L'idée du labyrinthe découla peut être de l'exploration des cavernes et des gouffres, de la contemplation des fleuves, de leurs méandres et de leur réseau d'affluents, de la traversée des forêts.
Les Tibétains ont imaginé une forme particulière de labyrinthe, le mandala, image complexe faite de cercles et de carrés, de chemins et d'impasses. On rencontre le labyrinthe dans des cavernes indiennes aussi bien que dans les catacombes romaines, à Postumia, près de Trieste. Les fondations de l'Acropole d'Athènes comme celles du tombeau d'Auguste, à Rome, épousent elles aussi le modèle du labyrinthe .La figure se perpétue ainsi depuis les temps préhistoriques jusqu'au Moyen Âge, où les labyrinthes se retrouvent dans les églises et les cathédrales, plus tard dans les jardins et les jeux dont le plus connu et le plus populaire est le Jeu De L'oie.
Les détours par diverses pistes du sens permettent d'approcher le labyrinthe comme métaphore et modèle ,ce qui est le propos ici. Comme les digressions au cours d'un exposé, les détours peuvent égarer et faire perdre le fil. Il appartient à qui veut avancer de dérouler et d'enrouler sa pelote attentivement.
« Aveugle suis, ne sais où aller doye ;
De mon bâton, afin que ne fourvoye,
Je vais tâtant mon chemin çà et là ;
C'est grand pitié qu'il convient que je soye
L'homme égaré qui ne sait où il va ! » Charles d'Orléans.
Le moi est labyrinthe :Personne ne sait vraiment qui il est, personne ne sait ce qu'il accomplit.Les propositions identitaires sont multiples et nous devons tant bien que mal nous accommoder de l'être que nous sommes, du nom qu'on nous donné, des accidents biologiques et psychologiques qui le composent, des péripéties que nous octroie l'existence ;légendaire « loterie de Babylone » toujours selon Borges. Les définitions ne manquent pourtant pas, elles sont courantes, mais personne ne se contente d'être un électeur ou un contribuable, ni même le descendant de sa famille ou l'être que chacun est au quotidien. Ainsi écrit l'auteur argentin « je suppose déjà qu'il y a un deuxième être en moi qui s'accommode du premier ; si je suis conscient de ces deux êtres, cela veut dire qu'il y en a un troisième, capable d'envisager la présence distincte des deux premiers... et ainsi de suite jusqu'à l'infini. »
Nous sommes parfois face à l'évènement ; rupture dans l'ici et maintenant inquiétante étrangeté freudienne ou Horla selon Maupassant.(hors là, par opposition à être la !). le cinéma de Hitchcock, comme dans « Fenêtre Sur Cour » montre comment peut s'ouvrir une bifurcation de l'existence, émergence d'autres espaces insoupçonnés que celui familier : le réel montre ainsi des coudes, se ramifie et parfois d'une façon aberrante qui défie notre logique habituelle.
Devant une difficulté épuisant tout choix, naît une écoute inaccoutumée. Une sensation plus fine, le montage d'un drame, d'une machine qui pousse le philosophe à percevoir autrement. On y éprouvera des émotions peu communes, des affects qui nous entraînent au bout du possible, sur une limite, une frontière supérieure à celle que rencontre habituellement notre regard très indifférent. « Problème » et « sensation » sont liés : on ne peut faire de la philosophie sans percevoir et éprouver, sans affects qui, devant des singularités, réclament de nouvelles manières de sentir.
rationnelle et ne saurait se laisser situer entre les genres de l'Etre. Maupassant nomme ces événements étranges horla (un mot qui exprime ce qui est hors là, par opposition à l'être-là).
C'est donc comme si tout ce qui était présent me rendait incapable de revenir à mon foyer, comme si j'étais détourné du «ici et maintenant » par un coude, ou encore par une abomination très différente de celle qu'on peut définir et situer selon ce qui « se contente à' être là ». On ne demandera donc jamais à quel «être» référer le bouleversement, sachant que l'Etre lui-même se laisse bouleverser, révulser hors de lui, hors de ses gonds. Devant un événement ou une promesse à accomplir, on ne saurait jamais dire « ce que c'est » exactement, parce qu'on va oublier, que cela vient de passer, de se passer en modifiant toutes nos espérances, en chamboulant nos attentes. L'événement sera si fort que « l'être » ne pourra en témoigner, tout ayant bougé selon un dynamisme que le philosophe est le seul à épuiser, éprouvant la cruauté de ce qu'on «plutôt que de ce qu'on est. Voilà qui annonce une nouvelle plus inquiétante encore de Lovecraft, « L'Abîme du temps », quand le sommeil nous fait entrer dans un espace communiquant avec des époques anciennes - ou à venir - et des portes qui conduisent vers d'autres univers »Jean Clet Martin. Deleuze. Ed De L'éclat
Le labyrinthe fait place ainsi à l'idée d'épreuves, de difficultés rencontrées dans le cheminement.
Pour Jacques Attali, suivant en cela toute une tradition, religieuse, mystique maçonnique et philosophique, de tels labyrinthes sont des Chemins Initiatiques De Sagesse, répondant aux angoisses de l'existence, dont celle de la mort
Plus généralement, le labyrinthe représente à la fois le souvenir du premier voyage d'un nomade, et l'universelle angoisse de l'homme devant le dernier voyage, celui de la mort. Il l'aide à se raconter à lui-même son propre destin, son espoir d'atteindre un idéal avant la fin du voyage, par la force, la foi, la connaissance ou bien seulement par la patience face à l'adversité. Il lui permet de visualiser et de rendre concrètes sa défense contre le mal, sa protection contre la mort, la fragile frontière qui sépare la vie de l'au-delà, donc de se ménager un accès à l'immortalité, à l'éternité
il décrit dans le même temps le parcours de toute initiation et permet de transmettre ce savoir aux générations suivantes.
Le labyrinthe raconte d'abord un voyage. Il ne faut pas s'en étonner : il exprime avant tout la sagesse laissée par les nomades en legs aux sédentaires. Dans le désert, en forêt, les premiers avancent, reculent, tournent, reviennent sur leurs pas, se perdent, désespèrent. Leurs identités se forgent au long de ce périple sans autre but que survivre.
Chaque homme peut ainsi dériver, se perdre à jamais, regrettant d'être entré dans la vie, d'avoir été\ poussé de force - expulsé -dans le labyrinthe de l'existence, hors de celui, protecteur, de l'utérus. Une fois né, l'homme sans défense, sans repères, se lance, plein d'espoirs et de craintes, dans le désert, sur la mer, en forêt, lieux semés d'embûches, de pièges, d'écueils ou d'ennemis. Contraint d'avancer par les nécessités de la survie, il erre, s'égare, à la merci d'une tempête, d'une crevasse, d'un ravin, d'une avalanche, d'une avancée de glacier, d'un ouragan, d'une bête féroce, d'une tribu hostile. Sans cesse il appréhende de voir se fermer la route devant, de se perdre à en mourir, en même temps,il se devine tout près du but. Jacques Attali. Chemins De Sagesse. Fayard
Il ne faut pas comprendre le labyrinthe, dans sa forme classique comme égarement dans un lieu dont on ne trouve pas la sortie, mais d'abord un cheminement dans un sentier tortueux.
Ce labyrinthe est contradictoire, à la fois terrifiant et rassurant. On est perdu et on est sûr d'arriver à la sortie ; l'entrée et la sortie sont proches et c'est le cheminement de l'une à l'autre qui est éloigné. Le labyrinthe classique délimite un extérieur et un intérieur, isole du dehors, murs, haies végétales ou simple lignes ; on est donc « à l'abri ». De tels labyrinthes peuvent donc servir de protection : le Nom De La Rose montre un lieu et une époque où le savoir est interdit ou filtré et de ce fait à l'abri derrière les murailles d'une forteresse, renforcée par un labyrinthe intérieur. Le mythe de Dédale ,lorsque celui-ci résout le problème du fil dans un coquillage en colimaçon ,marque la proximité du labyrinthe avec la coquille, source d'un imaginaire protecteur en particulier chez Bachelard (Poétique de l'Eespace)
Pour éviter les confusions il faut suivre Umberto Eco dans la classification qu'il propose à propos du labyrinthe(ici du savoir). Cette classification synchronique peut se dérouler en une diachronie, épouser la forme d'une histoire, le rhizome caractérisant par exemple le monde et la pensée contemporaine,au lieu que les labyrinthes « cnossien » ou maniéristes restent ceux des mythes grecs, des récits traditionnels, comme ceux des églises et des jardins.
Selon l'auteur,Le labyrinthe de la mythologie grecque(Cnossos) est un labyrinthe « unicursal », dont le parcours, de l'entrée au centre, ne compte pas d'impasse.
Il existe enfin Le labyrinthe en « rhizome » (concepts développé par Deleuze) .Un réseau entrelacé et infini de voies dans lequel tout point est connecté à divers autres points mais où rien n'empêche l'instauration, entre deux nœuds, de nouvelles liaisons, même entre ceux qui n'étaient pas reliés avant ; il ne délimite pas d'extérieur et d'intérieur..(les « songs lines » des Aborigènes du désert central australien en sont un illustration, on y reviendra). Une structure en rhizome change sans cesse de forme, contrairement au labyrinthe classique
« Il importe évidemment de s'entendre sur le concept de labyrinthe, puisqu'il en existe trois sortes). Le labyrinthe classique, dit de Cnossos, est unicursal : en y entrant, on ne peut qu'atteindre le centre, et du centre, on ne peut que trouver la sortie. Si on «déroulait» le labyrinthe unicursal, il nous resterait dans les mains un unique fil, ce fil d'Ariane que la légende présente comme le moyen (étranger au labyrinthe) de sortir du labyrinthe lui-même( Du reste, pour que cette affaire ait un intérêt, il faut un Minotaure dans ce labyrinthe, étant donné que le parcours (au-delà de l'égarement initial de Thésée, qui ne sait pas quelle sera sa fin) conduit toujours là où il doit conduire (et ne peut pas ne pas y conduire).
Le deuxième type de labyrinthe, maniériste, ou Irrweg, propose des choix alternatifs. Tous les parcours mènent à un point mort, sauf un, qui mène à la sortie
S'il était déroulé, il aurait la forme d'un arbre, d'une structure à impasses (sauf une). On peut y commettre des erreurs, mais on est alors contraint de revenir sur ses pas ..
Le troisième type de labyrinthe est un réseau, dans lequel chaque point peut être connecté à n'importe quel autre point).
Comme chacun de ses points peut être connecté à n'importe quel autre point, et que le processus de connexion est aussi un processus de correction continue des connexions, sa structure pourrait toujours être différente de ce qu'elle était un instant auparavant, et chaque fois, on pourrait le parcourir suivant différentes lignes. Celui qui s'y aventure doit donc apprendre aussi à corriger sans cesse l'image qu'il s'en fait, qu'il s'agisse d'une image concrète de l'une de ses sections (locale) ou d'une image régulatrice et hypothétique concernant sa structure globale (inconnaissable, tant pour des raisons synchroniques que diachroniques).
Un réseau est un arbre auquel il faut ajouter des couloirs infinis connectant ses nœuds. L'arbre, en devenant multidimensionnel, prend la forme d'un polygone, d'un système de polygones interconnectés, d'un immense « mégaèdre ». Mais cette comparaison est encore trompeuse : tandis qu'un polygone, lui,a des limites externes, le modèle abstrait du réseau n'en a pas.
J'ai proposé ailleurs le rhizome comme Métaphore du modèle-réseau (Deleuze et Guattari 1976). point du rhizome peut être connecté à n'importe quel autre de ses points ; il n'y a pas, dans le rhizome, de points ou de positions, mais uniquement des lignes - cette caractéristique est pourtant discutable, puisque chaque intersection de lignes rend possible la mise en évidence d'un point ; le rhizome peut être rompu et reconnecté en chacun de ses points : le rhizome est antigénéalogique (ce n'est pas un arbre hiérarchisé) ; si le rhizome avait un extérieur, il pourrait produire avec lui un autre rhizome, par conséquent il n'a ni dedans ni dehors .. on ne fait pas de description globale du rhizome, ni dans le temps ni dans l'espace ; le rhizome justifie et encourage la contradiction : si chacun de ses nœuds peut être connecté à n'importe quel autre nœud, alors de chaque nœud, on peut arriver à n'importe quel autre, mais des processus en hop peuvent aussi se produire ; on fait toujours, et uniquement, des descriptions locales du rhizome ; dans une structure rhizomatique dépourvue d'extérieur, toute vision (toute perspective) provient forcément d'un de ses points intérieurs qui, comme le suggère Rosenstiehl (1979), est un algorithme myope, au sens où toute description locale tend vers une hypothèse pure et simple sur la globalité du réseau. Dans le rhizome, penser signifie se déplacer à tâtons, c'est-à-dire de manière conjecturale…. »Umberto Eco.De L'arbre Au Labyrinthe.Grasset
Voyage initiatique, représentation de la vie et de la mort, exploration dangereuse, substitut dans les cathédrales du pèlerinage chrétiens, image de la ville ou ornemention végétale dans les jardins , carte amoureuse du Tendre comme figures de danse et jeu enfin (comme les jeux de ficelle ou le jeu l'oie), rhizome et réseau enfin, le labyrinthe est ainsi un puissant symbole ou archétype(terme à préciser et à discuter).Il a inspiré des œuvres littéraires aussi importantes que diverses : Joyce , Kafka, Borges ou Italo Calvino. Aragon et tout le surréalisme.
Marcel Brion dans un livre consacré à Léonard De Vinci et dans une perspective religieuse et mystique soutient ainsi que le labyrinthe naît de l'union de deux éléments très fréquents dans toute expression figurative : l'un qui serait fermé, « pessimiste , « maléfique » : l'entrelacs; l'autre ouvert, optimiste, généreux : la spirale
« Pour le voyageur qui pénètre dans le labyrinthe, le but est de parvenir à la chambre centrale, la crypte des mystères. Mais, lorsqu'il l'a atteinte, il doit en sortir et revenir au monde extérieur, c'est-à-dire parvenir à une nouvelle naissance : tel est le contenu de toutes les religions des mystères et de toutes les sectes qui considèrent le voyage dans le labyrinthe comme le processus nécessaire des métamorphoses d'où sort l'homme nouveau.
Ce qui distingue le labyrinthe (quel que soit son aspect)... c'est la combinaison d'impasses qui ne permettent aucune sortie et de bifurcations où le voyageur doit perpétuellement choisir sa route parmi les nombreuses options qui se présentent à lui. En d'autres termes, d une part des voies qui ne laissent pas de responsabilité de choix, car au bout du chemin que l'on croyait très long on se heurte vite à un mur, et d'autre part des croisements qui assurent notre liberté et notre indépendance, liberté lourde et dépendance dangereuse, car désormais l'obstacle sera créé par notre choix et non plus imposé par le destin ».
J.Attali, dans l'ouvrage déjà cité, résume en quatre points ce que pourrait être la signification symbolique, rattachant l'émergence de la figure aux origines du nomadisme. L'histoire du labyrinthe, en particulier du moyen Age chrétien aux jardins de la Renaissance, puis aux jeux, à la complexité urbaine et aux réseaux cybernétiques serait pour l'auteur, une lutte entre les lignes courbes et la droite, l'unicité et la complexité.
le site de Cl.Jeanmart:http://www.claudejeanmart.com/Travaux-KAFKA-DEVANT-LA-LOI,228,1,fr,f1.html
« Que signifie alors le dessin d'un labyrinthe ?
« Il raconte une histoire. Jamais la même, plus ou moins gaie ou tragique, plus ou moins Complexe selon la position du but à atteindre, la difficulté des choix, la multiplicité des entrées et des sorties, la présence ou l'absence d'impasses. En général, il raconte l'histoire d'un voyage, rappel du nomadisme des premiers groupes humains ..
On peut dès lors distinguer successivement quatre significations du labyrinthe :
Dans les toutes premières civilisations, nomades ou sédentaires, où la mort est un voyage, le labyrinthe raconte d'abord l'histoire du passage vers l'au-delà, du rituel funèbre. Comme il est le meilleur symbole graphique du parcours, il présente une « carte de l'au-delà ». Une fois qu'il y est entré, le défunt y reste enfermé, à la fois pour être tranquille et pour ne pas pouvoir revenir ennuyer les vivants. « C'est le chemin de la maison des morts», l'image du crépuscule, le château en spirale où le Soleil-roi divin se Retire après sa mort et d'où parfois il revient », voyage du mort vert la Terre-Mère. C'estdurant ce voyage que se décident, par une exacte et respectueuse conformation au rite, la survie de l'esprit du mort et sa renaissance dans l'éternité. De même que celui-ci doit vaincre les obstacles placés sur son passage par les dieux et les autres esprits, de même place-t-on un labyrinthe à l'entrée d'une maison ou en divers autres emplacements pour se protéger de leur retour.
Puis, en bonne logique, un troisième sens s'instaure : toute épreuve, tout sacrifice, toute victoire sur un monstre, toute conquête d'un trésor constituent une initiation « inconsciente ou consciente, et donc une expression de la condition humaine ». Celui qui a traversé le labyrinthe est devenu un initié, il entre dans une nouvelle vie. De fait, dans de nombreuses civilisations, les cavernes servaient ainsi de lieux d'initiation : les jeunes y entraient anonymes et en resurgissaient adultes, dotés d'un nom, nouvellement nés au groupe, membres à part entière de la collectivité.
Au total, tous les mythes du labyrinthe racontent d'une façon ou d'une autre cette quadruple histoire : un voyage, une épreuve, une initiation et une résurrection. Tous relatent la mort promise du héros, son sacrifice, sa découverte d'un secret initiatique, sa transfiguration.
Voilà pourquoi les labyrinthes permettent de comprendre la façon dont chaque civilisation a décrypté les secrets de la vie, de la mort,de la création du monde et de l'identité de l'homme. ».
Les labyrinthes gravés sur des sols d'églises sont ainsi des cas particuliers des développements précédents : Outre dœdalus, on les nomme parfois aussi « chemin de Saint-Jacques », « chemin de Jérusalem », ou encore « prison de Salomon », « méandre », ou enfin « lieue », car il fallait, disait-on, le même temps pour le parcourir à genoux qu'à un homme debout pour marcher une lieue
Ces labyrinthes n'ont qu'une seule voie qui traverse un espace géométrique sur un seul niveau clairement tracé. Le voyageur pour parcourir cette voie, doit se laisser conduire. Il n'est pas prévu, dans ce tracé, qu'il ait à choisir et à improviser.
Dans un monde où règne l'ordre féodal avec ses « hauts-lieux », châteaux, villes ou abbayes, clos derrières les murailles circulaires, la simple errance est vue avec méfiance et vite réprimée : les lépreux sont chassés de partout et les bandes d'illuminées, taxées d'hérétiques.
De nombreux fidèles, pour cause de maladie, de pauvreté ou autre, ne pouvaient même pas entreprendre ces voyages moins périlleux : c'est alors que, par une démarche intellectuelle typiquement médiévale et appliquant de la façon la plus concrète l'acception symbolique de la « pérégrination empêchée », on pensa à construire sur le sol des cathédrales un parcours qui, sur une surface circonscrite, contient un chemin concrètement et symboliquement long et trompeur : c'est ainsi que naquirent les labyrinthes des églises. Le centre était évidemment Jérusalem; le tracé lui-même fut appelé « chemin de Jérusalem » .
« Car l'Europe se met en marche.
Des hommes âgés, malades, déambulent interminablement à travers l'Europe, désert mystique, pour prendre leur part d'une souffrance rédemptrice, se trouver et se purifier en allant vers la lumière. Comme les vrais nomades d'autrefois, ils sont dans l'incertitude : la mort peut être à chaque tournant du voyage. Ils n'ont pas d'itinéraire prédéterminé, seulement un but au terme d'un itinéraire toujours vague, parsemé de haltes justifiées par la visite d'un lieu saint plutôt que par l'hébergement ou la logique du trajet. Ce but est d'abord le plus proche sanctuaire à reliques, puis Jérusalem et le Saint Sépulcre, puis Saint-Jacques de Compostelle, surtout quand la Terre Sainte devient inaccessible. J.Attali .op.cité
(A SUIVRE)