Magazine Beaux Arts

Sombre Miro

Publié le 06 juin 2007 par Marc Lenot

A la Fondation Miro à Barcelone, on se dit oui, je connais Miro, ses oiseaux, ses fleurs, ses étoiles et aussi ses tableaux sombres du temps de la guerre civile, et on va un peu vite de salle en salle. Et puis, tout au fond, on arrive dans une salle un peu à l’écart où sont exposés trois ensembles. Le triptyque Feux d’artifice (1974) est fait de projections d’un noir d’encre sur la toile, jetées avec violence, dans une gestuelle cathartique, avec ici et là de toutes petites touches de jaune ou de rouge. De part et d’autre, deux renfoncements dans lesquels le visiteur ne peut pas entrer, deux cellules en quelque sorte: un mur est ouvert vers nous, les trois autres portent chacun une toile qu’on ne peut regarder qu’à distance, comme si elles étaient contagieuses.

A droite L’espoir du condamné à mort (1974), trois tableaux terminés le jour de l’exécution par garrotage sous Franco d’un jeune nationaliste catalan, Salvador Puig Antich. Un trait noir dans la grisaille, un cercle interrompu, une touche rouge, bleue ou jaune : geste de rondeur, enveloppement, ouverture, espoir peut-être. Une vie qui se termine tragiquement, l’espoir pour un peuple.

A gauche, Peintures sur fond blanc pour la cellule d’un reclus est un ensemble de trois toiles encore plus dépouillées : un simple trait mince de peinture noire raye la toile de haut en bas. Sont-ce des tableaux de désespérance totale, est-ce le signe d’une épuration absolue de la recherche de l’essence même de la peinture, ou bien est-ce un aveu d’impuissance, d’impasse ? On est bien loin des Miro colorés devant lesquels la foule se presse. Ici, dans cette salle, il n’y a que des ténébreux, des veufs mélancoliques, des inconsolés à s’attarder.

Les reproductions de ces oeuvres semblent rares: trop discordantes par rapport au reste de son travail, sans doute. Ci-dessus, une photo de Miro dans son atelier devant deux des toiles de L’espoir du condamné à mort encore incomplètes, photo de Francesc Català-Roca (droits réservés). Les ayants-droit de Joan Miro étant, eux, affiliés à l’ADAGP, pour voir certains des tableaux en question, il vous faudra cliquer sur les liens indiqués.


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