J'ai toujours eu un peu de mal avec cet auteur. Je me suis lancée dans un micro marathon pour ne pas me mettre des barrières, pour m'offrir éventuellement un sésame qui me permettrait d'entrer dans l'univers balzacien...
La première partie m'a bien plu avec toute l'esthétique de la rencontre amoureuse entre Grandville et Caroline : un coup de foudre silencieux et réciproque chez ces deux personnages que tout semble opposer. Le roman me plaisait jusqu'à ce que survienne la rupture chronologique expliquant le titre. Cette seconde partie moins romanesque, plus historique, plus satirique représente tout ce que je déteste chez Balzac.
La double famille , c'est le portrait d'un homme qui mène une double vie dont chaque pan demeure l'opposé exact de l'autre. A une extrémité, on a la pauvre Caroline présente au début du roman qui représente la chair, le plaisir, le bonheur et à l'autre tenant, on retrouve Angélique dont le nom évoque les anges et le paradis, et qui s'avère être l'allégorie de la religiosité poussée à l'extrême, la pureté, la richesse, l'abnégation. Balzac montre l'envers et l'avers de la vie de la vie quotidienne de Grandville.
Le manichéisme de Balzac est fort en symboles et intéressant dans l'analyse de l'existence humaine, mais j'aime les nuances et j'en trouve rarement la trace dans son œuvre.
Je reste reléguée une fois de plus de l'univers de cet auteur...
Hormis la scène de guerre ennuyeuse, bien que nécessaire, ce récit est intéressant. Cela ne m'a pas percutée mais c'était une lecture agréable. Deux chasseurs le Marquis d'Albon et lebaron Philippe de Sucy rencontrent une femme étrange. Philippe croit reconnaitre la comtesse Stéphanie de Vandières dont il était tombé amoureux et que la guerre avait séparés. Après quelques investigations, il apprend qu'il s'agit bien de Stéphanie de Vandières mais elle a changé : elle a perdu la mémoire, l'usage de la parole et toute humanité. Elle est réduite à se comporter comme un animal qu'il doit désormais apprivoiser. Il cherche à la retransformer en humaine, en recréant la scène de leur séparation. Le stratagème pore ses fruits mais à quel prix...
Le récit de Balzac anticipe la psychanalyse freudienne en développant les thèmes de la mémoire, de l'hystérie (ici nommée folie), de l'inconscient (conçu ici comme le traumatisme). Balzac annonce également la démolition de l'être humain, l'animalisation, qui auront cours au siècle suivant.
Je commence à m'habituer à l'auteur.
La maison du chat qui pelote.
Le thème central de cette nouvelle est le mariage (arrangé ou non). Monsieur Guillaume, un négociant, est marié avec une femme au physique peu avantageux dont il parle en ces termes :
" Mademoiselle Chevrel n'était pas belle, elle n'a cependant pas à se plaindre de moi. Fais donc comme moi. [...] Il y a toujours moyen de se tirer d'affaire. " Avec cette femme, il a deux filles : Augustine, belle, fraîche et âgée de 18 ans ; et Virginie de dix ans son aînée qui ressemble à sa mère, c'est dire si la nature ne l'a pas épargnée. Joseph Lebas, commis de Monsieur Guillaume et orphelin, tombe amoureux d'Augustine. Mais, le père veut le marier avec Virginie dans la mesure où il ne conçoit pas que la cadette se marie avant l'aînée.Les portraitssont finement ciselés et pour le moins décapants. La cruauté des propos de Guillaume sont d'une drôlerie sans pareil : pour lui, le mariage arrangé on s'en arrange dans la mesure où il y a toujours l'adultère pour sauver l'homme.
Parallèlement, Augustine rencontre un peintre Théodore de Sommervieux. Le coup de foudre entre les deux est immédiat. Il décide de peindre la jeune fille inspiré par elle et l'amour qu'elle fait naître chez lui. Il expose la toile lors d'un Salon. L'amour du peintre pour sa muse est alors révélé au grand jour. Le couple semble prêt pour le mariage et les parents accordent à Théodore leur cadette.
Balzac va alors analyser les deux existences des sœurs dans sa conception toujours manichéenne : la laide qui épouse un pauvre et destinée à mener une vie médiocre, peu épanouissante ni gratifiante alors que la jolie cadette épouse un noble et va mener une vie riche, trépidante basée sur le bonheur.
Cependant, la rupture au sein du couple heureux ne va pas tarder à se faire sentir : Augustine et Théodore n'ont aucun point commun, ils ne sont pas issus de la même catégorie sociale, leur niveau est différent, et l'éducation et l'instruction lacunaires d'Augustine vont faire obstacle à l'harmonie du couple. Augustine est belle, c'est tout. Elle gonfle l'ego et la vanité de son époux lorsqu'il daigne la sortir ; mais, elle demeure une coquille vide dont l'ignorance n'a d'égal que " l'impropriété de son langage et l'étroitesse de ses idées ". Il la délaisse, la trompe, l'humilie. Le bonheur et la superficialité du début laissent place au malheur et à la solitude. En revanche, Virginie mène une vie médiocre mais est épanouie, son mari veille sur elle. La passion entre ces deux-là n'était pas immédiate ni fulgurante comme entre son beau-frère et sa sœur. Il s'agissait d'un mariage arrangé et non d'amour, pourtant le couple semble en harmonie et heureux. Et, il tient la distance.
Balzac dépeint bien un portrait au vitriol de l'artiste libertin plus intéressé par l'art que par la vie, qui cherche la beauté en permanence et n'accepte pas la dégradation de celle-ci. On a aussi une vision pessimiste et cynique de l'amour et du mariage. Balzac analyse avec brio le rapport homme femme au sein du mariage et définit le mariage et ses déconvenues. Il lutte contre les illusions, les chimères que l'idée même du mariage engendre. La réalité est moins belle que cela.
Comme disait Guitry : " l'amour rend aveugle. Le mariage rend la vue ".
Ma nouvelle préférée de Balzac. J'attaquerai Le Colonel Chabert dans quelques temps. Pourvu que la porte ne se referme pas sur cette œuvre!!