Ce n'est pas encore la rentrée, mais cela n'a malheureusement pas empêché les ministres du gouvernement Ayrault de retrouver leurs activités normales. En quelques heures, c'est donc une déferlante de nouvelles consternantes qui nous sont offertes dans les médias, avides de sortir de leur morbide léthargie d'été.
Et dans leur précipitation à nous montrer qu'ils sont là, bien là, et entendent intervenir au maximum dans notre vie pour tout arranger, ces médias et ces politiciens se prennent assez vite les pieds dans le tapis.
À ce titre est assez magnifique le vol plané mémorable d'une Najat Vallaud-Belkacem qui déclare, frétillante d'aise et d'ingénuité, qu'on commence à voir les résultats de la politique de sécurité menée par Manuel Valls : même si les statistiques (pour lesquelles aucun doute ne pourra être émis, la cuisine mathématique qui est derrière ne pouvant être appréhendée par le commun des mortels) appuient confortablement la thèse de la porte-parlote du gouvernement en trouvant, commodément, que la violence physique aurait baissé en France, force est de constater que le timing de son intervention tombe admirablement bien avec l'actualité du moment où l'on apprend un treizième meurtre à Marseille.
Treizième meurtre qui, cette fois, déclenche le déplacement de Valls et Ayrault sur place, sans doute pour qu'ils assistent la police scientifique dans la traque des responsables. Tout semble indiquer qu'il s'agit d'un règlement de compte ; à l'évidence, l'homme de 25 ans, retrouvé criblé de balles, devait probablement faire partie de l'un de ces terribles cercles de Lotos-Bingos qui défraient la chronique locale et mobilisent la douane, le fisc et toute la police républicaine. On s'étonnera, au passage, que nos vaillants ministres se déplacent pour constater les problèmes de violence marseillaise alors qu'elle implique, ici, l'un de ces individus "connu des services de police" et on regrettera, par contraste, qu'ils n'aient pas daigné faire le même déplacement pour le 11ème meurtre, celui d'un type qui n'était pas, justement, "connu des services de police"...
Il semble donc qu'en France, l'absence de casier judiciaire vierge ouvre bien des portes, à commencer par celles des ministères (Ayrault en sait quelque chose).
Heureusement, la Garde des Sots, Taubira, est déjà dans les starting-blocks pour proposer une vraie solution. Pendant que le petit Manuel fera des moulinets impressionnants et des phrases pleines de fermeté afin de diminuer l'insécurité et la violence marseillaise, Christiane, elle, propose d'adoucir un peu l'ensemble du système carcéral français. Et elle a raison : avec les prisons françaises, dont la salubrité générale se rapproche de plus en plus de celle des prisons turques d'il y a trente ans, chercher à faire entrer moins de condamnés dans ces lieux de perdition physique et morale est tout à fait louable. Et si cela passait par une réduction des crimes sans victimes (comme l'évoque justement l'Iconoréac, confrère blogueur, dans un billet récent), j'aurais eu tendance à abonder. Mais bon, on parle ici de Christiane Taubira, l'indépendantiste guyanaise devenue ministre républicaine, surtout connue pour une vision très particulière de la justice.
Bien évidemment, cette mesure s'accompagne d'une réduction de peine pour les récidivistes, à la condition que les condamnés manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale. Réadaptation qui sera jugée, on s'en doute, avec la finesse et la pertinence qu'on connait déjà ; du reste, le ministère de la justice n'ayant pas de moyens supplémentaires pour construire des prisons, on le voit mal en obtenir pour avoir un moins mauvais meilleur suivi psychiatrique ou psychologique des détenus. La distribution de joyeuses permissions à des récidivistes promet d'être épique. Enfin, Taubira a elle aussi choisi d'accompagner le choc de simplification administrative en demandant une nouvelle fournée de motivations écrites diverses, à tous les étages des procédures pénales et des applications de peines, histoire, sans doute, d'alléger la charge et la paperasse de nos juges et des administrations correspondantes.
Le logement ? Problème réglé, pardi !
Fioraso a trouvé la parade contre les méchantes demandes de cautions que certains étudiants ne peuvent fournir, faute de parents solvables/responsables/présents/allez savoir. À présent, l’État prendra en charge les cas particuliers. Oui, l’État français, endetté à 1800 milliards d'euros, qui accumule de la dette comme certains Marseillais les empoisonnements au plomb de 9mm, qui a déjà prouvé maintes fois la pertinence de son intervention, notamment dans l'immobilier, l’État français va donc une nouvelle fois se poser entre le propriétaire et le locataire pour rendre la situation moins abrasive, plus éloignée de la réalité palpable. On imagine sans mal la réaction des propriétaires dont les locataires présenteront une telle caution : "C'est une caution fraônçaise, môssieu, c'est l'Etat fraônçais, c'est du solide, c'est du Made In Fraônce !"
Il n'y a évidemment aucun doute sur l'issue de cette initiative : subitement, des centaines de milliers de personnes vont se découvrir dans la situation idéale et remplissant les critères pour bénéficier de cette nouveauté. Comme d'habitude dans pareil cas, la ministre nous annonce 20.000 étudiants concernés en régime de croisière ; compte-tenu du track record calamiteux des gouvernants, on peut donc tabler sur 40.000 fin 2014, avec un taux de défaut nécessitant précisément la réalisation de la caution étatique probablement du double de ce qui était envisagé au départ. Le changement, c'est maintenant, et le fiasco locatif, c'est vraisemblablement pour fin 2014.
Et pendant que Geneviève continue de pousser un peu plus la France dans l'ornière boueuse, Michel Sapin y déverse plusieurs couches de béton frais pour faire bonne mesure : il frétille d'aise à l'idée d'atteindre, youpi tralala, les 100.000 emplois "d'avenir" (lire : "bidons") avant la fin de l'année, chiffre d'autant plus indispensable que l'inversion prophétique de la courbe du chômage prédite par Michel de Nostrhollande dépend totalement de l'effort consenti à créer ces postes artificiels. Chaque emploi d'avenir, massivement aidé, ne posera bien sûr aucun problème en terme de financement.
Ce qui autorise donc le patron de Sapin, un certain Pierre Moscovici, lui aussi malheureusement rentré indemne des vacances, à fanfaronner sur la lutte contre les déficits, pourtant abyssaux, qui grèvent quelque peu le budget courant et à venir. Baste, qu'à cela ne tienne : si, cette année, ce fut averse de prélèvements et économies inexistantes, l'année prochaine, on fera le contraire : économies rikiki et pluie de taxes et d'impôts ! Et voilà le travail !
Décidément, la fin d'année 2013 promet plein de surprises et de rebondissements. Et la déconstruction méticuleuse de ce qui reste de la France semble s'accélérer.
Et au fait ...
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