Tu le connais, Fred, ce grand voyageur et historien du XIXe siècle: Ferdinand Denis? Je n'en avais jamais entendu parler, avant de lire une citation de lui, tout à l'heure, dans un magazine: La tempérance est un arbre qui a pour racine le contentement de peu et pour fruits le calme et la paix. Oh, je devine ce que tu vas me dire: qu'aux côtés de la prudence, de la force et du sens de la justice - comme le soulignent les anciens - la tempérance mesure les désirs, modère les passions, est ennemie de la démesure et incarne ainsi... l'ennui, tout simplement!
Pourtant pas abstraite, ni hors de la vie et de la nature qui nous comble et nous émerveille, elle est à la source de toutes les autres énergies: sans elle, la prudence ressemble à une coquille vide; les forces se dispersent au gré des humeurs du temps; l'aspiration à la justice - aussi sincère soit-elle - est altérée, comme à travers une fenêtre dont la vitre est recouverte d'une fine couche de poussière. Bref, la tempérance est bien ce remède intemporel qui adoucit les plaies, repose sur la discrétion et conduit assurément à la plénitude.
Cela dit, tant que Geneviève passera chaque matin à bicyclette sous mes fenêtres avec sa robe à pois des années 50, après avoir lorgné vers la maison, de sa balançoire du jardin voisin, j'aurai des doutes, comme Augustin d'Hippone dans ses Confessions: Fais-moi chaste et abstinent, mais attends un peu.
Et n'est-ce pas ce doute, au bout du compte, qui fait de ce chemin sur terre, une promenade enjouée dont le terme n'est pas tracé définitivement et qui me nargue avec ses contours sinueux dont je ne sais où elle me conduit, ni pourquoi je l'emprunte sans déplaisir, le pied léger...
Ferdinand Denis, Le Brahme Voyageur ou la sagesse populaire de toutes les nations (Kessinger, 2010)
Saint Augustin, Les aveux / Confessions (POL, 2013)
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