Chaissac, Dubuffet : correspondances

Publié le 25 août 2013 par Pantalaskas @chapeau_noir

Les expositions du musée de la Poste à Paris s’appuient très naturellement sur la correspondance postale. Pendant près de vingt ans, les peintres Gaston Chaissac et Jean Dubuffet ont échangé quatre cents quarante huit lettres. L’exposition « Chaissac Dubuffet, entre plume et pinceau » présente les œuvres croisées des deux artistes pendant cette période.

Echanges

Articulée sur ces échanges de lettres, l’exposition s’arrête bien sûr à la mort de Chaissac en 1964. La confrontation entre les deux œuvres  aura lieu à distance, les deux hommes ne se rencontrant qu’après dix huit ans d’échanges épistolaires. Malgré la grande différence entre les deux personnalités, entre Chaissac le cordonnier rural de Vendée et Dubuffet fils de bourgeois aisé, il fallait des préoccupations de fond  incontournables pour sceller ce lien d’écriture.
Chaissac est l’artiste sans limites, faisant œuvre de tous matériaux : un outil de jardin, une souche, le couvercle d’une lessiveuse…Je revoyais encore récemment dans le village de Saint Florence sur l'Oie en Vendée, les toilettes de l'ancienne école précieusement conservées avec les dessins de l'artiste.  L'école est devenue un espace d'art à sa mémoire : la « Boîte à sucre bleue ». Cet espace  propose une immersion dans l’univers interprété du peintre Chaissac. Il ne s’agit pas là d’un musée regroupant des œuvres, mais bien d’un lieu de transposition picturale de la réflexion d’un artiste sur le travail d’un autre artiste. Chaissac est le mauvais élève qui se délecte des fautes d’orthographe. Il est le cinglé du village, regardé encore davantage de travers lorsque devant l'incompréhension générale, la Perception la plus proche lui fait parvenir de l'argent pour ses services rendus à l'art. Cet art de Chaissac peut accepter  bien des qualificatifs: rural, paysan, sauvage, primitif. Dubuffet intégrera Chaissac à l'Art brut avant de revenir sur cette attribution. On sait que les échanges entre les deux artistes se développaient parfois sans ménagement l'un pour l'autre, un "lien passionnel" suivant l'expression employée par Philippe Dagen dans "Le Monde".

Sans titre Gaston Chaissac 1961

Michel Ragon a été le témoin de ces relations. Chaissac lui écrivait également régulièrement et ne cachait pas à ses humeurs :
"Je déplore que Dubuffet, avec tout son talent, se cantonne dans les bonshommes sous prétexte que les airs de flûte arabe, sur deux , trois ou même encore une seule note, sont charlants à son oreille et à son coeur. N'est pas bicot qui veut." (1948)

Correspondances

Dans l’exposition du musée de la Poste apparaissent avec force les éléments formels, parfois totalement abstraits d’une œuvre à laquelle la maladie et la  mort de l’artiste mettront un terme définitif. On ne peut s’empêcher d’observer qu’après 1964, l’œuvre de Dubuffet s’enrichira du « système » Chaissac, avec l’Hourloupe puis la déclinaison plus générale de son travail. Par sa vocation, l'exposition du musée de la Poste, arrêtée en 1964, ne montre pas ces créations de Dubuffet.

Jean Dubuffet Jardin d'émail, 1968-1974 Rijksmuseum Kröller Müller

L'emprunt,  nous dit-on, a été réciproque. On peut seulement observer que la courte vie de Chaissac a laissé le champ libre à Dubuffet pour prolonger seul cette déclinaison.
L'oeuvre à venir de Dubuffet, après la mort de Chaissac,  témoigne de ces correspondances.

Chaissac-Dubuffet, entre plume et pinceau
Musée de la Poste
27 mai - 28 septembre 2013