Restaurant Laurent

Par Gourmets&co

Restaurant Laurent par Patrick Faus

: cuisine banale

: cuisine d’un bon niveau

: cuisine intéressante et gourmande

: cuisine de haut niveau… à tous les niveaux

: cuisine exceptionnelle

… il faudrait parler de tous les plats tant chacun dans son style est remarquable …

Il faudrait faire une pétition. Ou une supplique. Une menace. Une mise en demeure. Ou simplement et sereinement demander des explications rationnelles et non rationnées au Guide Rouge qui nous rend rouge de colère lorsqu’il maintient contre l’évidence même une seule étoile au chef ultra talentueux qu’est Alain Pégouret. D’autant qu’il est au mieux de sa forme physique, intellectuelle et surtout culinaire !

Les preuves ? À plusieurs reprises cette année, en déjeuner ou en dîner, en toutes saisons, au froid et au doux, par pluie et par soleil, en prévenant ou par surprise, avec des gens chaque fois différents qui tous furent unanimes : Alain Pégouret mérite largement deux étoiles au Michelin. Il suffit, discrètement, de le comparer à certains deux étoiles parisiens dont nous tairons le nom mais suivez notre regard !

La preuve ? Un repas très récent, magnifique de bout en bout, empli de saveurs et de chaleur, précis, chaleureux, net, imaginatif, à la technique remarquable… bref, un repas tout simplement délicieux et enchanteur.

Dans la carte d’été superbe et tellement appétissante, il faudrait parler de tous les plats tant chacun dans son style est remarquable. Alors, au hasard, ou à l’envie :
Incontournable, éternelle Fine tarte feuilletée aux tomates anciennes (de Joël Thiébault, le maraîcher des grands chefs) servie tiède, qui revient tel un phoenix chaque été pour notre
plaisir.
Géniale Bouillabaisse froide, pommes de terre, fenouil au basilic. Une assiette magnifique à la vue et au goût, puissante, iodée, où le chef nous transporte dans sa région du bord de la Méditerranée l’espace d’un instant magique.
Subtilité et finesse des saveurs avec cet Œuf de poule façon cocotte, girolles, mousseline d’artichauts.
Un magnifique Tronçon de turbot nacré à l’huile d’olive, bardes et légumes verts dans une fleurette iodée. Cuisson au millimètre (pas de sous-cuisson molle ici), délicate crème légère iodée qui fait le pont entre le vert (petits pois, céleri, etc.) et le poisson.
Un plat du jour ? Unique ! Un Saint-Pierre d’anthologie, saisi à souhait pour sortir les goûts, coulis de tomates, légumes et herbes en verdure.
Pour ne pas passer pour le président du fan club du chef, une petite réserve sur le Cabillaud rôti à l’olive noire, tomates mi-cuites au basilic, crème de caviar d’aubergine. Un plat presque rustique, l’olive un peu trop présente, et une aubergine un peu fade, juste une question d’équilibre…
Dessert génial que le Sablé aux fraises, espuma au Bugey-Cerdon (voir rubrique « G&Co Aime – Plat de la semaine ») du chef pâtissier Rémi Sendin, comme l’aérien Soufflé chaud au thym-eucalyptus.

Carte des vins hallucinante, mise au point par le génial Philippe Bourguignon, directeur du restaurant et homme du vin hors pair (voir article sur son livre « L’accord parfait » dans la rubrique «Culture-Livre »), choix pertinent de vins au verre, service au-delà du remarquable, un homme ou une femme politique presque à chaque table (ce jour-là, Jacques Attali et plus loin Yamina Benguigui), et la plus belle terrasse de Paris. Sans oublier les délicieuses Feuilles de palmier offertes aux dames à la sortie. Le talent, la classe naturelle, l’exigence dans le don du plaisir. Laurent comme on l’aime… passionnément.

Alain Pégouret : le déclic, les influences, le Michelin…
Rencontre avec Gourmets&Co

Quel est le plat qui a le plus de succès cet été ?
Un nouveau plat. Les Pinces de tourteau décortiquées, nappées d’un beurre monté citronnée. J’y ajoute de l’enoki (champignon japonais), des girolles, des pâtes à l’encre de seiche, et du thym en fleur. C’est vraiment un joli plat. Je suis sûr de le remettre l’année prochaine. Je n’aime pas trop la cuisine éphémère. Malgré tout, à chaque saison, je change environ 60% de la carte ce qui est énorme. Il me faut 8 à 10 plats nouveaux à chaque fois !

Vos saisons préférées pour la cuisine ?
L’été bien sûr puisque j’exprime mes origines de soleil et de chaleur. J’aime l’automne aussi car j’ai des souvenirs de mes parents qui faisaient les Relais & Châteaux à la saison de la chasse pour manger les meilleurs gibiers ! Chaque année, je mange un perdreau à la mémoire de mon père…

Le déclic cuisine chez vous ?
Mon père allait au restaurant tous les midis, soit au Negresco, au Moulin de Mougins ou autres grandes tables de la Côte d’Azur. De temps en temps, il venait me chercher à l’école pour m’amener à sa « cantine », l’Oasis chez Louis Outhier. Un trois étoiles à l’époque ! J’aimais toutes ces ambiances, le décor, le service, les plats incroyables car ma mère n’était pas très bonne cuisinière. J’ai commencé à penser à rentrer dans ce monde. J’avais 14 ans.

Puis un jour, j’ai vu à la télévision Jacques Maximin en train de préparer son fameux Tian de légumes avec l’agneau, devant le Negresco. Je me suis dit c’est bon, j’y vais ! J’ai commencé à acheter des livres de cuisine et j’ai encore dans ma chambre aujourd’hui, La Cuisine du Marché de Paul Bocuse que j’ai … dévoré.

Première maison ?
Moulin de Mougins, chez Roger Vergé. Très vite, j’ai voulu travailler dans des maisons en dehors de ma région pour me confronter seul au travail et ne connaître personne. J’ai fait l’hôtel Nikko à Paris, et comme je le voulais je suis rentré un an plus tard au Jamin chez Robuchon. Puis, le Crillon de Christian Constant pendant huit ans.

Des personnes qui vous ont marqué et tiré vers le haut ?
Roger Vergé. Je me souviens d’aller avec lui sur le petit port du Suquet attendre les barques de pécheurs, voir ces poissons magnifiques et lui me dire « On va faire la soupe de poissons avec ça, à midi… » On trouve des produits superbes à Paris mais pas comme ça. Joël Robuchon qui m’a métamorphosé à tous les niveaux. Christian Constant, mon père spirituel.

Votre espoir pour l’avenir ?
La transmission d’une cuisine faite intelligemment car quand j’engage un jeune qui a été formé à la cuisine d’assemblage, il n’a plus de repaires. Il ne sait pas quel goût a une vraie bouillabaisse, par exemple. Il faut réapprendre tout ça. Après, on peut emprunter d’autres chemins, mais d’abord apprendre et savoir de quoi on parle. Pour moi, mon rêve serait d’avoir une belle maison dans le sud, un peu comme Jacques Chibois, à Grasse.

Une frustration ?
En 2007, lorsque l’on a perdu la deuxième étoile, j’en ai profité pour retravailler la cuisine et les plats. Ce fut presque un mal pour un bien. Aujourd’hui, le Michelin, ça fait trois ans qu’ils ne m’ont pas revu. Je ne veux plus en entendre parler. On se dit parfois qu’ils exagèrent vraiment. Je trouve ça dommage. Mon père avait le Michelin partout, à la maison, dans la voiture. C’était pour lui, puis plus tard pour moi, un repaire. Aujourd’hui, c’est devenu un guide commercial qui fait plaisir à un tel, qui veut en lancer un autre, etc… Alors que Laurent bouge sans arrêt, on change nos cartes, on sort, on va à l’étranger, on travaille… Je déteste la routine. Franchement, je ne comprends pas.

Le Laurent
41, avenue Gabriel
75008 Paris
Tél : 01 42 25 00 39
www.le-laurent.com
info@le-laurent.com
M° Champs-Elysées Clémenceau
Voiturier
Fermé samedi midi et dimanche
Menu du Pavillon : 90 € (3 plats)
Menu de Saison (pour la table) : 175 € (5 plats)
Carte : 170 € environ