Stromae revient pour notre plus grand plaisir après le succès d’un premier Album nommé Cheese (2011) et auréolé de qualités, de louanges et de bienveillance par la fraicheur qu’il sut apporter, en dehors du très célèbre "Alors on danse". Un deuxième essai attendu, au tournant comme par appréciation du premier … Un retour non pas énigmatique mais teinté par chacune des quelques 13 pistes composant l’Album Racine Carrée; hommage à ces fameuses "Racines" et les origines Africaines de l’Artiste tout en renouant avec cette idée de rigueur; de perfectionnement : l’esprit mathématique.
Si Stromae sait où il va; il nous emmène, auditeurs, dans un univers partagé par ces instantanés de la vie quotidienne tels des polaroïds saisis sous le vif pareil à un Haïku arrangé par une rythmique électronique, souvent rapide, et mêlé à des souvenirs d’Ailleurs. Alors tendons l’oreille; apprécions cette composition interprétée, écrite et agencée par Stromaé … Car le voyage musical a beaucoup de choses à nous dévoiler tout en étant à la fois une suite différente de Cheese et d’une qualité égale voire supérieure.
Le symbole "Racine Carrée" est rappelé sur le CD même. Avez-vous remarqué qu’il se trouve au niveau du cou et de la coupe de cheveux ? (Pochette de l’album ?)
Semblable à une boule à neige, Stromae condense en 13 pistes de multiples émotions; de multiples récits qui, en ayant chacune une tonalité et une identité différente, en allant de l’excès quelque soit sa nature à des thèmes plus solennels. ("Ave Cesaria") Exagération vis-à-vis de la société et de ses individus dans "Ta Fête", ouverture et introduction à Racine Carrée, voire carrément un constat quasi sociétal avec "Moules Frites" via le récit de l’insouciant "Paulo", (Evocation directe des relations sexuelles non protégées … Se finissant avec MST, pertes et fracas) Stromae nous prouve une nouvelle fois qu’il est possible d’allier à merveille des idées, souvent d’une noirceur forte, avec des refrains et un rythme qui fleurent l’insouciance. La recette fait des merveilles : non pas par recopiage et remplacement des rythmes inaugurés dans "Cheese"; mais bel et bien par l’introduction de sons inédits dûs à des usages d’instruments distincts (Cuivres via les trompettes dans "Tous les mêmes" mêlés à l’usage du synthétiseur); de nouveaux mariages d’un électronique très marqué mais qui n’est pas incompatible avec des chœurs ("Ave Cesaria") ainsi cette présence discrète mais marquée d’un soupçon culturel Africain. Cela passe par des images ("Humains à l’eau); certains textes (Clichés dans "Bâtards"); quelques paroles voire titres de nouveaux morceaux ("Papaoutai") mais Stromae arrange et orchestre cet nouvel album en le concevant comme un album hybride qui s’articule avec efficacité.
On regrettera peut-être l’absence de paroles pour souligner finalement l’importance de Racine Carrée : un album réalisé par une équipe honorée dans l’ensemble des noms cités. (Dont certains textes écrits avec Orelsan)
Pour autant, "Racine Carrée" n’est pas un message d’amour au Continent Africain pour se concevoir davantage comme un rappel dosé à un pays trop souvent désigné et schématisé comme l’une des figures géographiques et politiques des "Pays du Sud" face aux "Pays développés du Nord". Définir Racine Carrée n’est pas chose aisée tant il est un carrefour culturel où se mêle les consciences de l’Artiste qui est à la fois acteur et témoin des revers de l’individu actuel. Cela passe par les "sourires en plastique" et l’illusion de l’amitié via les réseaux sociaux Twitter & Facebook via une interprétation extrêmement moderne de "Carmen" (Reprenant le thème et l’air créés par Georges Bizet); la révolte face à l’étroitesse d’esprit du Racisme associé à l’idée d’Evolutionnisme via "Humains à l’eau" … On ne présente même plus la piste "Formidable" qui fut une réelle manière de communiquer en tant que "Poète moderne", "Homme de son temps" afin de se mettre dans la peau d’un énième personnage fictif alcoolisé et déchu de sa relation sentimentale avec une femme … Les thèmes sont variés à l’image des manières de les introduire et ce, sans restrictions quant à la nature même des instruments employés, plus divers qu’auparavant.
La pochette est en réalité un Poster et un auto-portrait de l’Artiste … Aux couleurs si symboliques de l’Album.
Racine Carrée est définitivement électronique avec, pour support peut-être de façon encore plus insistante, d’une partie instrumentale qui prouve une fois de plus ce certain talent à arranger sans fausses notes ou fautes de goûts les sons de la Kora dans le troisième morceau "Bâtard" (Surlignage de l’individu indécis) . Ou encore de l’énergie de l’accordéon dans "Ave Cesaria" (Hommage personnel à Evora Cesaria ?) qui, à coup sûr, changera votre optique quant à cet instrument souvent vieilli prématurément.
S’il fallait résumer Racine Carrée en quelques mots, nous serions bien gênés tant il est "multiple". Le lien est établi par l’émotionnel et l’affectif dès Papaoutai; pour se fondre dans une dimension personnelle et accessible à tout à chacun dans la compréhension comme dans le rendu à l’écoute. "Quand c’est ?" n’est autre qu’une métaphore subtile de l’un des maux de notre siècle vis-à-vis du fléau qu’est le Cancer basée sur un rythme très lent, très lancinant; "Sommeil" apparait comme l’une des surprises de cette nouvelle production ayant finalement peu de liens au reste de l’album. Véritable coloration sous l’air d’un Crescendo, Stromae accole les mots pousse les arrangements et les guitares, certes discrètes mais présentes, pour un résultat assez inédit.
"Cheese" et "Racine Carrée" de Stromae ont des idées en commun; sans forcément se copier et; en étant critique, seul peut-être "Merci" pourra vous rappeler la piste "Silence". Encore que la seule comparaison possible étant cet apport très minimaliste démuni de réelles paroles. On sera peut-être plus réservé de la présence du Rappeur Maître Gims sur la dernière piste de l’Album "AVF" (Allez vous faire …) qui pourtant ne manque pas d’être écrite avec intérêt; sans rappeler peut-être les "origines" musicales de Stromae qui a déjà œuvré dans le Rap.
Stromae nous livre une nouvelle incursion dans un univers qui se construit à l’écoute tout en pouvant surprendre l’auditeur qui connait déjà les Singles "Papaoutai" ou encore "Formidable"; qui a eu vaguement vent de "Tous les mêmes" ou de "Humain à l’eau" dans des versions légèrement revues (Ajout de paroles et de quelques secondes) par rapport aux fameuses "Leçons de Stromae". Pari relevé avec quelques idées clefs : susciter l’intérêt et la réflexion via des paroles qui se jouent de l’écho pour être plus retentissantes ("Moules Frites"); de morceaux du quotidien pour parler à chacun ("Carmen"); de jeux de mots puisés dans la modernité de notre ère. ("3G ou 4G ou Déchet"; "Quand c’est … Qui sera le prochain ?") Pourtant, tout en ayant réussi ce coup Marketing réussi via le clip de "Formidable", Stromae nous propose un album aux ambiances si variées qu’elles rompent avec les titres les plus connus et, à la manière de Cheese, nous accroche dans cette double lecture des pistes les plus intimes : "Ave Cesaria" ou encore "Sommeil". On ne se le cache pas : "Ta fête" ou "AVF" ne sont peut-être pas les morceaux les plus à mêmes à être appréhendés/appréciés à la première écoute (Ce fut notre cas) mais l’album entier poursuit l’onde de réussite inaugurée par Cheese avec les mêmes idées clefs; un savoir-faire qui s’est renouvelé par l’apport d’une identité à déceler, à définir.
En tout cas, Stromae offre près de 45 mn en grande partie inédites à écouter avec autant de plaisir que d’attente suscitée par cet album "Racine Carrée". En fouillant dans des accords assez inattendus; Stromae permet à ce nouvel album d’être une sorte de lettre ouverte faite d’hommages; d’intimité et touche, "par ce bruit qui pense", un large pan d’auditeurs en sachant se dégager la critique facile du "CD Commercial". Une belle surprise "revenue", de sa belle "leçon d’humilité". On retiendra, quoiqu’il en soit, de très bonnes idées concrétisées via nos pistes favorites "Bâtard"; "Ave Cesaria"; "Moules Frites" ainsi que "Humain à l’eau" puis "Sommeil". (4,5/5)