Le peloton Charlie, envoyé en « mission de paix » en Afghanistan, rassemble des soldats de tous les horizons. Encadrés par un colonel vulgaire, un capitaine austère et d’adjudant René, ils vont être confrontés au danger, à l’hostilité, à la chaleur, à l’inconfort, à la rébellion du corps humain et au désœuvrement à l’intérieur d’une base avancée, bastion fantomatique au milieu du désert. Mais aussi à eux-mêmes : à leurs craintes, leurs démons, leur passé qui les rattrapent.
Ce roman nous immerge au cœur du désert afghan en compagnie de militaires Italiens en mission de protection. Notre regard extérieur découvre le quotidien d’une base militaire confrontée aux conditions climatiques difficiles (chaleur extrême, intempéries), aux périodes d’attente interminable et au stress intense qui exacerbe les émotions tant positives que négatives. La tension presque constante réveille les comportements primaires et l’on assiste, impuissants, aux humiliations verbales ou physiques, aux coups bas.
Certains chapitres sont également l’occasion de s’attarder sur la vie personnelle de ces militaires, avec leurs hauts et leurs bas. Parce que la vie de famille peut parfois s’apparenter à un champ de mines. Entre les chamailleries avec Madame, l’arrivée d’un enfant non désiré ou le décès d’un proche à gérer, certains militaires choisissent de ne pas revenir au pays mais de poursuivre leur mission, histoire de ne pas affronter ces difficultés qu’ils maîtrisent moins bien que l’art de la guerre.
Habituellement, je n’apprécie pas spécialement les récits de guerre, mais l’auteur nous immerge dans le microcosme particulier que constitue un bataillon armé en mettant l’accent sur les êtres humains qui se cachent sous les cuirasses. Et on se prend d’affection pour ces militaires, du casse-pied de service au jeunot pour qui c’est la première mission, en passant par la seule femme du peloton qui n’évite pas les remarques sexistes.
Et quand cette « mission de paix » tourne au cauchemar, c’est toute une section qui pleure ses morts, nous emmenant dans le convoi pour nous faire vivre de l’intérieur toute la difficulté de la manœuvre.
Le corps humain est donc un roman de guerre. Mais quel rapport avec le titre, me direz-vous ? En fait, l’air de rien, il est pas mal question d’anatomie dans ce texte. On y parle de maladies diverses et de leurs conséquences, des besoins sexuels des militaires éloignés de leurs fiancées pendant plusieurs mois, de la promiscuité qui empêche toute pudeur… Mais le « corps humain » peut s’entendre comme l’ensemble des militaires qui forment une famille, un groupe soudé où, malgré les vacheries, l’amitié et l’entraide priment. Parce certains sont prêts à se sacrifier pour sauver leurs compagnons…
Un roman intéressant, dont on sort enrichi, et qui donne envie de découvrir les autres romans de l'auteur.
Lecture réalisée dans le cadre de l’opération On vous lit tout organisée par Libfly et Furet du Nord.
Le corps humain – Paolo Giordano – Seuil – 2013