Bouddhas immenses, ceux que l'on voit de loin, au détour d'une colline.
Bouddhas imposants qui trônent dans les temples, et vers lesquels se lèvent les mains jointes des prières silencieuses.
Bouddhas qui brillent, comme celui de Jing'An, au centre de Shanghai (photo), ceux ornés de fleurs; en pierre, en jade.
Bouddhas, petits, patinés en série, qui s'alignent sur les tables des brocanteurs et antiquaires, à côté de rangées de Mao en céramique.
Bouddhas ventrus, facétieux, rouges ou verts toniques, que l'on achète dans les boutiques branchées de Dashanzi 798 à Pékin, étonnant ensemble d'usines et d'entrepôts de style Bauhaus devenus ateliers de porcelaine, d'art contemporain, galeries, décor idéal pour installations éphémères et autres séances de mode.
Il y a aussi les bouddhas que l'on découvre, par hasard, tard le soir, au milieu d'une ruelle mal éclairée, sur un petit autel, tout de rouge et d'or.
Il faut délaisser les temples où se pressent les touristes, atmosphère de kermesse, photographies envahissantes, curiosités guidées. Ou alors, en profiter pour se perdre dans les petits passages, longer les bâtiments principaux, surprendre une conversation sans visage sortie d'une pièce sombre, humer l'odeur d'une soupe de nouilles, oser enjamber le seuil d'une grande salle déserte où pendent des rubans rouges, des ex-voto, des souhaits avoués au divin, des offrandes de fleurs et de fruits.
Avoir surtout la chance de se trouver dans la cour d'un temple, à l'heure bleue, quand le soleil décline et dore les murs ocres; quelques enfants rient, des hirondelles tracent des vrilles dans la pureté du ciel. De rares visiteurs, deux étudiants américains d'origine chinoise qui veulent savoir la traduction d'une phrase en français... On essaie de lancer un ou deux yuans dans le réceptacle de fer forgé au milieu d'une cour en faisant un voeu, on allume des bâtons d'encens dans les flammes vives d'un grand chaudron, on se concentre dans la fumée odorante pour prononcer à voix basse, un peu maladroitement, encore un voeu en forme de prière, et puis on les plante au milieu des autres en continuant à les regarder brûler de loin.
Tout est calme, sérénité, harmonie et respect. L'instant rare et parfait. Un peu de temps en suspens.