Van n’a jamais été
bavard, dit-il d’emblée. Mais c’était avant de mourir. « Maintenant que je suis dans un cercueil, j’ai toute latitude de
soliloquer. » Et il a bien des choses à raconter. Il ne sera pas le
seul à parler dans Lame de fond.
Chacune des parties qui découpent une journée en quatre est aussi occupée par
trois autres personnages, trois femmes qui ont eu une grande importance dans sa
vie : Lou, son épouse, Laure, leur fille, et la plus mystérieuse Ulma dont
le statut dans le roman en est une des clés. Puisque Linda Lê ne la fournit pas
d’emblée, laissons-la nous aussi de côté, tout en gardant son importance à
l’esprit.
Van est né au Vietnam
mais, une fois installé en France, il est devenu un émigré modèle, du genre qui
ne fait pas de vagues. Du genre, aussi, qui a appris la langue en lisant les
classiques et, devenu correcteur, a été un travailleur scrupuleux. Jusqu’au
moment où il s’est relâché, pour des raisons extérieures aux livres sur
lesquels il se penchait. Pour des raisons qui tenaient à des changements
importants dans sa vie. Pour des raisons liées à Ulma. Mais beaucoup moins
simples que ne le sont les premières idées qui viennent à l’esprit.
La voix d’outre-tombe qui ouvre le roman puis
revient se glisser entre les autres est aussi la voix de la vérité, puisque Van
n’a plus rien à perdre. Cela n’empêche pas les doutes. Au volant de la voiture
qui l’a renversé, Lou savait-elle ce qu’elle faisait ? Crime ou
accident ? Nous le saurons peut-être.