« Je ne comprenais rien à la vie de famille. J'ignorais que l'on pouvait aimer ses parents, ou qu'ils pouvaient vous porter assez d'amour pour vous autoriser à être vous-même. »
Née en Angleterre en 1959, Jeanette Winterson a connu le succès dès la parution de son premier roman, Les oranges ne sont pas les seuls fruits (réédité aux Éditions de l'Olivier en 2012). Couronnée de prix, elle devient une figure du mouvement féministe. Ses romans baroques, ses essais, notamment sur l'identité sexuelle (Le Sexe des cerises ou Powerbook), ont imposé sa voix singulière dans la littérature britannique.
Le fait de n'avoir jamais lu un livre de Jeanette Winterson ne m'a pas empêchée de me plonger avec fascination dans cette biographie sans complaisance aucune. En revenant sur son parcours, l'écrivaine analyse, avec profondeur et lucidité, les faits, les failles, les conséquences.
De nombreux passages m'ont touchée et cette lecture me restera longtemps en mémoire. Le personnage de Ms Winterson, la mère toxique et maltraitante de Jeanette, est digne d'un roman de Dickens. Il m'a captivé. Si vous rencontrez quelques problèmes avec votre mère, lisez-ce livre et vous vous direz que la vôtre a fait de son mieux.
L'autobiographie est pudique, féroce, d'une grande force. S'il est parfois glaçant de s'imaginer son enfance, Jeanette Winterson y apporte beaucoup de distance, d'humour et la capacité à aborder de nombreux sujets sur un ton dénué d'amertume. La complexité de la relation mère fille, l'adoption, la maltraitance, l'apprivoisement de la vie et de sa sexualité. Ambitieux, rythmé, résilient. Chapeau bas !
Points, 259 pages, 2013, traduit de l'anglais par Céline Leroy
Extraits
« Il m'a fallu beaucoup de temps pour comprendre qu'il existe deux types d'écriture ; celle que l'on écrit et celle qui nous écrit. Celle qui nous écrit est dangereuse. Nous allons là où nous ne voulons pas aller. Nous regardons là où nous ne voulons pas regarder. »
« J'ai demandé à ma mère pourquoi nous ne pouvions pas avoir de livres et elle a répondu : "Le problème avec un livre, c'est qu'on ne sait jamais ce qu'il contient avant qu'il ne soit trop tard... »
« Si la poésie était une bouée de sauvetage, alors les livres étaient des radeaux. Dans mes moments les plus fragiles, je tenais en équilibre sur un livre, et ces livres m’ont portée sur des marées d’émotions qui refluaient en me laissant trempée et anéantie ».
« J’ai eu besoin des mots parce que les familles malheureuses sont des conspirations du silence. On ne pardonne jamais à celui qui brise l’omerta. Lui ou elle doit apprendre à se pardonner. »
« Du coup, quand les gens disent que la poésie est un luxe, qu'elle est optionnelle, qu'elle s'adresse aux classes moyennes instruites, ou qu'elle ne devrait pas être étudiée à l'école parce qu'elle n'est pas pertinente ou tout autre argument étrange et stupide que l'on entend sur la poésie et la place qu'elle occupe dans notre vie, j'imagine que ces gens ont la vie facile. Une vie difficile a besoin d'un langage difficile - et c'est ce qu'offre la poésie. C'est ce que propose la littérature - un langage assez puissant pour la décrire. »
Lu et aimé également par Cathulu, Aifelle, Clara, Dasola, Un autre endroit...
(J'annonce les sorties poches des livres que j'ai
aimé, celui-ci a déjà été chroniqué ici)