Eric Moussambani. Ce nom ne vous dit probablement rien, pourtant vous le connaissez certainement. Cet athlète africain fut l’un des grands acteurs des Jeux Olympiques d’été de Sydney en 2000. Il s’est illustré lors des épreuves de natation et plus particulièrement dans le 100 mètres. Paré d’un simple maillot de bain et de lunettes de travers, il réalise en 1 min 52 le 100 mètres le plus long; mais très certainement le plus courageux de l’histoire des Jeux Olympiques. Malgré les moqueries dont il a pu être l’objet, « Eric l’anguille » est l’un des symboles des valeurs des Jeux Olympiques, et l’une des figures du sport en Afrique.
« L’important est de participer »
« L’important est de participer ». Rarement ce propos de Pierre de Coubertin aura autant fait sens que lors de l’olympiade qui se déroule à Sydney en 2000. Un nageur débutant et sans la moindre technique obtient plus d’encouragements que l’idole de tout un pays, Jan Thorpe. Il s’agit d’Eric Moussambani, nageur de la Guinée Equatoriale.
Le nageur africain débarque à Sydney en n’ayant jamais effectué de 100 mètres de sa jeune carrière. Pire encore, il a appris la natation 8 mois avant les JO. La seule piscine dans laquelle il s’entraîne durant ces 8 mois n’est pas une piscine olympique (50 mètres). Il s’agit en fait d’une piscine d’une longueur de 20 mètres qui se trouve… dans un hôtel. C’est donc une grande découverte pour Eric qui va nager pour la première fois de sa vie dans un bassin olympique.
L’athlète de la Guinée Equatoriale se qualifie pour les Jeux Olympiques sans effectuer les minimas requis. Il reçoit une carte d’invitation du comité olympique remis à un certain nombre d’athlètes venant de pays démunis afin que ces derniers soient représentés. En effet, par leur manque de moyens, les pays pauvres n’ont généralement que très peu d’athlètes pouvant représenter leur couleur aux Jeux Olympiques. C’est ainsi que lors de sa série de qualification, Eric Moussambani est opposé à Karim Bare, d’origine nigérienne, et à Farkhod Oripov, représentant le Tajikistan. Ces nageurs ont tous trois reçus une wild card du comité olympique et sont très certainement à peu près dans la même situation qu’Eric Moussambani: il ne nagent que depuis peu, sont probablement amateur et nagent pour la première fois devant un public si nombreux.
Malheureusement, ils ne connaissaient peut-être pas non plus la règle du faux départ. En effet, un faux départ de ces deux concurrents les élimine de la course avant le départ. Eric Moussambani parcourra donc sa série seul dans la piscine olympique de Sydney.
Seulement, Eric n’a aucune tenue adéquat pour concourir et se voit dans l’obligation de porter son short d’entraînement dans la piscine olympique… Heureusement, deux athlètes décident de l’aider en lui mettant à disposition un slip de bain ainsi qu’une paire de lunettes.
1min52 secondes, nouveau record olympique
Portant un simple slip de bain et une paire de lunettes qu’il a beaucoup de difficulté à mettre correctement, il s’élance seul. Il sait que chaque encouragement, chaque mouvement de la foule lui sera destiné. Il n’est que peu difficile de comprendre la pression qui devaient se trouver sur les épaules de ce jeune homme de 22 ans. Effectuer 100 mètres pour la première fois de sa vie. Se donner pour simplement atteindre la ligne d’arrivée. Nager seul devant une salle remplie de connaisseurs, durant l’évènement le plus diffusé au monde, nager pour représenter sa patrie.
La course d’Eric Moussambani / commentaires télévisés français
A l’instar des commentateurs de la télévision française, qui n’arrivent pas à garder leur calme très longtemps, nombreux sont ceux qui se moquent de la prestation du nageur africain: « he will never do this » (Il n’y arrivera jamais) pour la télévision anglaise, ou encore « il va se noyer » pour les commentateurs français, les images de la performance du nageur font le tour du monde.
La tête hors de l’eau durant toute la durée de la course, une nage très peu académique, et un virage aux 50 mètres digne d’un débutant à la natation, le nageur africain termine sa course premier de sa série en 1min 52 secondes. Il est certes à des années lumières du record du monde de l’époque qui se situe aux alentours des 47 secondes, il est même au dessus des meilleurs nageurs de 200 mètres. Mais l’important est ailleurs.
On assiste à une image rare, on voit la détresse et la difficulté avec laquelle Eric Moussambani termine son 100 mètres. 25 derniers métres emprunts de douleurs. Il l’avouera lui-même après la course, les 50 derniers mètres de cette course furent les plus difficiles de sa vie.
« Les premiers 50 mètres n’ont pas été très difficiles, mais pendant les 50 derniers j’étais vraiment inquiet et je pensais que je n’allais pas finir la course »
Entre moqueries et respect
Toutes les valeurs des Jeux Olympiques sont représentées dans cette course. Eric Moussambani n’a aucune prétention de victoire ni de record du monde, mais simplement le bonheur de représenter son pays aux Jeux Olympiques. Il déclarera à la sortie de la piscine être « heureux » d’avoir terminé la course. Entre moquerie et respect, l’histoire d’Eric Moussambani ne laisse personne indifférent. Malgré les moqueries et les propos blessants, Eric Moussambani reste un exemple du sportif qui se bat pour les couleurs de son pays. A l’instar de Philippidès le messager grec, il lâche toutes les forces lui restant dans la bataille afin d’atteindre la ligne d’arrivée. Pas de technique, pas d’équipement, mais un courage extraordinaire. Malgré la douleur, les encouragements sans ménagement de la foule présente autour du bassin le pousse à se surpasser et à terminer.
Oui il termine en 71e et dernière position des séries, oui il termine à 50 secondes de l’avant dernier, le Bahreïni Dawood Youssef Mohamed Jassim, mais s’est battu et a participé. Avec cette célébrité naissante, de grandes marques de natation s’intéressent même à lui afin qu’il puisse en faire la promotion. C’est ainsi qu’il devient un des ambassadeurs de la marque « Speedo ».
Pourtant, loin d’être considéré comme un héros dans son pays: beaucoup considèrent qu’il est une honte qui jette le discrédit sur le sport dans les pays africains, et sur l’Afrique en général.
Après Sydney, Eric Moussambani travaille énormément pour améliorer son temps. Lors des Jeux Olympiques d’Athènes, l’anguille réussit à passer sous la barre de la minute aux 100 mètres et à se qualifier pour ses deuxièmes olympiades. Seulement pas de chance, la fédération de Guinée perd la photo de son passeport et ce dernier ne peut alors plus participer aux JO. Sydney restera pour Eric comme ses uniques Jeux Olympiques en tant qu’athlète. Pourtant, il est toujours possible que ce dernier puisse un jour goûter à nouveau aux joies des Jeux Olympiques, puisqu’il a été nommé entraîneur de l’équipe de Guinée de natation.
L’histoire de cette « anguille » venue d’Afrique est une histoire particulièrement touchante celle d’un athlète qui sans entraînement particulier, sans coach et sans équipement peu réaliser son rêve, côtoyer les plus grands de sa discipline et représenter son pays. Une histoire comme on les aime.