L'Allemagne fait décidément beaucoup parler d'elle ces derniers temps... On apprenait en effet il y a deux jours que le Bitcoin, une "monnaie" électronique, vient d'obtenir un statut de monnaie privée en Allemagne, c'est-à-dire qu'il pourra être utilisé légalement pour les transactions. L'administration fiscale prélèvera au passage une taxe de 25 % sur les profits réalisés lors d’une vente en Bitcoins.
S'agit-il là d'une innovation révolutionnaire ou d'une fausse-bonne idée ?
Qu'est-ce le Bitcoin ?
C'est une monnaie électronique non régulée, conçue en 2009 par l'informaticien Satoshi Nakamoto, mais qui n'a de cours légal dans aucun pays. On pourrait donc la classer dans ce que je qualifiais de monnaies complémentaires dans ce billet de blog.
Le Bitcoin est présenté comme un système de paiement décentralisé, en ce sens qu'il ne nécessite aucun intermédiaire bancaire pour valider les transactions et aucune Banque centrale.
Comment fonctionne le système Bitcoin ?
Le système Bitcoin - qui fait partie du domaine libre - repose sur une chaîne de bloc, qui est un journal de transactions partagé et public. Il s'apparente ainsi à un système d'échange de fichiers du type peer-to-peer comme BitTorrent. Dès lors, tout utilisateur devra télécharger sur son ordinateur ce journal de transactions et se verra attribuer une adresse bitcoin protégée par une clé privée :
[ Source : Bitcoin.org ]
En pratique, un utilisateur peut obtenir des Bitcoins en les acceptant en tant que paiement pour une vente, ou en les achetant notamment sur une bourse d'échange en
ligne comme Mt.Gox (50 % des échanges mondiaux, contre
27 % pour Bitstamp et 11,2 % pour BTC-E). A terme, le système a été
conçu pour que le montant maximum de Bitcoins en circulation ne dépasse pas environ 21 millions d'unités :
[ Source : Bitcoin.fr ]
Tout cela semble très intéressant, mais à l'origine il a bien fallu créer les premiers Bitcoins et les distribuer. C'est là qu'intervient un processus appelé "minage", qui consiste à créer 25 Bitcoins et à les affecter à une personne (le "mineur") qui aura contribué à vérifier la validité des opérations en installant sur son ordinateur un logiciel spécifique à cet effet.
Ces mineurs sont donc rémunérés à mesure des calculs effectués, mais la forte concurrence entre ces personnes pour obtenir de nouveaux Bitcoins et la puissance très importante de calcul nécessaire, rendent le minage de plus en plus difficile sinon impossible.
Quel est le prix du Bitcoin ?
Bien qu'il existe des cours du Bitcoin contre les principales devises, les échanges se font à 80 % contre des dollars, 8 % contre des euros et 6 % contre des
renminbis. Rien d'étonnant donc à ce que le Bitcoin ait longtemps suivi les tendances du dollar, c'est-à-dire qu'il progressait lorsque les marchés étaient
baissiers. Mais suite aux annonces de super-Ben aux États-Unis, le Bitcoin semble
s'être détaché du sacro-saint dollar pour s'arrimer désormais à l'or, ce que Paul Krugman interpréte depuis plusieurs années comme une réintroduction de l'étalon-or dans notre système
monétaire.
Mais l'événement majeur s'est produit en avril 2013 :
Évolution du cours Bitcoin/Euro depuis octobre 2011
(Mt.Gox)
[ Source : Bitcoin.fr ]
Même sans connaissances particulières en finance, chacun aura compris que ce graphique montre l'explosion d'une bulle du Bitcoin ! Au printemps 2013, le Bitcoin a ainsi perdu plus 70 % de sa valeur. Que s'est-il passé ?
Tout d'abord, la crise chypriote battait son plein et les investisseurs, inquiets de voir leurs dépôts lourdement taxés, ont certainement cherché à convertir leurs euros en Bitcoins. Mais à mon avis c'est surtout la spéculation qui explique cette progression : la valeur du Bitcoin montait, donc certains se disaient qu'elle grimperait encore plus demain et qu'il fallait ainsi l'acheter aujourd'hui. Bref, la hausse était auto-entretenue jusqu'à ce que le retournement d'anticipation se produise et là... ce fut la catastrophe !
Pour mémoire, le Bitcoin avait déjà connu un mini-krach en 2011, lorsqu'il était passé de moins d'un dollar à 30 dollars avant de redescendre sous les 3 dollars !
Avantages et inconvénients du Bitcoin
Sur le plan pratique, quelques milliers de sites Web acceptent désormais les Bitcoins. L'utilisation du Bitcoin semble du reste assez simple et la gratuité des transactions est de mise. Une forme très avancée d'anonymat est également permise, ce qui n'est pas sans poser de problèmes. En effet, dans le monde réel, qui peut ignorer qu'anonymat rime avec blanchiment ? N'est-ce pas en particulier pour cette raison que les régulateurs financiers du monde entier s'intéressent de près à Bitcoin ?
De plus, il est bon de rappeler que des failles de sécurité existent, comme en témoignent les attaques menées sur la plateforme Mt.Gox en 2011. Les développeurs du système ont du reste annoncé la semaine dernière qu'il existait également une faille critique dans Android.
En limitant la création d'unités, le système Bitcoin est vu par certains comme non inflationniste, surtout en ces périodes où l'abreuvoir à liquidités financières est grand ouvert... C'est oublier un peu vite que l'effet de rareté crée nécessairement des comportements de spéculation. D'autres notent que la décentralisation du système permet d'éviter, selon un argumentaire très libéral, les politiques d'émission monétaire trop excessives ou à l'inverse trop restrictives. Pour ma part, j'ai tendance à me méfier des systèmes non régulés, car j'ai en mémoire une grande catastrophe qui a eu lieu en 2007 en raison notamment de l'absence de régulation...
Convertir son argent dans une devise expérimentale, électronique, dont la sécurité reste encore à améliorer et dont le prix est volatile est un jeu spéculatif, il faut le dire ! C'est pourquoi, Bitcoin reste à mon sens un actif à très haut risque qui ne s'adresse pas à Monsieur Tout-le-monde. Au reste, avec un brin de perfidie, je constate que lorsqu'un utilisateur veut échanger ses Bitcoins contre des euros par exemple, il devra attendre que de nouveaux utilisateurs rejoignent le système. N'est-ce pas précisément ce que l'on appelle une pyramide de Ponzi, escroquerie que le héros Madoff avait poussée à l'extrême ?
En définitive, il n'est déjà pas simple de piloter une monnaie unique comme le montre le naufrage de la zone euro, alors comment imaginer qu'introduire une monnaie concurrente sur Internet pourrait résoudre nos problèmes ?