C'était l'un des ateliers proposés, entre 2004 et 2010, par l'équipe pédagogique de l'école primaire Boucicaut (Paris, 15e), avec l'aide d'Yves Noat, chercheur au CNRS (Institut des nanosciences de Paris). Cette initiative - décrite dans un article intitulé "Des chercheurs en herbe à l'école Boucicaut" dans le numéro 33 de la revue Reflets de la physique de la Société française de physique - s'inscrit dans la continuité du projet La main à la pâte, lancé par le Prix Nobel Georges Charpak. Celui-ci avait proposé d'initier les enfants à la science non comme somme de connaissances à recevoir passivement mais comme démarche active. Il s'agit d'"amener les enfants à se questionner sur un thème choisi, puis [de] lesaccompagner dans une démarche réflexive et expérimentale pour tenter de trouver et d'élaborer leurs réponses".
Tout commence avec une question. Par exemple : "Qu'est-ce que le son ?" Pour y répondre, les enfants sont invités, lors de séances hebdomadaires, à produire des sons de différentes natures. Après la phase expérimentale en petits groupes vient le temps de la mise en commun, avec une discussion pour dégager une synthèse et si possible un début d'explication. Ensuite c'est le passage à l'écrit, qui permet de travailler aussi la rédaction.
Au fil des expériences, les enfants arrivent à saisir l'origine du son, avec le concept de vibration. Ils peuvent d'ailleurs en faire l'expérience directement en touchant la lame d'un xylophone. Avant d'arriver à cette conclusion, les enfants ont pu enrichir leurs connaissances en remarquant que "le son se déplace, se disperse, rebondit" et qu'"il a quelque chose à voir avec l'air". Dans un autre atelier, les enfants se confrontent à la notion de mesure du temps et de l'espace et découvrent le concept d'étalon. Il s'agit de la durée d'une chanson très courte, joliment appelée "Canard". Lors des expérimentations, les enfants ont tenu des cahiers d'expériences, avec croquis, commentaires et hypothèses.
L'objectif avancé par l'équipe est d'aller vers une école plus humaine et plus créative. Avec beaucoup de respect pour tous ceux qui s'impliquent dans l'éducation à tous les niveaux, il faut constater que l'organisation actuelle de l'enseignement et les programmes ne vont pas forcément dans ce sens. Or le meilleur aiguillon de l'apprentissage est l'envie de connaître et de comprendre.
L'école doit aussi être le lieu où cette dimension peut éclore. De plus, la démarche expérimentale permet de développer la faculté d'observation et d'abstraction, la rigueur et une certaine dose d'esprit critique. Ce sont des acquis fondamentaux dans tous les domaines de l'activité humaine. Il faudrait réfléchir à la façon de développer, et même de généraliser, ces partenariats entre chercheurs et équipes pédagogiques.
En guise de conclusion, je vous laisse avec la question posée par les auteurs de ces ateliers : "Une vie de l'esprit en marge du fonctionnel et de l'utilitaire n'est-elle pas nécessaire, y compris à l'école, en tant que contrepoids au sein d'une société ultra-matérialiste ?"
Marco Zito, Physicien des particules, Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives
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