Cette année, La Route du Rock semble avoir pris des risques (et a bien fait au vu des résultats) en dévoilant l’une des plus belles affiches parmi les festivals français. La 23ème édition a débuté ce jeudi 15 août sur une belle soirée, prometteuse avec Nick Cave & The Bad Seeds en haut de l’affiche.
Arrivant avec un peu de retard, on loupe le passage de Jacco Gardner et on débarque au Fort Saint-Père en plein milieu du set d’Iceage et les notes de « Wounded Hearts ». La chaleur inonde le fort pendant le show électrisant des danois qui débordent d’énergie, scandant leurs hymnes d’un air sérieux et un peu médusé. C’est criard, enragé et brutal, mais le post-punk suintant d’Iceage ne semble pas prendre la sauce. Il faut avouer que faire jouer un groupe tel qu’Iceage au plein soleil à 19h30, n’était pas très idéal. Le show ne décollera pas. Le son est crade, les balances mal faites, la foule, venue peu nombreuse applaudit timidement. Juste le temps d’entendre le rythme lourd de « White Rune » et d’un « You’re Nothing » un peu rebutant que le public s’éloigne peu à peu avant la fin du set.
Apercevant Moon Duo de loin, les inconvénients de la scène du Fort semblent déjà se faire sentir, nous y reviendront. C’est déjà le tour des américains de Local Natives de monter sur scène, lançant « World News » en guise d’amuse-bouche qui donne le ton : guitares scintillantes, une harmonie vocale céleste, les voix en totale symbiose de Keylce Ayer et Taylor Rice, des montées en tension parfaitement exécutées. Les chansons déjà classiques comme ou « Wide Eyes » (acclamée par tous dès les premières notes), « Sun Hand » ou « Heavy Feets » prennent un ton résolument plus rock et acéré qui surprend par sa force. L’orchestration onirique des titres s’enchaînent, les plus beaux morceaux de Gorilla Manor et Hummingbird, les plus mélancoliques sont sublimées par une force incroyable, « Warning Sign » ; « Airplanes » qui poursuit le voyage après « You & I », tout y passe dans une performance éblouissante. Les Local Natives sont grands, leur pop méticuleuse fait des ravages et fait frémir les spectateurs du Fort. Ils sont une capacité à rendre leur propre son plus ample, et majestueux. Une heure c’est bien trop court non ? On en redemanderait.
Les prêches ne sont pas une habitude de la maison. Mais le grand ordinateur de celui-ci n’est autre qu’un des derniers grands mythes du rock tel que l’on le connaît. La messe débute avec « We Know Who U R » qui ouvre le quinzième album studio de Nick Cave & The Bad Seeds, Push The Sky Away , faussement calme comme le live nous le confirmera. « Jubilee Street » suit en deuxième position et prend une tournure plus urgente sur scène, venant rejoindre le répertoire des classiques « From Her To Eternity », « Tupelo » ou « The Mercy Seat » habités par une violence monstrueuse. Le concert nerveux, fracassant, classe de bout en bout. Nick Cave jette son micro, le reprend, le jette à nouveau, crachant (littéralement) sa poésie partout sur la scène et dans la fosse où il n’arrête pas de faire ses aller-retours, au grand malheur du staff du festival. Le concert se déroule dans une certaine urgence, et l’accalmie sera de courte durée avec le sublime « Mermaids » puis « Love Letter » où le crooner s’installe seul sur son piano comme un homme brisé au fond d’un bar miteux avant de repartir en guerre avec « Higgs Boson Blues » peut-être un des plus beaux titres de cette année 2013. C’est fiévreux, le grand Nick fait un show d’une classe à peine croyable. Il reste déjà juste le temps de lancer « Stagger Lee » comme « a song before these fucking Nirvana and Elvis » et de terminer (comme sur l’album éponyme) avec l’orgue lugubre de « Push The Sky Away ». Meilleure performance du festival à l’unanimité.
Moment creux de la soirée du jeudi, la performance de !!! . Difficile de passer après une performance aussi classe que celle de Nick Cave & The Bad Seeds. Il faut dire que nous n’espérions pas grand chose des New-Yorkais, nous n’aurons donc pas l’occasion d’être déçus en voyant les pitreries de Nic Offer dansant en caleçon sur le main stage. Leur son groovy, un peu trop déconneur laisse perplexe. On passe notre tour.
On en aurait presque oublier de se dépêcher de filer sur la petite scène applaudir l’époustouflante performance d’Electric Electric. La capacité d’accueil de la place ne permettra qu’aux chanceux venues se positionner en avance d’apprécier pleinement le math-rock massif des strasbourgeois. On aura tout juste une ébauche de ce que peut donner le trio, mais une chose est sûre ils sont promis à de grandes choses.
Même pas cinq minutes après, Fuck Buttons enchaînent. Andrew Hung et Benjamin John Power s’installent face à face, des deux côtés d’une table remplie de joujous électroniques. Les lourdes rythmiques de « Brainfreeze » qui ouvre leur troisième album Slow Focus met tout le monde d’accord dès les premières minutes. On va se prendre une grosse mandale en pleine face. Et ça ne rate pas. « Surf Solar » poursuit la déflagration sonique et orgasmique. On a enfin l’impression de réveiller, malgré l’heure tardive, quelque part au milieu d’un lieu inhabituel. La musique de Fuck Buttons une expérience à part entière. Les frontières entre l’électronique et la noise se désagrègent, et se mélangent dans un véritable dédale de sonorités dont il sera impossible de ressortir (tant mieux pour nous). Les morceaux sont taillés pour le live (appuyé par des rythmiques tapées sur un tom). Le son est en constante évolution, le voyage est une expérience harassante mais totale. Le sol vrombit sous la puissance des drones qui explosent dans les têtes. Claque assurée.
crédit photo : © Vincent Pn