L’homme d’affaires, Gaétan Frigon, a publié aujourd’hui-même, dans le quotidien québécois La Presse, un article fort intéressant au sujet de la situation des librairies au Québec. Nous avons reçu l’autorisation personnelle de sa part de reprendre cet article sur ce blogue et dans le réseau du Bottin international des professionnels du livre. Gaétan Frigon a été tour à tour vice-président marketing de Metro-Richelieu, vice-président, distribution, du Groupe Québécor, vice-président marketing de l’Imprimerie Transcontinental, président de la SAQ, fondateur des entreprises Scriptum Communications, Golfotron inc et Publipage.
Toujours actif au sein de Publipage et de Golfotron, Gaétan Frigon maintient un blogue (www.gaetanfrigon.com) sur lequel on retrouve notamment les différents articles qu’il a écrit au cours des années, lesquels ont pour la plupart été publiés dans La Presse. De plus, Gaétan Frigon a été choisi pour être un des 5 dragons de l’émission Dans l’œil du dragon de Radio-Canada (version québécoise de Dragons Den, laquelle est en ondes dans 22 pays différents).
Gaétan Frigon : Libraires, regroupez-vous!
D’entrée de jeu, aussi bien le dire clairement : je suis contre un quelconque contrôle des prix pour les livres, tout simplement parce qu’il ne s’agit pas de la solution à long terme. C’est comme vouloir mettre un diachylon sur une plaie géante. La véritable solution se retrouve dans les regroupements, comme cela s’est produit dans les autres secteurs du commerce de détail, notamment en alimentation, en pharmacie et en quincaillerie. Retournons un peu en arrière.
Le Québec a longtemps été le royaume des épiciers indépendants. Il y en avait un presque à chaque coin de rue. Puis sont arrivées les grandes chaines corporatives, dont Steinberg et Dominion. Pris de panique, les épiciers indépendants ont tout d’abord convaincu les gouvernements successifs de mettre des bâtons dans les roues de ces nouveaux géants. C’est ainsi qu’on a vu apparaître un prix minimum pour le pain, le but étant d’empêcher Steinberg qui possédait sa propre boulangerie, de vendre son pain à 0,15$. Le gouvernement a également empêché ces grandes chaînes corporatives de vendre de la bière, du cidre et du vin, comme si cela empêcherait les consommateurs de faire leur « Steinberg ».
Pensez-vous une minute que cela a sauvé les épiciers indépendants? Absolument pas. Ce sont les regrou- pements qui les ont sauvés. C’est à cette période qu’on a vu naître les Provigo, Metro et IGA de ce monde. Un épicier qui voulait réussir se devait d’appartenir à un de ces groupes. Et ils ont tellement bien réussi que ce sont eux qui ont fait disparaitre les Steinberg, les Dominion et les Marchés Union qui, pourtant, faisaient la pluie et le beau temps. C’est un peu la même chose au niveau des pharmaciens. En connaissez-vous aujourd’hui qui ne sont pas affiliés à Jean Coutu, Pharmaprix, Uniprix, Brunet, Familiprix ou Proxim? En quincaillerie, Rona a été la bouée de sauvetage de la plupart des indépendants qui, dans le temps, devaient affronter le géant Pascal. Aujourd’hui, Rona est bien vivant alors que Pascal n’est plus qu’un souvenir dans la mémoire des plus vieux.
Du côté des librairies, mis à part les grands comme Renaud-Bray, les regroupements sont encore à venir. Pourtant, le temps est venu pour que les librairies indépendantes du Québec se regroupent sous une ou deux bannières, car leur survie à long terme en dépend. En étant membre d’une bannière, la librairie indépendante aura une vision standard, un agencement standard et une publicité standard. La recette du succès passe par là et non par un quelconque contrôle des prix, car cette solution est éphémère. Le contrôle des prix n’a jamais remplacé la discipline de groupe comme moteur de survie et de développement. Cela est vrai autant en librairie qu’en alimentation.
En alimentation, Costco, Walmart (et bientôt Target) ne tiennent que les meilleurs vendeurs, qu’ils vendent souvent à des prix très bas, comme ils le font d’ailleurs pour les livres. Devant ce fait, les supermarchés conventionnels réagissent avec une plus grande sélection de produits et un bien meilleur niveau de service. Ils sont loin d’avoir abandonné la partie. Et je ne les entends pas se plaindre.
Alors, libraires du Québec, faites comme les épiciers indépendants, les pharmaciens indépendants et les quincailliers indépendants: cessez de craindre la compétition des grandes chaînes et faites-leur la barbe en étant meilleurs qu’eux.
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