait intervenir en Afghanistan contre la Barbarie sans nom des Talibans, sans naïveté et en toute indépendance de l'Empire américain et des intérêts de Dassault. Nos analyses sont complexes, assumons cette vision jusqu'au bout sans nous drapper de pureté. Car la pureté n'existe ni en politique ni en matière militaire.