Mon réveil a sonné, ce matin-là, à 4 h 30. J’ai voyagé dans un des premiers RER du jour, attendu sur le quai de la ligne 14 le départ du premier métro, pris une correspondance à la station Madeleine. Descendu par l’emmarchement situé au pied du Musée d’Orsay sur les Berges de Seine. A 6 h, le soleil n’était pas encore levé et la voix de Eun-Hye Jung est montée du fleuve. Pendant une trentaine de minutes, cette voix heurtée raconte les préparatifs de l’astre qui va éblouir la lune et l’effacer du ciel. Mais ce n’est pas encore tout-à-fait le moment. Elle passe le relais à Rocío Molina qui l’attend sur les marches de la passerelle, comme si elle venait de l’autre rive, messagère de l’aube. Son pas nous entraîne sur un plancher équipé de micros qui vont souligner les glissés, répercuter les frappes, tandis que ses mains dessinent les courbes de son corps de vestale, drapé dans un vêtement qui laisse passer la jambe affirmant son ancrage au sol. Battent les pieds, les cœurs, les mains quand elle emporte définitivement la nuit autour de sa taille et nous la suivons jusqu’à un agrès blanc et courbe d’où tombe une corde noire. Chloé Moglia y monte lentement et soudain le soleil est là, sur son visage. Nos regards se sont progressivement élevés depuis que nous avons pris place au bord de la Seine. L’acrobate détache la corde et nos yeux ne vont plus la quitter, tenue en équilibre en haut de cette tige, approchant le vol des oiseaux qui traversent le ciel matinal, tournant la tête pour un camion passant sur la chaussée, pour un bébé s’éveillant parmi le public, pour recevoir du jour les premières lueurs vives et voir, de là-haut, l’horizon de la ville qui s’éveille, surprise.
J'ai vu ce spectacle dans le cadre de Paris Quartier d'Eté 2013.