Pas de Stupeur et Tremblements en version BD, ni de scoop sur la rentrée littéraire qui va bientôt débuter, mais juste un petit billet pour certains dépassé puisqu’il s’agit de romans parus en 2008 et 2012 : Le fait du prince et Barbe bleue.
En les piochant in extremis à la bibliothèque juste avant la fermeture pour congés d’été, j’étais loin de me douter qu’ils étaient tous deux rythmés par le son des flûtes et des bouchons.
Dans les deux romans à l’atmosphère d’opulence, l’ennui des gens ordinaires fait écho à l’oisiveté des êtres fortunés, alors qu’un/une plébéien(ne) goûte à la vie d’aristocrate ou d’agent secret, selon le cas. Personnages excentriques, prénoms improbables (Olaf et Sigrid, Elemirio et Deodato, Proserpine et Saturnine, en passant par Thérébenthine et Digitaline –pour ne citer que les meilleurs), situations absurdes et dialogues incongrus ponctués de mots d’esprit : vous l’aurez compris, c’est du Nothomb tout craché… une certaine dose d’éthanol en plus.
"On ne peut pas être alcoolique en ne buvant que du champagne".
"On n’a pas le droit de sombrer dans la mélancolie quand on boit cet élixir", cette "poussière de diamants" car “il y a un réconfort que seul le grand champagne procure”. "L’ivresse du champagne est un trésor"… À croire qu’Amélie Nothomb travaille pour le Syndicat Général des Vignerons de la Champagne !
Toujours aussi givrée que leur auteure, dans ces deux livres la formidable boisson est invariablement et quasi quotidiennement dégustée en couple. Et même si "le champagne est le meilleur repas", les hommes s’affairent souvent en cuisine pour alimenter ces dames qui détestent boire toutes seules.
A Versailles, petits plats simples : escalopes aux champignons et à la crème, salade fraise-mozzarella-basilic qui nous donne bien envie, viennoiseries de la boulangerie, sans oublier la pâtée pour le chat –baptisé Biscuit. En revanche, le cordon bleu du VIIème arrondissement propose homard, langoustines, zarzuela et caviar ; paupiettes, oeufs à toutes les sauces –en omelette, en crème sucrée ou brouillés–, admirable saint-honoré et cake aux fruits confits… Avec tout ça, vous reprendrez bien une petite coupe millésimée ?
"Ce divin nectar (…) aide à penser" mais "le corps humain possède une ligne de partage du champagne, géographie (…) à partir de laquelle le vin doré cesse de couler vers l’intelligence pour refluer en direction du grand n’importe quoi"… Confession d’une auteure sur ses méthodes de travail ? Car malheureusement, les deux ouvrages commencent plutôt bien mais, à mon sens, se dégradent vers la fin –surtout le premier. Faciles et rapides à lire, ils resteront néanmoins divertissants lors de vos trajets ou séances plage & farniente –surtout si vous risquez d’être interrompu(e) par vos enfants, neveux ou petits cousins.
Parfaite occasion pour déguster les récurrentes odes au "breuvage qui vous désaltérera et vous apportera de la joie et du tonus, qui répondra à l’appel de votre palais et vous exaltera, qui allégera votre vie, tout en vous rendant le goût." Il paraît même qu’"il y a un instant, entre la quinzième et la seizième gorgée de champagne, où tout homme est un aristocrate"… Et si on faisait le test ?
Lorsqu’on apprécie ce délice –qui ne peut se refuser !– et qu’on a les moyens de se faire plaisir, il est difficile de manquer d’inspiration pour trinquer. Si toutefois, vous ne trouviez pas de prétextes, buvez à la vie, aux belles rencontres… ou à la couleur de l’or ! "Une seule consigne : ne pas prendre de champagne rosé."