Cette nouvelle convention signée par Eveline Widmer-Schlumpf pour la Suisse et par Pierre Moscovici pour la France fait la part belle au fisc français, de plus en plus à court d'argent frais.
En effet cette convention prévoit que, si l'héritier, quelle que soit sa nationalité, réside en France depuis au moins huit ans, il devra s'acquitter de l'impôt sur les successions d'un défunt, qui résidait en Suisse, suivant le régime confiscatoire français en la matière.
Certes la conseillère fédérale jure ses grands dieux que le fisc suisse ne sera pas lésé. Et c'est vrai. Sauf qu'il n'y a quasiment plus de cantons en Suisse où existe l'imposition sur les successions en ligne directe. Ou, si elle existe, les taux d'imposition sont dérisoires en comparaison des taux français.
Il s'agit donc d'un marché de dupes, qui, s'il ne lèse pas les états cantonaux helvétiques, lèse à coup sûr les héritiers résidant en France d'un Suisse ou d'un Français qui résidait en Suisse.
Pour sa défense la conseillère fédérale publie aujourd'hui ici un document où sont répertoriées les neuf erreurs commises par les commentateurs sur la convention qu'elle a signée imprudemment et qui, si elle passe la rampe du parlement, ne passera pas, espérons-le, celle d'un référendum.
Quelles sont ces prétendues erreurs?
1) La convention viole la souveraineté fiscale de la Suisse/des cantons: ce n'est pas la bonne question. En réalité, cette convention livre à la rapacité fiscale de la France des personnes physiques qui y échappaient, heureusement, depuis la convention du 31 décembre 1953.
2) La convention viole les principes de l'OCDE: oui, justement. Dans le modèle de l'OCDE l'imposition de la succession se fait dans le pays de résidence du défunt et l'imposition des immeubles au lieu de situation. Ce qui était le cas dans la convention de 1953 et ne l'est plus dans celle de 2013.
3) La convention va créer un précédent: sur 10 conventions signées par la Suisse avec d'autres pays, 2 (avec les Etats-Unis et avec l'Allemagne) prévoient déjà l'imposition subsidiaire au domicile des héritiers. Est-ce une raison pour persévérer dans cette voie avec un autre grand pays, qui impose, comme de juste et comme les autres, la loi du plus fort qui, selon le fabuliste, est toujours la meilleure?
4) La convention crée une grave insécurité juridique et une absence de convention est préférable: autrement
dit, mieux vaut à tout prendre céder à la loi du plus fort que de lui résister. Ce n'est pas avec une telle mentalité que la Suisse a su, depuis ses origines, demeurer libre face aux
puissants.
5) La convention est inique: elle corrigerait des inégalités. En réalité elle aligne les contribuables sur la fiscalité la plus forte, celle de la France. Si la plupart des cantons ont abandonné les droits de successions en ligne directe, c'est bien parce qu'il s'agit d'une imposition inique. Il s'agit en effet de taxer des biens rescapés de multiples taxes, opérées, pendant toute sa vie, sur les revenus et fortunes du défunt.
6) Les héritiers de nationalité suisse sont pénalisés en France: il est vrai que la convention ne vise pas spécifiquement la nationalité mais l'héritier qui réside en France. Mais, dans les faits, ce sont bien un grand nombre de Suisses qui sont visés par cette convention, alors qu'ils ne l'étaient pas auparavant, et qui en feront, principalement, les frais, puisqu'ils n'étaient quasiment pas imposés quand ils héritaient d'un parent résidant de l'autre côté de la frontière.
7) La convention Suisse-Allemagne sur les successions est plus avantageuse car elle favorise les héritiers de nationalité suisse: tant mieux si elle est plus avantageuse dans un cas au moins, celui des héritiers suisses résidant en Allemagne d'un défunt suisse résidant en Suisse; dommage qu'elle ne le soit pas dans tous les autres cas. Encore une fois, que cette convention Suisse-Allemagne s'aligne dans les autres cas sur la fiscalité allemande, plus élevée, est injustifiable. Il est tout aussi injustifiable que la conseillère fédérale se serve de ce précédent fâcheux pour en justifier un autre, qui est encore pire.
8) Le protocole additionnel sur l'entraide administrative combat l'évasion fiscale au détriment des intérêts helvétiques: c'est là où l'on mesure combien les reculades de la Suisse en la matière sont préjudiciables. La conseillère fédérale se réfugie derrière elles pour justifier une nouvelle mesure attentatoire aux droits de propriété individuels.
9) La convention contrevient à la stratégie de l'argent propre du Conseil fédéral: cette stratégie malheureuse et immorale, contrairement à son intitulé, a ouvert la porte aux inquisitions fiscales d'un pays qui fait la chasse massive à l'argent, qui est réduit a quia en raison d'une gestion publique calamiteuse depuis des décennies.
Comme on le voit, la conseillère fédérale ne répond pas sur le fond. Elle justifie d'avoir cédé au diktat des Français par des arguties et non pas par des arguments.
Il serait temps que la Suisse arrête de courber l'échine devant un Etat étranger qui s'est fait une spécialité de voler l'argent des gens, celui de ses ressortissants et celui des autres, par des impôts toujours plus élevés, sans commune mesure avec les services qu'il rend et, surtout, qu'il devrait rendre.
Francis Richard
La photo qui illustre cet article provient d'ici