Sous la lumière

Publié le 26 août 2013 par Gentlemanw

Etrange néon, celui qui toute le nuit, sans raison réelle, éclaire cet abri de bus, d'une lumière fade, continue dans la noirceur environnante. Le béton luit sous ces rayons si bruts.


Et je suis là, seule, avec deux gros sacs, mes trésors, ma vie entière, je suis étendue sur le banc, mon lit pour cette soirée d'été, pas trop froide, pas trop chaude. L'endroit est calme, à la sortie de la ville, proche de cette zone commerciale, vide durant le week-end. Silence avec quelques bruits, des rapaces nocturnes, quelques grillons égarés en concert, rien de plus, un vide humain qui m'absorbe. C'est ainsi, l'espèce humaine génère des instants géniaux, des techniques, des flux, des machins et des trucs, mais finalement d'un côté elle se nourrit trop, jette trop et même produit trop, de l'autre, elle crève de faim, elle gratte la terre, elle pollue, elle attend rien de plus. Un décalage gros comme le non-sens de cette putain de société. Elle m'a mangé, puis recraché, pas digérable, ainsi je suis devenue une chose immonde, une personne invisible, sans adresse, sans lien, sans nom peut-être.

Misérable paradoxe d'un animal intelligent qui maîtrise, ou tente de le faire, son environnement, crée à volonté mais n'est plus capable de nourrir et choyer ses membres dans sa propre famille, avec un seul dieu, l'argent. Cette immatérielle valeur qui passe devant les mots "respect", "partage", "nourrir", "manger", "vivre ensemble", "soigner", "avoir un toit". Tout est devenu un acte payant, sauf encore de respirer. Alors je me gonfle de l'air, je le prends, je le rends, je le reprends sans limite.

Première saison, fin de vacances, dans mon agenda sans référence, sans rien à faire, sans existence, sans vacances en fait. Je n'ai plus de contact, plus de moyen de contact avec ma petite famille, je suis dans la rue, depuis trois mois. Soleil, petits boulots rarement, faim plus souvent, je cherche un but, je me recroqueville, et puis je tends la main.


Hier l'église, demain le secours populaire, je cache ma honte, ma féminité devenue misère pour pousser les portes, pour ne plus avoir faim. Ce soir, je suis là sous ce néon, face à cette publicité qui m'ensorcèle, des vêtements féminins, des modèles bronzées, une autre dimension.

Suis-je vivante dans un monde hostile ?

La beauté est-elle abstraite ?

Pourquoi survivre ici ?

Nylonement