Magazine Société
Jacques Vergès vient de mourir ce jeudi 15 août, en plein assomption vers le Paradis ou l’Enfer (c’est selon) à l'âge de 88 ans. Si c’est le l’enfer il pourra se faire l’avocat du diable. Si c’est le Paradis il risque de s’ennuyer ferme !
L’avocat célèbre et polémiste (l’un ne va pas sans l’autre) serait décédé de cause naturelle ce qui plaide pour une hygiène de vie irréprochable : pas d’obésité morbide, nulle addiction, aucun signe d’attirance suicidaire.
On retiendra de Jacques Vergès les côtés les plus controversés, exacerbés par une volonté de médiatisation ! Il avait notamment défendu le bourreau de Lyon, le nazi Klaus Barbie lors de son procès à Lyon, en 1987. Les descendants de Jean Moulin en sont encore tout émoustillés ! Il a plaidé pour défendre l’indéfendable. Ses illustres clients sont nombreux : Carlos (non, pas le chanteur, le terroriste), l’ex président serbe Milosevic, l’ivoirien déchu Laurent Gbagbo et j’en passe. J’ignore comment ses clients lui auront payé ses émoluments : blanchiment d’argent ? Traites de cavalerie ? Pourcentage sur la spoliation des peuples tyrannisés par le dictateur devenu présumé coupable ? Pourtant tout avait si bien commencé ! Oui, c’est dommage ! Né en 1925 d'un père consul de France et d'une mère vietnamienne, Jacques Vergès, avait été résistant pendant la deuxième Guerre mondiale ! Il avait donc dû en dire des vilaines et des pas mûres contre le nazisme et son représentant dans la capitale des Gaules ! Puis il s’était révélé en super anticolonialiste convaincu. Il défendait alors le défendable notamment dans le dossier Sonacotra ! Il s’agissait de dénoncer quelques frais illégaux au sein des foyers visant des étrangers en situation irrégulière. Pour un peu on lui aurait accordé le prix Nobel de la Paix sans confession ! Alors, comment a-t-il pu changer autant ? Pourquoi a-t-il retourné sa robe ? Je propose deux éléments de réponse : Primo un avocat est fait pour défendre et tout homme a droit à un avocat tant qu’on réside dans un système démocratique qui trouve ses fondements dans un habeas corpus de plus bel effet ! Vergès n’aura fait qu’exercer son travail à l’image d’un advocatus diaboli s’escrimant à rendre caduque la perspective de canonisation d’un candidat à la Sainteté ! Secundo, Vergès a recherché des clients « délicats » pour l’impact médiatique qui s’ensuivrait irrémédiablement ! L’homme était en quête de célébrité et il n’aurait pas attiré flashs et chroniques s’il s’était contenté de clients « normaux » comme dirait l’autre… Le métier d’avocat est souvent exercé par des esprits ambitieux et assoiffés de notoriété. S’ils restent à la barre ils en feront un objet de provocation en lui apposant des arguments auxquels ils ne croient pas forcément ! Le but étant de susciter la polémique en distillant le venin de la remise en cause des présupposés : non, Barbie n’est pas un monstre, il n’est qu’un petit fonctionnaire qui appliquait à la lettre des ordres venus d’en haut ! Et puis, c’était la guerre ! S’ils quittent la barre (quitte à la retrouver plus tard) c’est pour épouser des professions hautement publiques et mises au pinacle par l’establishment journalistique : députés, sénateurs, ministres voire Président de la République ! De Robespierre à Sarkozy la liste est longue…
Vergès nous a donc quittés et, avec lui, une brume de mystère ! Qui fera un jour le procès de cet homme aux multiples facettes ? Quel brillant avocat, assoiffé de gloire, sera à même de justifier les revirements du « Chinois » ? Bref, qui succèdera à ce provocateur ? Sûrement quelqu’un qui lui ressemblera et qui aura eu l’occasion de se sublimer dans la défense de Bachar Al Assad, du Birman Tan Shwe ou du Tunisien Ben Ali !