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Keith Haring, the political line au Musée d’Art moderne de la ville de Paris (Paris 16)

Publié le 27 août 2013 par Carnetauxpetiteschoses @O_petiteschoses

affiche-keith-haringSi le trait et les dessins de Keith Haring sont facilement identifiables, c’est par l’angle politique que la grande rétrospective présentée cet été au MAMVP, proposait d’appréhender l’oeuvre de l’artiste. Placardées tout l’été dans les couloirs du métro parisien, il était difficile de manquer les affiches de l’exposition, même pour ceux qui ne sont pas allés voir l’exposition présentée au Musée d’Art Moderne et au 104 (pour les oeuvres les plus monumentales).Nombreux sont les parisiens qui ont fait le déplacement, pour voir les dessins de l’artiste urbain, défenseur de multiples causes de société. Au MAMVP, la scénographie thématise les productions, en égrénant avec méthode ses dessins. Ainsi donc nous passons en revue son opposition à l’autorité et au pouvoir de l’Etat, au capitalisme ensuite et à la société de consommation, au racisme, au pouvoir des médias, mais aussi à la menace nucléaire, au sida, à l’acceptation de la cause homosexuelle, à la religion. Proposées dans une variété de formes, ses productions sont appréhendables comme on le souhaite, laissant le spectacteur libre de définir son propre rythme de visite.

Le langage de Keith Haring est très spécifique et il se déploie à mesure de la visite, le long des murs, sur le sol, sur les objets exposés, et même dans l’obscurité.

Photo Jean-Christophe MARMARA/Le Figaro
Photo Jean-Christophe MARMARA/Le Figaro

La variété des formes sur lesquelles il est tour à tour, illustration (pour story board notamment), dessin engagé (peint sur une bâche vinyle), ou même motif ornemental légitime même sur un objet (vases, jarres, totems etc…) C’est sans doute l’idée directrice qui m’a guidée à travers cette découverte de l’artiste, présenté par le prisme de ses engagements et de ses combats politiques.

Contemporain d’autres grands artistes comme Jean-Michel Basquiat ou Andy Warhol, Keith Haring est une icône pop reconnu de son vivant, qui proclamait “l’art pour tous”. Il a ainsi exposé ses oeuvres dans les plus grands musées et dans les galeries les plus renommées ou les plus undergroud, mais aussi dans la rue ou dans le métro. Ses dessins portent un message fort quelque soit la forme qu’ils prennent et son oeuvre porte un regard critique sur la société tout en s’adressant à tous.

Très balisée, la visite détaille les causes qu’il a défendues. Connaître davantage sa vie ou certains aspects de son travail, permettent de recontextualiser ses combats et les idées.

Célébrer la vie et la ville, Keith Haring à New York

Dès les premières toiles, on apprend à déchiffrer le langage pictural de Keith Haring, ses symboles récurrents : les chiens (symbolisant le pouvoir répressif du Gouvernement), les soucoupes volantes, le bébé à quatre pattes rayonnant (signe de l’énergie vitale, de la pureté, de la joie, devenu ensuite son insigne)  et l’homme au ventre troué (qui fait référence à l’assassinat de John Lennon).

C’est ainsi que se présente le parcours fulgurant et prolixe de l’artiste qui trouve la mort à peine âgé de 31 ans après une vie engagée. Dans les années 1980, la scène artistique est plutôt faite d’oeuvres centrées sur elles-mêmes et dont l’engagement politique est absent.

Keith Haring profite de la ville de New York qui lui apparait alors comme un immense champ des possibles. Tout en elle le fascine, son dynamisme et sa population, ses rues et ses nuits. Il l’exprime en ces termes “Cette cadence abrutissante qui ne s’arrête jamais.

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Il prend le parti de vivre la nuit, de fréquenter les bars et les lieux cosmopolites dans lesquels se rejoignent l’essentiel des artistes de la scène new yorkaise. Il fait le choix de prendre part à l’effervescence artistique, de libérer sa créativité. Il vit durant ces années, ses rêves d’artistes et il assume ses préférences sexuelles. L’artiste a en effet toujours assumé son homosexualité, et il se battra pour faire évoluer la cause homosexuelle. Son art est indissociable de la vie, et le sexe y tient une part importante. C’est perceptible très rapidement dans ses dessins, qu’il soit dans la représentation de sexes masculins ou dans celle de scènes explicites entre plusieurs personnes.

Ainsi il profite de New York, ses bars, et ses soirées nocturnes, ses happenings et ses foyers d’artistes. Il fréquente ces lieux alternatifs, et se passionne pour des causes autant que pour des disciplines (le combat et la sensibilisation à la maladie du sida), le break-dance, le hip-hop. Son admiration pour la danse est sans bornes, car elle est une forme de libération, une manière d’atteindre “un autre état d’esprit, de transcender l’état actuel et de parvenir collectivement à un autre lieu”. Une recherche d’un ailleurs qui convoque aussi les paradis artificiels (alcool et drogues aidant). Il rencontre les principales figures de la scène artistique toutes disciplines confondues : Madonna pour la musique, Dennis Hopper pour le cinéma. Dans sa vie nocturne, il parvient à nouer de véritables relations.

Parmi elles, son amitié et son admiration pour Andy Warhol, qui est le seul artiste pop selon lui. C’est ce dernier qui le pousse à ouvrir le Pop Shop en 1986 dans l’idée de poursuivre jusqu’au bout son idée d’un art pour tous, boutique dans laquelle il proposera des produits dérivés de son art. Il reverse les bénéfices à des associations caritatives.

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Le public est ouvert à l’art, quand l’art s’ouvre à lui”. Keith Haring marque la distinction qu’il fait entre la culture de masse, qu’il déplore, et l’individu dans lequel il croit fermement. Son amitié avec Andy Warhol est profonde, il dira avec reconnaissance “la vie et le travail d’Andy ont rendu mon travail possible. Andy a créé un précédent qui a permis l’existence de mon art. Il a été le premier vrai artiste public, dans un vrai sens holiste.

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Malgré sa vie trépidante et nocturne, la solitude se fait sentir. Dans son journal, il fait part de ses craintes, de sa peur de ne pas y arriver. Mais bien plus que tout il redoute la mort. C’est elle d’ailleurs qui le prive de ses meilleurs amis, Jean-Michel Basquiat notamment qui succombe en 1988 à une overdose. Keith apprend la même année qu’il est séropositif.

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Mes amis tombent comme des mouches et je sais au plus profond de moi que seule une intervention divine a pu faire que je sois encore en vie si longtemps. Je ne sais pas s’il me reste cinq mois ou cinq ans mais je sais que mes jours sont comptés.

Il prend alors le parti de croire plus que tout en la peinture, il dira dans son journal « J’ai des tas de nouvelles idées de peintures et de sculptures que j’ai hâte de commencer (…) Je veux vraiment rentrer et essayer de me guérir par la peinture. Je pense que je pourrais y arriver (…) J’ai eu une existence incroyable et assez de relations sexuelles en dix ans pour toute une vie ».

Son appétit de vie et d’expériences, conjugué à ses convictions feront de lui un personnage emblématique. Les nombreuses causes qu’il défend son en accord avec la société et l’époque dans laquelle il vit. Il se dresse contre ce qu’il déplore : la société de consommation, le capitalisme et le mass media. Son refus catégorique de la société de consommation le dresse contre la toute puissance des Etats-Unis et du dollar. De la même manière il se méfie de la technologie et du terrain qu’elle gagne peu à peu dans la société. Pour lui, les écrans de télé et d’ordinateurs menacent d’inventer une autre réalité. Il y voit surtout un moyen de bâillonner la créativité en formatant les cerveaux (c’est ce qu’il dessine) ou en nuisant aux individualités. Il se révolte aussi contre la discrimination et le racisme. Certains épisodes de l’Histoire comme la colonisation ou les guerres le marquent beaucoup. Lorsqu’il arrive à New York, il se passionne pour la mixité, et il se rapproche des différentes minorités. Son art est profondément engagé.

L’art dans la rue et dans le métro, les graffitis

Lorsqu’il arrive à New York en 1878, Keith Haring découvre le graffiti, une forme d’expression spontanée, et une œuvre éphémère. Interpellé, il s’en approche pour en effectuer des milliers. Ses dessins apparaîtront alors dans l’espace public : dans la rue, sur les panneaux, ou dans le métro.

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Un jour en effet, il s’aperçoit que les panneaux publicitaires encore vierges dans le métro, sont recouverts d’un papier noir et mat, en attendant d’être tapissé par une affiche.

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Il remonte alors acheter une craie, et commence une longue série de dessins à la craie blanche, dans les couloirs de la ville. En accord avec son idée de produire « un art pour tous », ses dessins déclenchent la curiosité ou l’admiration des gens. Pendant près de cinq ans, des milliers de dessins sont effectués. Keith en fait parfois plus de 30 par jour. Il en reste aujourd’hui seulement un petit nombre conservés grâce à des photos faites sur les lieux. Keith dit « Les peintures ne sont pas des expressions définitives. Elles peuvent être changées, transformées, combinées, détruites (…) La seule chose dont il faut se soucier, c’est de créer l’effet maximal« 

Les gens le questionnent sur le sens de ses dessins, leur message ou leur raison d’être. Certains autres s’exclament « c’est toi qui fait ça ! » Keith Haring déclare alors « Dès lors j’avais trouvé un moyen de faire partie des artiste graffiti sans les imiter« . Grâce à ses Subway Drawing il gagne le respect des principaux acteurs de la scène graffiti.

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Il se fait ainsi connaître ainsi lors d’une exposition par certains grands noms du graffiti. Il se lie d’amitié avec deux artistes (des writers reconnus), Lee  Quinones et Fab 5 Freddy. Ils ont été invités par Stefan Eins, membre du Colab (un collectif engagé), et fondateur d’une des première galerie de graffiti, Fashion Moda. Keith Haring commence son travail avec eux, participe à une exposition, et à de nombreuses collaborations. Une des plus étonnantes et des plus célèbres, est celle avec le jeune Angel Ortiz, un brésilien de 14 ans, qui signe LA II.

Ils exposent chez Tony Shafrazi, qui dira « Il a apporté au milieu artistique des pans entiers de la culture black et hispanique, de cette culture qui prospérait dans les rues, dans la musique, la danse et les graffitis. Il croyait sincèrement aux idéaux démocratiques, et a contribué à ouvrir le monde de l’art pour que celui-ci soit  partagé et utilisé par tous.« 

Keith Haring s’exprime aussi à Paris, dans le métro. Il est invité en 1984 par les frères Ripoulin, un collectif qui détourne des affiches publicitaires de manière humoristique. Il participe alors à un collage d’affiches à la station Dupleix. Keith vient dans le leur atelier dessiner à la peinture fluorescente sur du papier kraft. Il va ensuite lui même coller son affiche. Mais son œuvre disparaît le jour même.

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Six mois plus tard, il revient à Paris pour l’exposition « 5/5, Figuration libre, France/USA » au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris. Quatre de ses oeuvres sont présentées et il pose sa  signature sur un monte-charge et dans l’escalier qui mène à l’étage de l’ARC. Le 20 décembre,  il se rend à la station Alma Marceau voisine du Musée. Le MAM négocie alors avec la RATP et Keith Haring dessine alors sur un panneau 4×3 laissé vierge. Sa grammaire noircit bientôt l’affiche, dans un enchevêtrement de formes. En mémoire à cet épisode cet été, la station s’est habillée avec les dessins de l’artiste.

Lignes et formes, le langage de Keith Haring

Ce qui étonne dans le dessin de l’artiste c’est la simplicité du trait et des couleurs. La ligne est le plus souvent épaisse, la forme ronde et sympathique, et la couleur est appliquée en aplats. « Je peins de manière spontanée les formes de couleur puis applique directement les lignes noires, de manière tout aussi spontanée, en relation avec les formes de couleurs (et souvent en m’en inspirant) ».

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Son geste se devine dans la précision de ses traits mais aussi dans l’action. On perçoit le mouvement vital qui anime chacune de ses formes, qui semblent, même dans l’enchevêtrement et dans la saturation de l’espace, avoir une existence propre, une autonomie. Les coulures qu’il s’autorise dans ses dessins effectués à la bombe sur des bâches en vinyle, en témoignent.

Pour lui le dessin est une expérience. Il dit alors « Le dessin n’est pas purement aléatoire, c’est comme, non pas un entraînement mais une expérience, des strates d’expériences qui se sont développées jusqu’à un état où l’on ne sait où on va. Une de mes citations favorites est cette phrase de Louis Pasteur à propos du hasard qui ne favorise que les esprits préparés. Il s’agit de savoir et de ne pas savoir ».

On discerne le mouvement souvent dansant de ses formes, qui reflète son admiration pour la danse, et dans l’utilisation de ses couleurs flashy et phosphorescentes, elles répondent à la fois à la mode des années 1980, au monde la nuit, et permettent à Pierre Sterckx de qualifier sa peinture « d’écranique ». Il entend par là des images couvrantes qui répondent aux codes visuels diffusés par la télé. Images sans matière qui résultent de balayages linéaires.

Fourmillantes de symboles, il exprime dans ses images, ainsi ses craintes et ses convictions : la possibilité d’autres mondes (soucoupes volantes), son goût avide pour la vie (danseurs, sexes), sa crainte de la mort (les tombes, croix, champignons atomiques)… Il procède alors par le remplissage de l’espace d’expression, jusqu’à saturation. Pour cela, il emploie souvent la répétition et la juxtaposition de ces symboles et de ces formes. On y voit soit la disjonction soit la réitération. Le cheminement vers le sens est toujours foisonnante et très subjective. Car les messages sont perçus par chacun dans un ordre différent.

Keith Haring pose aussi la question de l’achèvement de l’œuvre « Le dessin est achevé dès lors où tu commences avec le premier trait. Il y a des endroits où tu peux arrêter le dessin et le déclarer comme terminé jusqu’à ce que le temps et l’espace soit eux-mêmes  terminés. Il y a toujours un nombre infini de choses que tu peux ajouter à la composition, le problème est de savoir quand s’arrêter. Je choisis quand m’arrêter mais mon travail n’est à la fois jamais et toujours terminé »

Universel et foisonnant, son univers est d’une grande richesse d’interprétation et de découvertes. L’angle politique proposé dans l’exposition permettait aussi d’avoir une bonne vision de la société et de l’époque à laquelle l’artiste a vécu, comme un témoignage empli d’une énergie vitale inextinguible.

Exposition terminée :
Keith Haring au Musée d’art moderne de la ville de Paris
11 Avenue du Président Wilson
75116 Paris

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