ALORS que les représentants du personnel de l’usine Goodyear d’Amiens sont appelés à signer, aujourd’hui, l’accord proposé par la direction, à savoir la modernisation du site moyennant le passage à une organisation de travail en 4×8, certains salariés confient que leurs conditions de travail se sont fortement dégradées. Et elles ne semblaient pas déjà des meilleures auparavant.
Cédric et Jérôme travaillent à la préparation des pneus. Selon eux, la production a fortement chuté. « En un an et demi, on a baissé la quantité de pneus de 22.000 à 15.000 par jour. »
L’équipe de Jérôme s’est réduite. « Sur cinq gars, ils ne sont plus que deux. »
Conséquences : « On nous fait travailler dans tous les secteurs. On est aussi devenus des techniciens de surface », ironise-t-il. « Il y a beaucoup de nettoyage, alors on nous demande de balayer puisque la production a baissé, il faut bien qu’ils occupent notre temps. »
Selon ces salariés : « Même l’entretien des machines n’est plus fait, et sur nos paies ils oublient toujours quelque chose. »
Un climat qui se serait fortement dégradé depuis que leur direction a proposé le passage aux 4×8. « Tout est fait pour nous dégoûter. Ils font pression pour nous faire peur. »
« Ça manque de maintenance »
Des pressions qui engendrent des tensions à l’intérieur de l’usine entre les salariés.
Ces derniers voudraient enfin connaître leur sort, si l’usine devait ou non disparaître, si des licenciements devaient avoir lieu.
« C’est trop long. Les gens en ont marre. Entre les ouvriers, il y a parfois de petits accrochages. Il n’y a plus de matériel, ça manque de maintenance. Les mécanos qui partent ne sont pas remplacés. En magasin, le stock est à zéro, il n’y a même pas un boulon, ni une courroie. Quand il y a une panne, ça gueule de tous les côtés. On fait des pneus qui ne sont même pas bons, qui partent au rebut. Les machines ont 25 à 30 ans. »
Le calvaire des gueules noires
Et ces salariés de reconnaître que les plus à plaindre sont encore les « banbury », en clair ceux qui travaillent la gomme. « On les appelle les gueules noires ou les dragqueens à cause du noir de la gomme qu’ils ont jusque dans les yeux. » L’un d’eux, Thierry, témoigne. « Dès le matin, on respire les odeurs, la poussière, la silice, le carbone. Ça ressort par les pores. C’est noir, c’est crade.
C’est comme si on travaillait dans une cave. »
A l’heure du déjeuner, ces hommes sont encore recouverts de cette suie noire à l’image des mineurs d’autrefois. « On n’a pas de douches pour aller manger et on a que trente minutes de pause pour casser la croûte. » Les douches, c’est plus tard. « Trente minutes minimum pour s’en débarrasser. »
Et pourtant, ces 150 salariés environ de Goodyear représentent « la pièce maîtresse de l’usine car il faut que ça sorte et car toutes les usines ne font pas de gomme partout ».
Aujourd’hui, les salariés de Goodyear se disent écœurés. « Il y a dix ans que la direction aurait dû investir. Cette usine, ils veulent la fermer », pensent-ils.
Accord signé ou pas au jourd’hui, ces salariés veulent tout simplement connaître leur avenir.