Je fis partie de ces déçus, au point de retarder l’achat de l’album que je découvris néanmoins grâce aux complicités malignes d’Internet.
Avec le temps, puis la sortie d’un successeur, l’énigmatique et magmatique Biophilia en 2011, Volta me donnait de plus en plus de bonnes impressions, tout à fait à l’inverse de mes pourtant nombreuses écoutes dès sa sortie.
Retour en 2007. À cette époque, Björk était la grande déesse islandaise intouchable (elle l’est toujours) et parfaite (pour le coup, on n’en est plus très sûrs), qui avait sorti cinq albums chacun loué par toute une multitude de personnes (difficile, encore aujourd’hui, de trouver une entente entre ceux qui préfèrent Debut, ceux qui préfèrent Post, ou Homogenic, ou Vespertine, ou Medúlla), et surtout, qui réussissait toujours à surprendre son auditeur.
Avec Volta, trêve de surprises. Déjouant le refus de collaborations d’artistes tels Aphex Twin, la belle glacée avait pourtant su sortir de son volcan un Homogenic monstrueux. Sur Medúlla, Make Patton et Rahzel l’accompagnaient à merveille dans son délire lyrique (pour moi, cela reste sa plus grande œuvre). Mais que se passa-t-il alors lors de la genèse de Volta ? Comment osa-t-elle aller chercher Timbaland pour la produire ? Non pas que les morceaux entre les deux monstres sacrés soient mauvais, bien au contraire. Seulement, il y avait un manque manifeste d’originalité et, dès lors, de prise de risques. Qui, au début des années 2000, n’a pas déjà bossé, cartonné, et squatté les hits et les tracklists des radios et des DJs du monde entier avec et grâce à Timbaland ? Même Chris Cornell (!) collaborera avec lui, sur un album tellement indescriptible que je ne sais même pas si j’adore ou si je déteste.
Heureusement, seuls trois titres ont été coécrits et produits par Tim Mosley (alias Timbaland) : « Earth intruders », « Innocence » et « Hope ».
D’un autre côté, je découvre en 2007 et donc tardivement une voix que je finirai par adorer par la suite, sans savoir que c’était lui, ici, en duo avec Björk. Antony Hegarty (qui, décidément, n’hésite pas à faire faux-bond aux Johnsons) sur « Dull flame of desire » puis sur « My juvenile ».
Ailleurs, et cela depuis Homogenic, Mark Bell vient lui aussi apporté sa collaboration à Björk (« I see who you are », « Declare independence »). De même l’habitué Sjón qu’elle connaît au moins depuis Sugarcubes (« Wanderlust »), quand celle-ci ne fait pas tout toute seule (« Vertebrae by vertebrae », « Pneumonia »).
Ainsi, avec le recul, le tout Volta prend enfin sa consistance : Björk l’avait dit alors, avec cet album, elle avait voulu se faire plaisir. Pas s’amuser, comme certains ont pu l’interpréter, ce qui change beaucoup. En effet, c’est un disque très vivant, survolté même, mais toujours sérieux. En somme, Volta est terriblement excitant. Il est conçu de dix morceaux issus d’un même moule, mais peints chacun avec des couleurs soit différentes, soit utilisées différemment.
Björk le savait, sans hésitation aucune : intitulé son album Volta, et non pas plus facilement « Evolution » ou même « Revolution » aurait été cynique. Il y a bien une évolution naturelle, c’est-à-dire une avancée dans sa musique. Après cinq albums, l’Islandaise ne peut et ne veut même pas prétendre qu’elle espère amorcer une nouvelle révolution dans la musique ou dans sa musique. Elle le fait plus sobrement, avec humilité. Elle n’hésite pas, à cet effet, à s’auto-sampler sur « Vertebrae by vertebrae », qui reprend ainsi un échantillon de sa bande originale pour Drawing Restraint, sortie deux ans plus tôt.
Quel plaisir, disons peut-être depuis 2010, de redécouvrir toute la chaleur de Volta. J’espère que Biophilia aura, lui aussi, une seconde chance, mais il me semble trop froid pour que cela soit aisé.
Finalement, ma première déception avec Björk n’était pas encore arrivée.
(in heepro.wordpress.com, le 28/08/2013)
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