Lam et Césaire : Annonciation

Publié le 23 août 2013 par Aicasc @aica_sc

Wifredo Lam
Annonciation
Façon langagière
Eau Forte et aquatinte
1969 Impression 1982

Annonciation est le second opus co – signé par Aimé Césaire et Wifredo Lam. La genèse de leurs  deux œuvres communes est originale et chaque fois différente. C’est Wifredo Lam qui prend l’initiative de l’illustration, de la traduction et de  l’édition de Retorno al païs natal (voir l’article Quand Lam Illustre Césaire … ) Mais c’est Wifredo Lam qui sollicite Aimé Césaire pour que ce dernier compose les poèmes qui accompagnent ses gravures. Bien que le porte-folio ait été édité en 1982, quarante ans après Retorno al païs natal, la conception des dessins préparatoires des eaux – fortes et aquatintes a commencé bien des années auparavant, dès 1968.

Par la suite, dans l’atelier italien, Grafico Uno,  de Giorgio Upiglio, Lam  a reporté le dessin à l’aide d’un pinceau enduit d’essence de lavande sur une plaque de cuivre enduite d’un vernis protecteur au bitume, selon une technique plus souple que celle dite «  au sucre ».  La lavande dissout le bitume, mettant à nu le tracé. La plaque est ensuite plongée dans un bain d’acide, du perchlorure de fer, pour une morsure plus ou moins profonde du cuivre. Après le tirage des lignes intervient la mise en place de la couleur.

Les gravures d’Annonciation mettent en scène une sarabande endiablée grandes silhouettes blanches désarticulées dans des compositions complexes et dynamiques aux lignes directrices multiples qui laissent une impression de rumeur, de fracas, de tumulte, de tohu – bohu, de vacarme.

C’est la ligne qui définit la forme sur des fonds sobres et sombres, bruns ou gris.

Les signes emblématiques de l’univers plastique de Wifredo Lam habitent cet univers fantastique d’une inquiétante étrangeté : petit masque rond et cornu, losange, seins généreux et croupes rebondies, membres longilignes, mains et pieds surdimensionnés, formes acérées : pics, sagaies, flèches, appendice phallique en guise de menton, œuf de Shango  le dieu du tonnerre et de la foudre

Ils s’articulent l’un à l’autre, dit Jacques Leenhardt, selon la logique ironique du joueur de dés. Jamais ils ne se recomposent comme on l’imaginerait, la tête, la femme, le masque rond avec ses cornes, l’oiseau, la tête de cheval, et puis encore le masque, l’oiseau, la femme et à l’infini encore. (1)

Je ne cherche pas à utiliser une sémiologie précise dit cependant Wifredo Lam. Je ne conçois pas non plus mes compositions en fonction d’une tradition symbolique mais toujours à partir d’une émotion poétique.

Wifredo Lam
Annonciation
Que l’on présente son coeur au soleil
Eau forte et aquatinte
1969 Impres. 1982

Dans un article de 1946, Aimé Césaire écrivait : Wifredo Lam, le premier aux Antilles a su saluer la liberté. Et c’est libre de tout scrupule esthétique, libre de tout réalisme, libre de tout souci documentaire, que Wifredo Lam tient, magnifique, le grand rendez- vous terrible : avec la forêt, le marais, le monstre, la nuit, les graines volantes, la pluie, la liane, l’épiphyte, le serpent, la peur, le bond, la vie. (2)

 

Dominique Brebion

(1)Jacques Leenhardt, Wifredo Lam in catalogue Gravures de Wifredo Lam, Beijing, Shangaï , Hangzhou, Guangzhou 1991

(2) Aimé Césaire, Wifredo Lam, Cahiers d’art  n°21- Paris 1945-1946