N'en déplaise à l'INSEE, l'économie française n'est pas sauvée, les indicateurs ne sont pas tous au vert. Et il s'agirait que le gouvernement redresse la barre rapidement.
Par Jean-Yves Naudet.
Un article de l'Aleps.
« Très net rebond de la croissance »
Nos ministres sont incorrigibles, rien ne leur sert de leçon. Sous le gouvernement précédent, le premier trimestre 2011 avait connu une croissance de 1,1%. Commentaires de l’époque : la reprise est là, la crise est finie ; quelques trimestres plus tard, nous étions de nouveau en récession. Cette fois-ci l’INSEE annonce pour le second trimestre 2013 un taux de croissance de 0,5%, moitié moindre que celui du début 2011. Il n’en fallait pas plus pour que le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, exulte, se félicitant d’un « très net rebond de la croissance qui confirme la sortie de récession de l’économie française ».
Il est vrai que les « experts » anticipaient une hausse de 0,2% ; cela veut simplement dire que les prévisionnistes se trompent, ce qui n’est pas un scoop. Pour autant, est-ce un chiffre extraordinaire ? Il intervient après deux trimestres de baisse du PIB : 0,2% au quatrième trimestre 2012 et également au premier trimestre 2013. Deux trimestres de baisse, c’est la définition statistique habituelle d’une récession. Un trimestre suivant de hausse permet-il de conclure à la fin de ladite récession ? Les deux trimestres à venir vont-ils nous conduire à un taux annuel de 0,1 ou de 1% ? Parler de reprise est un bien grand mot, compte tenu de l’imprécision des chiffres et de l’incertitude des prévisions.
Les cocoricos sont donc prématurés et la discussion sur des dixièmes après la virgule ridicule : un jour de grève et on bascule dans le négatif ! Le seul commentaire à faire c’est que la France est en panne : on ne produira pas plus en 2013 qu’en 2012 et, comme la population augmente, le PIB par tête recule.
Relevons au passage le paradoxe : les mêmes hommes politiques qui accusent sans cesse le marché, les entreprises, les profits, la bourse de se focaliser sur le court terme s’arrêtent au premier chiffre venu pour en tirer des conséquences définitives. Ils accusent le marché d’être myope, mais eux-mêmes ne voient pas plus loin que le trimestre en cours et ont pour horizon ultime la prochaine échéance électorale.
Les vrais moteurs sont en panne
Il est également intéressant de voir comment, selon l’INSEE, ce résultat a été obtenu. L’INSEE voit deux facteurs explicatifs : le premier (0,2% sur les 0,5%) est la variation des stocks des entreprises ; la belle croissance que voici ! Les invendus ont été produits, donc ils sont comptabilisés dans le PIB, c’est l’habitude. Le second est la consommation des ménages (0,3% sur 0,5%). Ce moteur-là, cher aux keynésiens, est le plus précaire : l’INSEE souligne qu’un de ses facteurs aura été la hausse des achats d’énergie (+2,4%) en raison de la mauvaise météo du printemps ; la pluie féconde le PIB.
Les vrais « moteurs » sont absents. La contribution du commerce extérieur à la croissance est nulle, les importations ayant progressé aussi vite que les exportations. Et surtout l’investissement poursuit sa chute : il connaît une baisse pour le sixième trimestre consécutif, avec un repli de 0,5%. Or c’est l’investissement qui est le vrai signe de la santé économique à venir : lui seul prépare le futur et on voit mal comment une économie qui enregistre pour le sixième trimestre d’affilée un recul de l’investissement pourrait progresser à terme. L’investissement, c’est non seulement la croissance, mais aussi l’emploi de demain. En dépit de la méthode Coué de François Hollande, la courbe du chômage ne s’inversera pas d’ici la fin de l’année. Pour l’instant, au second trimestre 2013, en dépit de la hausse du PIB, l’emploi salarié a encore reculé, avec une chute de 27 800 du nombre de postes.
Les fausses réformes
Il faut donc dépasser ces chiffres et ces analyses purement conjoncturelles. L’essentiel est ailleurs. Les réformes dont la France a besoin n’ont pas été faites. Les organismes internationaux, avec toute l’élégance du langage diplomatique, ne cessent de le répéter : la France n’a pas fait les réformes que les autres pays ont réalisées.
C’est particulièrement vrai pour le marché du travail. La mesure phare du gouvernement est l’intensification des emplois aidés, notamment avec les « emplois d’avenir ». Mais en quoi peut-elle résorber le chômage ? Au-delà de ce qui se voit (les 100 000 emplois qui seront ainsi créés, si jamais ils le sont), il y a ce qui ne se voit pas (les emplois détruits par les prélèvements pour le financement de ces emplois). En fait les rigidités sont toujours là, au niveau des salaires (à commencer par le SMIC) et des procédures d’embauche et de licenciement. Il y a longtemps qu’en France le marché du travail n’est plus un marché.
Enfin, peut-on parler de réformes quand le secteur public est toujours aussi important et que l’État se livre au grand jeu du mécano industriel, en achetant et vendant des titres ? Croit-on que c’est grâce à la Banque publique d’investissements qu’on va créer des entreprises ou que c’est en détruisant le statut d’auto-entrepreneur qu’on va créer des vocations ? Croit-on que c’est en refusant toute ouverture des professions fermées à la concurrence ou l’ouverture des services publics qu’on va créer des emplois et faire baisser les prix ?
Hausse ou baisse des prélèvements ?
Cependant le gouvernement a fait une grande découverte : il faut une nouvelle fois sauver les retraites. Après avoir critiqué les réformes précédentes qualifiées d’inutiles, le gouvernement prépare dans l’urgence sa propre réforme. Et quelle réforme ! On ne changera rien au système par répartition, alors que celui-ci est structurellement condamné, comme tout système de type Madoff (les entrants financent les sortants), mais on va –quelle imagination !- augmenter les recettes, sans doute via la CSG (ndlr : il s'agira finalement de l'augmentation non pas de la CSG, mais d'autres cotisations sociales). Les retraites ne seront pas sauvées, mais ces nouveaux prélèvements vont plomber un peu plus notre économie.
Même si le FMI se trompe souvent et si ses recommandations sont largement keynésiennes, tel était le sens des recommandations données à la France il y a quelques semaines. Le FMI ne reprochait pas le fait de chercher à réduire les déficits publics, mais le fait de prétendre les réduire par une hausse des impôts. En effet, toute « rigueur » provoquée par une hausse des prélèvements accroît la récession et réduit les recettes fiscales (effet Laffer).
Voilà pourquoi nous ne croyons pas à la reprise en France, pas plus qu’à la baisse des déficits publics. Ce n’est pas pour nous réjouir, certes. Mais c’est pour rappeler à la classe politique que la seule façon de réduire les déficits et de susciter de la croissance est de baisser et les prélèvements et les dépenses publiques, donc de réduire la taille de l’État. Sans cette double condition, il n’y aura pas de reprise véritable et durable, n’en déplaise à l’INSEE et au gouvernement.
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