Une métamorphose iranienne - Mana Neyestani

Par Theoma

 

Le cauchemar de Mana Neyestani commence en 2006, le jour où il dessine une conversation entre un enfant et un cafard dans le supplément pour enfants d’un hebdomadaire iranien. Le problème est que le cafard dessiné par Mana utilise un mot azéri. Les azéris, un peuple d’origine turc vivant au nord de l’Iran, sont depuis longtemps opprimés par le régime central. Pour certains, le dessin de Mana est la goutte d’eau qui fait déborder le vase et un excellent prétexte pour déclencher une émeute. Le régime de Téhéran a besoin d’un bouc émissaire, ce sera Mana. Lui et l’éditeur du magazine sont emmenés dans la Prison 209, une section non-officielle de la prison d’Evin, véritable prison dans la prison sous l’administration de la VEVAK, le Ministère des Renseignements et de la Sécurité Nationale.

Alors que je craignais une lecture difficile, j'ai été capturée par le récit de Mana Neyestani et épatée par la subtilité avec laquelle il exprime son ressenti. Son histoire est terriblement saisissante, souvent surréaliste tant le point de départ est ridicule. La vie peu changer dans l'instant et il est facile de s'imaginer dans le peau du dessinateur, pris au piège d'un cauchemar kafkaïen.

La réussite de cet album réside aussi dans le choix de l'auteur de ne pas en faire un objet de revanche, aucune haine ni militantisme, des faits et le ressenti du moment, la description épurée du « plus rien ne sera comme avant »

Anxiogène, glaçant, Une métamorphose iranienne est une immersion dans la terreur du système totalitaire mais aussi une ode à la liberté d'expression. A découvrir.

Arte, ça et Là, 200 pages, 2012

dBD Award du meilleur album étranger 2012
Sélection Prix France Info 2013 de la bande dessinée de reportage

Extraits